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Une nouvelle brasserie artisanale à Clamecy (58)

Les Bières du Donjon à l’assaut des assoiffés bourguignons

Vendredi et samedi prochains, les Bières du Donjon organisent leurs portes ouvertes pour le lancement de leur activité, dans la zone artisanale Saint-Exupéry de Clamecy. Les premières bières brassées par deux jeunes entrepreneurs couleront à flot. Les deux ex-étudiants de biologie visent une clientèle régionale.
Par Emmanuel Coulombeix
Les Bières du Donjon à l’assaut des assoiffés bourguignons
Les deux jeunes brasseurs s’approvisionnent en grains issus de l’agriculture régionale.
N’allez pas imaginer un château médiéval, où de précieux grains de malt et de houblon percoleraient dans le secret religieux d’une alcôve ancestrale... Les Bières du Donjon, fruit d’une approche marketing très calibrée, sont une marque certes inspirée par la tradition brassicole monastique, mais une marque d’un breuvage tout ce qu’il y a de plus neuf. A Clamecy, dans un entrepôt de la Zone d’activités artisanales, deux jeunes alchimistes lancent leur projet professionnel  : «rendre accessible des bières pointues techniquement, maltées mais pas trop houblonnées, au plus grand nombre» avec une vraie recherche de qualité gustative. A 25 et 25 ans, Alexandre Burnier et Romain Flesch, sont deux anciens copains qui se sont rencontrés à Paris durant leurs études d’ingénieurs en biologie appliquée option agro-alimentaire. L’un est Savoyard, l’autre, Alsacien et, si tous les deux nourrissent une passion pour la bière hors norme, rien ne les prédestinait à ouvrir leur propre brasserie artisanale à Clamecy, dans le Nord de la Nièvre. «Mon épouse a trouvé un emploi dans la région et, avec Alexandre, nous avons eu envie de sauter le pas» explique Romain, dont les bacchantes fournies trahissent un vrai talent pour accueillir la mousse dorée. Car ces deux copains, après deux emplois CDI depuis 2012, dans le nougat à Montélimar pour le premier, dans une brasserie icaunaise pour l’autre, ne partent pas complètement à l’aventure... Ce sont des stages et des études de cas, durant leur cursus, qui leur ont offert leur opportunité professionnelle  : «Nous devions monter un projet et le défendre auprès des professeurs et des professionnels, qui allait de la production à la commercialisation d’un produit agro-alimentaire. Nous nous sommes pris au jeu. Le modèle d’une mirco-brasserie était né» !

85000 euros d’investissement
De contacts avec les collectivités en montage financier, faisant appel au crowdfunfding (ndlr: financement participatif), les deux compères ont donc décidé de passer à la réalisation en avril 2014. Dès septembre, ils signaient un contrat de location du bâtiment avec la Communauté de communes des Vaux d’Yonne, un hangar qu’ils partagent encore provisoirement avec l’entreprise de pains de mie Jacquet, voisine de la zone d’activités. Au total, c’est investissement de 85 000 euros, qu’ils réalisent, pour lancer leur brasserie et leur marque de bières. «A la fois peu pour une entreprise et beaucoup pour de jeunes qui sortent de leurs études d’ingénieurs» admet Alexandre. Ils ont peaufiné leur étude de marché, en demandant leurs données technico-économiques à d’autres de leurs désormais concurrents, mais sans jamais s’en tenir aux spécifications des leaders indiustriels de la brasserie. Ils escomptent bien faire valoir leur authenticité et leur savoir-faire artisanal, «avec des recettes plus complexes mais gustativement plus qualitatives». Jusqu’à imaginer, dans leur gamme qui va compter 4 bières (dont 3 blondes), une recette à base de pétales de roses séchées et brassées par leurs soins. Outre une politique de communication offensive, reliquat de leurs études à l’école, Alexandre et Romain ont aussi une approche économique très poussée, choisissant d’acquérir «du matériel de seconde main de toute la France, mais en très bon état, plutôt que de se fournir chez les fournisseurs du marché de la brasserie, qui sont hors de prix !» C’est ainsi qu’ils utilisent pour leurs premiers brassins, vieillissant dans leurs premières bouteilles, des cuves et des tanks venant des fermes laitières : «A part quelques détails que nous maîtrisons parce qu’il peuvent avoir une incidence sur le goût de la bière, le matériel est quasiment le même» souligne Romain. Autre proximité avec le monde agricole : «nous achetons le malt auprès de Soufflet, des grains qui sont produits dans la région Bourgogne, et nous faisons venir le houblon d’Alsace, l’un des seuls secteurs où il est produit mais dont l’ingrédient est nécessaire à l’appellation bière» précise Alexandre. Et ce n’est pas tout. Après que l’orge malté ait été concassé dans un moulin (ndlr: 100 kg de malt pour un brassin qui produit 450 à 500 litres de bière), que la substance ait été mélangée à l’eau et chauffée pour extraire l’amidon du grain transformé en sucre, reste une sorte de bouillie, les drèches, qui «pour nous sont un déchet, mais que nous donnons à un éleveur voisin pour l’alimentation de ses charolaises parce que c’est très riche en protéïnes». Charge à l’agriculteur de venir chercher les 400 kg de résidus chaque semaine...

