Agrobiologie
La COCEBI fête ses 30 ans
Créée le 11 juillet 1983, la Cocebi était alors la première coopérative céréalière spécifiquement bio, sur toute la région Bourgogne. Retour sur 30 ans d’existence

Née il y a tout juste 30 ans, la Coopérative Céréalière Biobourgogne est désormais bien ancrée dans la sphère agricole icaunaise. A la veille de son assemblée générale, rencontre avec son président, Jean-Marie Pautard
[INTER]TdB : Comment est née la coopérative ?[inter]
Jean-Marie Pautard : [I]«Ce sont au départ sept ou huit agriculteurs qui se retrouvent au printemps 1983 et qui décident, avec André Lefebvre, alors technicien à la Chambre d’agriculture de l’Yonne, de créer une coopérative céréalière spécifiquement consacrée au bio. Le président était alors Roger Millot, de Druyes les Belles Fontaines. Moi, j’étais trésorier et me souviens encore, de l’instant où j’ai levé le doigt pour me désigner»[i]
[INTER]Quelles étaient alors les surfaces engagées ?[inter]
[I]«A l’époque, quelques centaines de quintaux. On était alors en francs du quintal. Nos premiers clients étaient allemands. Quant aux agriculteurs engagés, ils venaient de Seine et Marne, de l’Aube, de Puisaye, de l’Avallonais, de la Nièvre. C’était déjà région et grande région. Installés la 1ère année, dans la ferme de Roger Millot, à Druyes, nous avons loué l’année suivante une ancienne ocrerie, à Auxerre, un bâtiment aujourd’hui détruit, qui était parallèle au magasin actuel Germinal, rue de Preuilly.»[i]
[INTER]Tout a démarré rapidement après ?[inter]
[INTER]«Rapidement oui, mais pas avec une croissance immense. En 1990, nous étions une trentaine. On a connu à l’époque une première crise, celle du «faux bio». Il faut dire qu’il n’y avait pas alors de règlement européen, mais des Commissions Mixtes d’Agrément et de Contrôle, qui géraient le bio. On a vu alors se créer à ce moment-là, le cahier Bio Bourgogne, copie du cahier des charges de Nature et Progrès.»[inter]
[INTER]Ces «faux bios», c’était qui ?[inter]
[I]«Des gens qui avaient compris qu’il y avait de l’argent à se faire et qui faisaient de la «bio tournante», notamment dans la Vienne. Mais il n’y en jamais eu dans la région. C’est en 1992 qu’est né le règlement européen et qu’est arrivée la PAC ; Cela nous a remis sur de bonnes bases et on a redécollé. S’en est suivie une période de stagnation où la demande n’évoluait pas. Il faut dire que depuis 1990, nos concurrents allemands avaient des aides à la production à l’ha pour le développement du bio, une chose qui n’existait pas en France et nous avons perdu le marché allemand. C’est alors que nous avons développé le marché français. »[i]
[INTER]De quand date l’installation à Nitry ?[inter]
[I]«De 1997, où nous avons racheté ce site, qui appartenait alors à la coopérative 110 Bourgogne, suite à un premier et véritable plan d’investissement. Il faut préciser que nous avons toujours été soutenus, que ce par la région ou le Conseil général et quelle que soit la couleur politique. Notre projet collectif a toujours séduit tous les bords politiques, de droite comme de gauche, on répondait à un besoin»[i]
[INTER]Parlez-nous de l’année 2001[inter]
[I]«C’est cette année-là que nous sommes passés du Franc/quintal à l’euro/tonne et on a fait un peu notre révolution culturelle ! (Ndlr : rires) C’était une phase un peu compliquée car dans les mécanismes de la coopérative, cela brouillait complètement les données. On était jusqu’alors à 225 francs du quintal et on s’est retrouvé à 300 €/tonne. On y perdait mais entre-temps, il y a eu la compensation de la PAC. Mais tous ceux qui ont connu cette époque s’en souviennent : dans nos têtes, c’était difficile…»[i]
[INTER]D’autres difficultés rencontrées ?[inter]
[I]«Après celle du «faux bio», on a connu en 2001 une seconde crise, du fait des excédents par rapport à la consommation. L’offre, entre 1997 et 2001, a grandi vite et la production s’est beaucoup développée, provoquant un effet ciseau. De nombreuses conversions sont apparues à cette époque, dues à la fois aux cours du conventionnel, en baisse et des aides apportées par l’État»[i]
