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Vendanges de Montmartre

Les raisins de la butte

Dernier témoin du riche passé viticole de la capitale, les vignes du Clos Montmartre sont l’occasion chaque année d’une fête des vendanges riche en couleurs, qui en fait le troisième évènement parisien en termes de fréquentation
Par Dominique Bernerd
Les raisins de la butte
Bruant n’est pas mort et Montmartre vit encore… !
Qui peut imaginer aujourd’hui en se frayant un chemin Place du Tertre entre les hordes de touristes et les portraitistes en mal de gogos, que les coteaux de la Butte Montmartre furent naguère couverts de vignes et produisaient un vin dont la notoriété n’avait rien à envier à ses lointains cousins bordelais ou bourguignons… La trace des premiers vignobles remonterait même à l’époque Gallo-Romaine, lorsque Paris avait pour nom Lutèce. Longtemps l’apanage des moines et abbesses de Montmartre qui s’en servaient pour accroître les revenus de leur Abbaye, le vignoble permit, dès la fin du XVème siècle, à des vignerons et paysans de s’installer à leur tour sur la Butte. Alors séparé de Paris, Montmartre n’était pas soumis aux droits d’octroi et le vin pouvait y entrer librement. Le début des premiers cabarets, tavernes et autres lieux de plaisir qui en firent sa renommée au fil des siècles.

Un peu plus de 1 700 pieds pour 27 cépages différents
Mais l’exploitation des carrières liée à l’expansion démographique, ont eu raison du vignoble et sa disparition du paysage montmartrois, confirmée par l’annexion de Montmartre à Paris en 1860. Le phylloxéra faisant le reste. Il fallut attendre 1933 pour y voir une parcelle de nouveau consacrée à la culture de la vigne, née de la lutte des riverains contre un projet immobilier de construction d’habitations à bon marché. Plusieurs centaines de pieds y furent plantés en une nuit par les artistes de la Butte, sous l’égide du dessinateur Poulbot, ce qui en fit un terrain «agricole» non constructible. La première fête des vendanges eut lieu l’année suivante, sous le parrainage de deux jeunes débutants : Fernandel et Mistinguett. Mais on fit venir pour l’occasion du raisin récolté dans le beaujolais, le maire et les membres de la Commune Libre de Montmartre, ayant oublié qu’on ne faisait pas vendange après une seule année de plantation… ! Située rue des Saules et bordée au nord par la rue Saint-Vincent, la parcelle de 0,15 ha compte aujourd’hui encore un peu plus de 1 700 pieds pour 27 cépages différents, en majorité Gamay et Pinot Noir. Bon an mal an, le «Clos Montmartre», l’une des plus petites vignes de France, fournit de quoi vinifier environ 1500 bouteilles, dont la vente se fait au profit d’œuvres caritatives et sociales de la mairie du 18ème arrondissement. Longtemps vendangé de façon approximative et mélangé à des raisins de table en provenance du midi, avant d’être chaptalisé, le raisin de Montmartre donnait pour le moins un résultat «original», voire très surprenant…! Mais depuis 1995 et l’embauche d’un œnologue, un travail a été mené pour en faire du «vrai» vin, que l’on s’arrache à prix d’or. Comptez tout de même 50 € la bouteille…
Chaque année, le premier week-end d’octobre, s’ouvre la traditionnelle «Fêtes des vendanges», où se pressent (c’est le cas de le dire !) plusieurs centaines de milliers de personnes, ce qui en fait le troisième évènement parisien après la Nuit Blanche et Paris Plage. Un évènement haut en couleurs, marqué par le défilé de confréries vineuses et gastronomiques venues de toute la France et même d’Europe, avec pour ouvrir la marche, la fanfare des Petits Poulbots et les dignitaires de la République montmartroise. Des dignitaires ceints d’une écharpe rouge et d’une longue cape de velours noir, en hommage à celui qui a si bien chanté la Butte… Bruant n’est pas mort et Montmartre vit encore !