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À Dijon

La fatigue des paradoxes…

Une cinquantaine de tracteurs plus quelques bennes à lisiers : voici le dispositif qui a défilé jeudi 25 septembre à Dijon à l'appel de la FDSEA et des JA 21. Une délégation a pu rencontrer le Préfet de Côte-d'Or et de Région.

Par Berty Robert
La fatigue des paradoxes…
La manifestation du 25 septembre s'est focalisée en grande partie sur un symbole fort du mécontentement agricole : l'Union européenne et la perspective de l'accord commercial avec le Mercosur.

L'art du paradoxe, on connaît dans l'agriculture française : les Pouvoirs publics et les instances européennes excellent à conjuguer le grand concours de la vertu environnementale et celui d'une économie libérale dans ce qu'elle a de pire. C'est ainsi qu'on en arrive à poser à sa propre agriculture des contraintes fortes, tout en important dans nos rayons des produits agricoles européens ou extra-européens qui se fichent de ces mêmes contraintes comme d'une guigne. Ajoutez à cela un soutien nécessaire au pays agressé qu'est l'Ukraine et la priorité des Italiens ou des Allemands à trouver des débouchés pour leurs produits industriels en Amérique du Sud, et vous obtenez un cocktail assez explosif de mécontentement et de découragement agricole. « N'importons pas l'agriculture que nous ne voulons pas ! » tel était le slogan qui figurait en lettres rouges sur le tract que les manifestants réunis à Dijon jeudi 25 septembre à l'appel de la FDSEA 21 et des JA 21 distribuaient aux passants qui se donnaient la peine de s'interroger sur les raisons de cette manifestation.

Direction la Maison de l'Europe

En fin de matinée, un dispositif d'une cinquantaine de tracteurs et d'une quinzaine de remorques chargées de lisier a convergé vers le centre de Dijon mais, pour une fois, sans s'arrêter devant le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Comme le rappelait Antoine Carré, président de la FDSEA 21, le choix avait été fait de ne pas renouveler les manifestations de mécontentement face à cette collectivité, afin de préserver son nouveau président, Jérôme Durain, élu le 5 septembre, mais dont l'action sera jugée sur pièce dans les mois qui viennent. L'épicentre de la manifestation s'est en fait déplacé de quelques dizaines de mètres pour se fixer à la Maison de l'Europe en Bourgogne-Franche-Comté. L'organisme représente symboliquement ce qui cristallise la colère paysanne, à travers l'accord commercial avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), qui aura un impact, notamment sur l'élevage sous nos latitudes et dont le projet a été validé le 3 septembre par l'UE. De nombreuses bennes ont été déversées face au bureau de l'organisme et sur les voies du tram, pendant que, dans le même temps, une délégation de manifestants, emmenée par Antoine Carré et Antoine Duthu, président des JA 21, rencontrait le Préfet de Côte-d'Or et de Région BFC, Paul Mourier.

PAC, Mercosur, prédation et sanitaire

À leur sortie, les deux représentants syndicaux, juchés sur une remorque, ont fait part du résultat de cette entrevue aux manifestants : Pour Antoine Carré, il semble évident que le Président Emmanuel Macron devrait peser plus au niveau européen pour défendre le secteur agricole français dans la perspective d'un accord avec le Mercosur. « Par ailleurs, ajoutait-il, j'ai fait remarquer que nous sommes soumis à la PAC, gérée au niveau départemental par les DDT et que PAC, ça signifie « Politique agricole commune », les normes devraient être les mêmes partout en Europe, or, la loi Duplomb a démontré que ce n'était pas forcément le cas… Comment peut-on nous demander une agriculture saine, propre, contrôlée, voire épiée par des satellites et, en parallèle, importer des denrées du Brésil, véritable désastre en termes d'émissions de CO2 et de traçabilité ! Nous avons demandé plus de bon sens, de souplesse, de communication à l'échelon départementale avec la déclaration PAC. On peut se réjouir de l'annonce d'avance de trésorerie des aides PAC à la mi-octobre, y compris pour les personnes en phase de contrôle. » Sur la prédation, Antoine Carré a souligné qu'en 2026, le loup pourrait faire l'objet de tirs sans décret préfectoral. Antoine Duthu, pour sa part, a insisté sur la nécessité d'adopter une véritable stratégie de vaccination nationale face à la menace de la Dermatose nodulaire contagieuse (DNC) : « la maladie, rappelait-il, est aux portes de la Saône-et-Loire ! Il faut arrêter la déprise de l'élevage chez nous et cela passe par des politiques cohérentes sur le plan sanitaire. Il faut arrêter d'avoir une gestion des maladies par strate. »

Soulager les céréaliers

La situation des céréaliers a aussi fait l'objet de l'intervention auprès du Préfet. « La tonne de blé à 150 euros, on ne la vend pas, on la donne ! martelait le président de la FDSEA, dans un tel contexte, même si nous sommes bien conscients que le préfet ne peut pas agir sur les prix, on peut au moins alléger les contrôles. Les mille et-une petites contraintes qu'on nous ajoute rendent la situation de plus en plus insupportable… » Dans le public, un des agriculteurs présents à la manifestation rappelait un élément frappant : « lorsque mon père s'est installé dans les années quatre-vingt, il vendait la tonne de blé à 1 200 francs. Aujourd'hui, c'est 150 euros, c'est-à-dire encore moins chère… »