[INTER]Un effet d’opportunisme ?[inter]
[I]«Je ne dirai pas opportunisme car cela a un côté péjoratif. C’était des gens qui étaient prêts à la conversion et qui ont su saisir la balle au bon moment. Opportunisme pourrait faire croire que beaucoup sont repartis et en fait, très peu l’ont fait. Dans la réalité, les gens ayant goûté à ne plus traiter leurs productions n’ont eu pour la plupart, aucune envie de repartir en conventionnel »[i]
[INTER]En 30 ans, avez-vous vu les rapports entre partisans du conventionnel et du bio évoluer au fil du temps ?[inter]
[I]«Il y a en une phase difficile au début de la croissance importante des années 2000, entre les bios «canal historique» (Ndlr : rires) et l’arrivée des conventionnels. Mais là-dessus, je suis toujours resté très ouvert, considérant que la croissance venait obligatoirement du conventionnel et qu’il fallait accepter de faire évoluer notre culture bio, sans pour autant changer sur nos fondamentaux. Même si les anciens d’alors défendaient l’outil qu’ils avaient créé, s’interrogeant sur les raisons de s’ouvrir au conventionnel. Je peux dire aujourd’hui que le pari est réussi car l’ouverture ne nous a fait céder en rien et nous avons su garder nos valeurs»[i]
[INTER]Cousins au sein d’une même famille ?[inter]
[I]«Il y a un peu de ça, mais par contre, on a des marchés et des méthodes, de commercialisation notamment, complètement différentes, du fait d’une atomisation des produits. Passant de 2 ou 3 en conventionnel à 25 chez nous, certaines exploitations comptant jusqu’à 10 cultures. A cela répond une atomisation de l’offre, qui fait d’ailleurs notre force et notre faiblesse, car si cela engendre des coûts élevés du fait de petites cellules et de petits volumes à transporter, nos clients sont diversifiés et nous ont permis de développer des savoir faire spécifiques. A l’exemple des lentilles, que personne d’autre ne fait dans la région.»[i]
[INTER]Vous êtes moins tributaires des effets du marché qu’en conventionnel ?[inter]
[I]«C’est même la différence significative qui existe entre nous et les conventionnels. D’un côté, les marchés mondiaux avec les courbes que l’on connaît, de l’autre, un marché relativement national »[i]
[INTER]Rencontrez-vous comme en conventionnel des problèmes à la commercialisation du fait de la baisse protéinique des blés ?[inter]
[I]«Non, du fait d’une obligation à avoir depuis toujours des variétés générant de la protéine, faute d’azote pour se rattraper. Triso et Renan pour les principales. Même si cette année, on a morflé, côté rendement ! Je regrette que la génétique n’ait pas été assez investie par le conventionnel, pour créer en soi de la protéine. On a privilégié le rendement et la résistance aux marchés, mais pas la capacité de faire de la protéine, avec notamment des souches d’Europe centrale, d’Autriche ou de Suisse, aptes à en créer, même avec peu d’apport azoté».[i]
[INTER]Les chiffres de la coopérative aujourd’hui ?[inter]
[I]«150 adhérents répartis sur la région et départements limitrophes. Une collecte de 12 000 tonnes (chiffres 2012), en croissance de 19 %, un chiffre d’affaires de 8,3 millions d’ € en augmentation de 33 %. Nous sommes spécialisés en décorticage de l’épeautre, petit épeautre, une variété sans gluten, ainsi que les avoines, décortiquées également. Viennent après, les céréales fourragères, pour tout ce qui est grands volumes. Nous sommes bien placés aussi au national pour les lentilles. Nous stockons ici à Nitry, jusqu’à 5500 tonnes. Après avoir pris des parts dans le moulin d’Aiserey, nous développons une activité semences, en étant partie prenante à 50 %, dans l’achat d’une usine de semences bio à Maisse, dans l’Essonne.»[i]
[INTER]Les perspectives ?[inter]
