Médiateurs à quatre pattes
Jean-Jacques Gross est passionné par les chiens. Au sein d'une association, il a développé des activités de médiation animale dans des contextes divers. Ponctuellement, il intervient auprès des élèves de la Maison familiale rurale de Semur-en-Auxois, en Côte-d'Or, et les emmène avec lui (et quelques compagnons poilus) pour rendre visite aux résidents.

En ce matin pluvieux de février, il règne une activité surprenante sur le parking de l'Établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Semur-en-Auxois, en Côte-d'Or. Deux minibus viennent de décharger un groupe d'adolescents, accompagné de chiens, toutes queues remuantes. Juste à côté, un homme extrait de sa camionnette un chariot rempli d'objets colorés. Il est lui aussi flanqué de plusieurs chiens. Ce petit groupe se dirige vers l'entrée de l'établissement, où il est visiblement attendu. Jean-Jacques Gross, l'homme au chariot, effectue ce jour-là un exercice dont il a l'habitude : emmener des étudiants de la Maison familiale rurale (MFR) de Semur-en-Auxois afin de les initier à la médiation animale avec des résidents de l'Ehpad. Jean-Jacques, nous l'avions rencontré en janvier à Dijon, à l'occasion d'un forum des MFR. Il était présent avec Rubis, sa chienne Berger australien et nous avait fait découvrir, à cette occasion, les interventions qu'il réalise ponctuellement auprès des élèves de Semur-en-Auxois qui se forment à des métiers liés à l'éducation ou l'élevage canin. Nous avions pris date afin d'assister, concrètement, au travail fait avec les étudiants, les chiens et les personnes âgées.
Animaux « visiteurs »
Dans ce contexte, Jean-Jacques Gross n'intervient pas à titre personnel mais pour le compte d'une association née en 2016 et dont il est vice-président : l'Institut de zoothérapie pour personnes âgées ou handicapées (Izpah), basé à Auxerre, dans l'Yonne. Il s'y occupe plus particulièrement des chiens de bien-être, des animaux « visiteurs » avec lesquels des animations et interventions sont faites, en Ehpad, sur les départements de la Côte-d'Or, de l'Yonne ou de la Nièvre, mais aussi, plus rarement, dans des hôpitaux comme ceux de Tonnerre ou Avallon, dans l'Yonne, ou même en milieu psychiatrique. L'Izpah dispose d'une dizaine de chiens prêts à intervenir dans des circonstances comme celles vues à Semur-en-Auxois. La plupart des propriétaires de ces chiens sont membres de l'institut, les animaux sont formés en son sein et agréés par les membres du comité directeur. Comme il le fait à chaque fois qu'il intervient à la MFR de Semur, Jean-Jacques Gross commence la journée par une intervention auprès des jeunes, afin de leur présenter l'association, mais aussi leur expliquer quel sera leur rôle et celui des chiens lors de cette initiation à la médiation animale. Pendant une demi-heure, il répond aux questions des étudiants, sur le comportement des chiens, sur les réactions des personnes âgées… Il les prévient : « Vous verrez, pour les personnes âgées, l'arrivée d'un chien, c'est magique ! » Les animaux utilisés pour ce genre d'intervention sont habitués à tout ce qu'on peut leur demander face à des personnes âgées ou, parfois, des déficients mentaux : « Ce sont des chiens exceptionnels, précise Jean-Jacques Gross. Dès qu'ils sont petits, on les déplace beaucoup, on les emmène dans des lieux très différents où ils sont en contact avec un grand nombre de personnes différentes. C'est un contexte qui devient naturel pour eux. »
Une clé pour s'ouvrir
Sur ce type d'animation, l'effet d'entraînement au sein du groupe de chiens est un puissant moteur : il suffit qu'ils voient l'un d'entre eux aller vers les personnes de l'Ehpad pour être dans les « starting-blocks » et se lancer à leur tour, au moindre signe. Ce qui apparaît évident, c'est le rôle de médiateur qui permet à des personnes âgées parfois renfermées ou se sentant seules, de, soudainement, s'ouvrir. L'intervention à l'Ehpad de Semur s'organisait en deux groupes : le premier, dans une salle commune au rez-de-chaussée, avec une quinzaine de résidents rassemblés, à la fois pour toucher les chiens, les caresser, les brosser et organiser des petits jeux avec eux. Quant au second groupe, accompagné d'animatrices de l'Ehpad, il se rendait, dans les chambres des résidents ayant donné leur accord, (la présence du chien n'est jamais imposée). Jean-Jacques Gross le rappelait aux adolescents participants : « Venir à l'Ehpad avec un animal c'est une chance dont vous devez avoir conscience : le chien est un formidable vecteur. Vous allez voir que, souvent, les personnes se mettent à vous parler d'un tas de choses et ne s'occupent plus du chien, mais c'est lui le véritable médiateur : il permet d'avoir accès aux personnes afin de leur permettre de s'ouvrir à nouveau… ». De fait, sitôt entré dans l'Ehpad, le groupe génère sourires, intérêt, une nouvelle atmosphère s'installe.
Moment très attendu
La visite, moment formidable pour les résidents, est aussi très importante pour le personnel, comme le confirme Nathalie Biotteau, une des animatrices de l'Ehpad : « Avoir des jeunes présents dans l'établissement, c'est déjà très important pour les résidents. Avec les chiens, l'interactivité leur plaît beaucoup. Les deux réunis apportent une communication facilitée, des échanges et, au final, un bien-être. M. Gross vient régulièrement avec son association, c'est devenu un rituel pour les résidents et c'est quelque chose de très attendu. » Les élèves accomplissant cette initiation sont encadrés, par le personnel de l'Ehpad et leurs enseignants de la MFR. Rien n'est imposé aux résidents et l'éventuelle peur des chiens que peuvent ressentir certaines personnes et tout à fait prise en compte. Depuis plusieurs années qu'il mène ce genre d'action, Jean-Jacques Gross, a beaucoup appris, y compris sur lui-même : « Dans ces circonstances, on demande beaucoup à nos chiens, mais les rencontres sont marquantes. Parfois, c'est émotionnellement très fort, ça peut même être éprouvant mais je suis très reconnaissant à mes chiens de m'avoir aidé dans ces moments, en jouant leur rôle de médiateur. » Le slogan de l'Izpah c'est « Un chien, un sourire ». « Nous n'avons pas d'autre prétention que celle d'apporter un sourire sur le visage des personnes que nous rencontrons dans ces contextes » conclut Jean-Jacques Gross. Mais elle est énorme, cette prétention !