Choix de recettes élaborées !
Après rinçage dans une autre cuve, retour dans la cuve matière pour stériliser, clarifier le moût et faire évaporer les composants nocifs tout en extrayant les principes amers du houblon, c’est la phase de fermentation qui commence dans les deux tanks à lait reconvertis. Le moût est refroidi brutalement, le choc thermique rendant le liquide le plus stérile possible. La fermentation dure entre 3 et 5 jours, au terme desquels la phase de garde débute, en bouteilles, entre 22 et 25 degrés, «dans une pièce de contreplaqués que nous avons montée nous-mêmes» précisent les deux entrepreneurs. C’est là que des levures sont réinjectées pour créer la pétillance, clarifier le breuvage, exaucer les arômes... «L’intégralité de notre première production repose là» annonce Romain qui montre les 2200 bouteilles (ndlr: soit 10 fûts) qui seront étiquetées dans la semaine avant d’être proposées les 8 et 9 mai prochains... Vendredi et samedi prochains, en effet, les Bières du Donjon prendront officiellement vie pour le grand public. Les deux jeunes chimistes organisent leurs portes ouvertes, dans l’entrepôt de production et dans l’espace boutique  dont la décoration évoque le Moyen-âge. Des troncs d’arbres portent des ramequins laissant apparaître des échantillons des grains et feuilles utilisés dans leurs recettes. Une épée d’Excalibur viendra bientôt souligner l’esprit médiéval qu’ils veulent insuffler aux lieux. Des chopes de toutes marques, collection personnelle de Romain, ornent déjà les étagères, où les cartons «maison» n’attendent plus que de se remplir de leurs productions. Les verres, siglés du logo bleu des Bières du Donjon, n’attendent plus que la dégustation... Alexandre a même retrouvé des bouteilles anciennes, qu’il date des années 20 ou 30, témoignant de la présence à Clamecy d’une certaine brasserie Schneider. De très lointains collègues, sans doute disparus du métier au tournant de la 2ème Guerre mondiale... Et au fait, la bière, quel goût a-t-elle  ? Sur le bar en bois, la couleur ambrée est du plus bel effet. Et foi d’amateur de bière au malt à whisky, la première production ressemble de près à une marque célèbre de bières qui commence par Adel et finit par Scott... «Notre spécificité repose sur trois points  : le choix des matières premières, la fermentation et la méthode de brassage». Désormais, ils veulent conquérir les cavistes, bars et restaurants de toute la Bourgogne... Et des brasseries parisiennes leur font déjà un appel du pied.