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Filière

La grande ambition du gagnant-gagnant

Permettre à des éleveurs côte-d'oriens de trouver des débouchés à Paris, mais aussi localement, en valorisant leurs bonnes pratiques environnementales : c'est l'ambition de l'association Eau et agriculture durable du Châtillonnais. Un principe gagnant-gagnant tentant, mais dont la mise en œuvre réclame l'implication de nombreux acteurs.

Par Berty Robert
La grande ambition du gagnant-gagnant
La journée EADC organisée au lycée de La Barotte, à Châtillon-sur-Seine, ambitionnait de porter un regard le plus large possible sur les tenants et les aboutissants de la création d'une filière viande bovine locale.

Lancée en 2023, la démarche Eau et agriculture durable du Châtillonnais (EADC) est le fruit d'une ambition commune de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, de l'Établissement public d'aménagement et de gestion de l'eau Sequana, de la Métropole du grand Paris, de l'établissement public territorial de bassin Seine Grands lacs et du parc national de Forêts. Présidée par Vincent Lavier, l'association EADC vise à valoriser les pratiques agro-environnementales des éleveurs du Châtillonnais afin, en contrepartie, de leur ouvrir les portes de nouveaux débouchés, notamment sur Paris et sa région. Un objectif qui réclame de franchir de nombreuses étapes, dont l'une, capitale, est la constitution d'une filière viande bovine, apte à répondre aux attentes du marché de la restauration collective parisienne, mais aussi, pourquoi pas, de la métropole dijonnaise, du Conseil départemental de Côte-d'Or et du Conseil régional de BFC. 

Tous les acteurs concernés

C'est dans ce contexte qu'une journée spéciale était organisée au lycée agricole de La Barotte, à Châtillon-sur-Seine, le 13 juin. Les organisateurs avaient choisi de rassembler tous les acteurs concernés : éleveurs, collectivités, les coopératives, abattoirs, outils de découpe et les financeurs. Entre interventions de conseillers de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, tables-rondes et visites d'exploitations engagées, les participants pouvaient « embrasser » la totalité des enjeux qui se nouent pour permettre à cette éventuelle filière d'exister et de se développer. « Le chemin qu'EADC s'apprête à faire, nous l'avons déjà fait », soulignait Zoltan Kahn, agriculteur icaunais, directeur de la SAS Terres du Pays d'Othe et participant à la journée. Ce groupement d'agriculteurs bio travaille sur le bassin de la Vanne qui représente la plus grosse aire de captage des eaux de Paris. « On a décidé de proposer aux Parisiens de manger ce qu'ils boivent, ajoute-t-il. On s'est retrouvés intégrés à l'élaboration du Plan d'alimentation durable de la ville de Paris. » Aujourd'hui ils transforment et commercialisent des légumineuses, des céréales, des oléagineux, des produits laitiers, des jus. La restauration collective représente 60 % de leur activité. Un exemple évidemment très inspirant pour le projet de filière d'EADC et ce d'autant plus que les clients de Terres du Pays d'Othe sont en recherche de viandes labellisées ou bio et qu'ils ont du mal à en trouver. Une réalité confirmée par une étude présentée par Antoine Claudet, du service diversification et circuits courts de la Chambre d'agriculture. 

Une place à prendre

Il y a une place à prendre tout en s'appuyant sur l'expérience acquise par cette filière icaunaise dans la capacité à surmonter les mille-et-une difficultés de la constitution d'une filière, et dans les problématiques de logistique, éternel « talon d'Achille » des filières de producteurs. Afin de rappeler le contexte dans lequel tout cela s'inscrit, Amélie Poulleau, conseillère bovin viande et fourrage de la Chambre d'agriculture, avait présenté le potentiel de production sur le Châtillonnais et les coûts actuels de production de ces éleveurs. « Deux objectifs se posent aux producteurs, rappelait-elle : sécuriser leurs revenus en valorisant des volumes importants et en obtenant une plus-value suffisante, mais aussi sécuriser l'approvisionnement de la filière, en optimisant la saisonnalité des ventes et en gérant les équilibres carcasse. » Des points qu'Édouard Maréchal ou Mathieu Javelle, éleveurs locaux, ont aussi en tête. Le premier nommé, éleveur de Charolaises à Châtillon-sur-Seine, a participé à l'analyse des coûts de production, « mais dans ce processus d'élaboration d'une filière, précise-t-il, on voudrait savoir si tout le monde (coopératives, collectivités) nous suit. Notre première attente, c'est la rentabilité. Personnellement, je travaille sur la question avec les coopératives Feder et Sicarev, pour m'appuyer sur une expertise et valider la finition de nos bêtes. » L'attente en matière de visibilité sur les prix est une priorité pour ces éleveurs, et les dynamiques de contractualisation qui se mettent en place peuvent y participer. Être un acteur de ses propres produits est aussi un élément qui pèse dans la balance : Mathieu Javelle y voit un facteur valorisant : « avoir l'occasion de s'impliquer et de discuter avec tous les échelons d'une filière, ça n'arrive pas si souvent à un éleveur ! soulignait-il, mais il faut que nous parvenions à expliquer l'intérêt de valoriser notre viande. » Un aspect essentiel face aux collectivités potentiellement clientes mais soumises à des contraintes budgétaires croissantes. L'un des intérêts de cette journée EADC était aussi de faire comprendre que, pour certaines collectivités aujourd'hui, instaurer, plusieurs fois par semaine, des menus sans viande, ou lutter contre le gaspillage alimentaire, c'est le moyen de dégager des marges financières permettant d'aller vers de la viande de meilleure qualité, locale, et en rémunérant correctement les producteurs. Ce ne serait pas là le moindre des avantages qu'une filière viande bovine EADC pourrait mettre en évidence. 

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