[I]«Asseoir un partenariat de collecte « intelligente », sur la région et la grande région, avec les coopératives conventionnelles. C’est actuellement bien engagé. Il y a aussi une perception de la part du conventionnel, que le bio peut être une réelle opportunité, pour tout ce qui concerne les zones BAC…» [i]
[INTER]TdB : Comment est née la coopérative ?[inter]
Jean-Marie Pautard : [I]«Ce sont au départ sept ou huit agriculteurs qui se retrouvent au printemps 1983 et qui décident, avec André Lefebvre, alors technicien à la Chambre d’agriculture de l’Yonne, de créer une coopérative céréalière spécifiquement consacrée au bio. Le président était alors Roger Millot, de Druyes les Belles Fontaines. Moi, j’étais trésorier et me souviens encore, de l’instant où j’ai levé le doigt pour me désigner»[i]
[INTER]Quelles étaient alors les surfaces engagées ?[inter]
[I]«A l’époque, quelques centaines de quintaux. On était alors en francs du quintal. Nos premiers clients étaient allemands. Quant aux agriculteurs engagés, ils venaient de Seine et Marne, de l’Aube, de Puisaye, de l’Avallonais, de la Nièvre. C’était déjà région et grande région. Installés la 1ère année, dans la ferme de Roger Millot, à Druyes, nous avons loué l’année suivante une ancienne ocrerie, à Auxerre, un bâtiment aujourd’hui détruit, qui était parallèle au magasin actuel Germinal, rue de Preuilly.»[i]
[INTER]Tout a démarré rapidement après ?[inter]
[INTER]«Rapidement oui, mais pas avec une croissance immense. En 1990, nous étions une trentaine. On a connu à l’époque une première crise, celle du «faux bio». Il faut dire qu’il n’y avait pas alors de règlement européen, mais des Commissions Mixtes d’Agrément et de Contrôle, qui géraient le bio. On a vu alors se créer à ce moment-là, le cahier Bio Bourgogne, copie du cahier des charges de Nature et Progrès.»[inter]
[INTER]Ces «faux bios», c’était qui ?[inter]
[I]«Des gens qui avaient compris qu’il y avait de l’argent à se faire et qui faisaient de la «bio tournante», notamment dans la Vienne. Mais il n’y en jamais eu dans la région. C’est en 1992 qu’est né le règlement européen et qu’est arrivée la PAC ; Cela nous a remis sur de bonnes bases et on a redécollé. S’en est suivie une période de stagnation où la demande n’évoluait pas. Il faut dire que depuis 1990, nos concurrents allemands avaient des aides à la production à l’ha pour le développement du bio, une chose qui n’existait pas en France et nous avons perdu le marché allemand. C’est alors que nous avons développé le marché français. »[i]
[INTER]De quand date l’installation à Nitry ?[inter]
[I]«De 1997, où nous avons racheté ce site, qui appartenait alors à la coopérative 110 Bourgogne, suite à un premier et véritable plan d’investissement. Il faut préciser que nous avons toujours été soutenus, que ce par la région ou le Conseil général et quelle que soit la couleur politique. Notre projet collectif a toujours séduit tous les bords politiques, de droite comme de gauche, on répondait à un besoin»[i]
[INTER]Parlez-nous de l’année 2001[inter]
[I]«C’est cette année-là que nous sommes passés du Franc/quintal à l’euro/tonne et on a fait un peu notre révolution culturelle ! (Ndlr : rires) C’était une phase un peu compliquée car dans les mécanismes de la coopérative, cela brouillait complètement les données. On était jusqu’alors à 225 francs du quintal et on s’est retrouvé à 300 €/tonne. On y perdait mais entre-temps, il y a eu la compensation de la PAC. Mais tous ceux qui ont connu cette époque s’en souviennent : dans nos têtes, c’était difficile…»[i]
[INTER]D’autres difficultés rencontrées ?[inter]
[I]«Après celle du «faux bio», on a connu en 2001 une seconde crise, du fait des excédents par rapport à la consommation. L’offre, entre 1997 et 2001, a grandi vite et la production s’est beaucoup développée, provoquant un effet ciseau. De nombreuses conversions sont apparues à cette époque, dues à la fois aux cours du conventionnel, en baisse et des aides apportées par l’État»[i]
[INTER]Un effet d’opportunisme ?[inter]
[I]«Je ne dirai pas opportunisme car cela a un côté péjoratif. C’était des gens qui étaient prêts à la conversion et qui ont su saisir la balle au bon moment. Opportunisme pourrait faire croire que beaucoup sont repartis et en fait, très peu l’ont fait. Dans la réalité, les gens ayant goûté à ne plus traiter leurs productions n’ont eu pour la plupart, aucune envie de repartir en conventionnel »[i]
[INTER]En 30 ans, avez-vous vu les rapports entre partisans du conventionnel et du bio évoluer au fil du temps ?[inter]
[I]«Il y a en une phase difficile au début de la croissance importante des années 2000, entre les bios «canal historique» (Ndlr : rires) et l’arrivée des conventionnels. Mais là-dessus, je suis toujours resté très ouvert, considérant que la croissance venait obligatoirement du conventionnel et qu’il fallait accepter de faire évoluer notre culture bio, sans pour autant changer sur nos fondamentaux. Même si les anciens d’alors défendaient l’outil qu’ils avaient créé, s’interrogeant sur les raisons de s’ouvrir au conventionnel. Je peux dire aujourd’hui que le pari est réussi car l’ouverture ne nous a fait céder en rien et nous avons su garder nos valeurs»[i]
[INTER]Cousins au sein d’une même famille ?[inter]
[I]«Il y a un peu de ça, mais par contre, on a des marchés et des méthodes, de commercialisation notamment, complètement différentes, du fait d’une atomisation des produits. Passant de 2 ou 3 en conventionnel à 25 chez nous, certaines exploitations comptant jusqu’à 10 cultures. A cela répond une atomisation de l’offre, qui fait d’ailleurs notre force et notre faiblesse, car si cela engendre des coûts élevés du fait de petites cellules et de petits volumes à transporter, nos clients sont diversifiés et nous ont permis de développer des savoir faire spécifiques. A l’exemple des lentilles, que personne d’autre ne fait dans la région.»[i]
[INTER]Vous êtes moins tributaires des effets du marché qu’en conventionnel ?[inter]
[I]«C’est même la différence significative qui existe entre nous et les conventionnels. D’un côté, les marchés mondiaux avec les courbes que l’on connaît, de l’autre, un marché relativement national »[i]
[INTER]Rencontrez-vous comme en conventionnel des problèmes à la commercialisation du fait de la baisse protéinique des blés ?[inter]
[I]«Non, du fait d’une obligation à avoir depuis toujours des variétés générant de la protéine, faute d’azote pour se rattraper. Triso et Renan pour les principales. Même si cette année, on a morflé, côté rendement ! Je regrette que la génétique n’ait pas été assez investie par le conventionnel, pour créer en soi de la protéine. On a privilégié le rendement et la résistance aux marchés, mais pas la capacité de faire de la protéine, avec notamment des souches d’Europe centrale, d’Autriche ou de Suisse, aptes à en créer, même avec peu d’apport azoté».[i]
[INTER]Les chiffres de la coopérative aujourd’hui ?[inter]
[I]«150 adhérents répartis sur la région et départements limitrophes. Une collecte de 12 000 tonnes (chiffres 2012), en croissance de 19 %, un chiffre d’affaires de 8,3 millions d’ € en augmentation de 33 %. Nous sommes spécialisés en décorticage de l’épeautre, petit épeautre, une variété sans gluten, ainsi que les avoines, décortiquées également. Viennent après, les céréales fourragères, pour tout ce qui est grands volumes. Nous sommes bien placés aussi au national pour les lentilles. Nous stockons ici à Nitry, jusqu’à 5500 tonnes. Après avoir pris des parts dans le moulin d’Aiserey, nous développons une activité semences, en étant partie prenante à 50 %, dans l’achat d’une usine de semences bio à Maisse, dans l’Essonne.»[i]
[INTER]Les perspectives ?[inter]
[I]«Asseoir un partenariat de collecte « intelligente », sur la région et la grande région, avec les coopératives conventionnelles. C’est actuellement bien engagé. Il y a aussi une perception de la part du conventionnel, que le bio peut être une réelle opportunité, pour tout ce qui concerne les zones BAC…» [i]