Interview de Marc Patriat, président de Dijon Céréales
L’orge va trinquer
Le président de Dijon Céréales évoque l’actualité agricole et les futures moissons en Côte-d’Or.

• Comment traversez-vous cette crise sanitaire ?
« La coopérative s’est très bien adaptée à ce contexte si particulier. Une grande partie de notre personnel a fonctionné en télétravail durant le confinement, certains salariés continuent même dans cette voie depuis le 11 mai. Le télétravail fonctionne plutôt bien et permet d’avancer sur un certain nombre de dossiers. Il permet aussi, incontestablement, de gagner du temps, d’économiser des kilomètres… Il faudra en tirer des enseignements en temps voulu. Dès le 16 mars, nous avons également rapidement mis en place une nouvelle organisation sur nos sites afin d’assurer le meilleur service à nos adhérents durant cette période. Aujourd’hui, nous restons très attentifs au respect des gestes barrières et des différentes mesures de protection, cela est notamment le cas dans nos silos et rendez-vous professionnels. Un point sur lequel je souhaite également insister : les agriculteurs se sont très bien adaptés eux aussi à ces différentes restrictions, c’est une autre satisfaction. Tout le monde s’est organisé en conséquence ».
• Des craintes subsistaient sur la logistique, au début du confinement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
« Tout est rentré rapidement dans l’ordre, fort heureusement. La gestion des flux des céréales et des engrais s’est plutôt bien passée, du moins, beaucoup mieux que ce que nous craignions à un moment donné. Les trains ont fonctionné assez normalement. Le fluvial a repris son rythme de croisière depuis la résolution d’un problème rencontré sur une écluse du Rhône. Environ 90 000 tonnes de céréales ont été livrées rien que pour le mois d’avril, c’est plutôt très bien. Des bateaux supplémentaires ont même pris la direction de l’Algérie, du Maroc et de l’Égypte, il faut s’en féliciter ».
• Vers quelles dates les moissons devraient-elles débuter en Côte-d’Or ? Quelles sont les tendances ?
« Nous devrions commencer de récolter fin juin. Nous avons facilement quinze jours d’avance sur le calendrier. Chez moi près d’Époisses, des blés ont épié dès le 1er mai, c’est du jamais vu… Quant aux futurs résultats des moissons, il est toujours difficile et particulièrement risqué de se prononcer à l’avance. L’année 2020, ce n’est pas un scoop, s’annonce difficile dans certains secteurs. À l’heure où je vous parle, nous nous attendons à une perte globale moyenne de 15 à 20 % des rendements. Comme d’habitude, ces résultats seront très hétérogènes, surtout avec la météo que nous avons eue ces derniers mois. Le Châtillonnais et l’Auxois, c’est certains, ont été beaucoup plus impactés que les plaines de Dijon, Genlis, Auxonne, sans oublier la Vingeanne. Les niveaux de récoltes ne seront pas partout les mêmes, une fois encore ».
• Quelles cultures pourraient le plus décrocher ?
« Malheureusement, la plus grosse perte en termes de collecte sera le colza (-50 %), avec des pertes importantes de surface en sortie d’hiver. Des rendements décevants sont à attendre sur les plateaux et sur l’Auxois, mais j’ai de bons espoirs tout de même pour la partie Plaine-Tille-Vingeanne-Bèze. Ma grande crainte est aussi à mettre à l’actif des orges d’hiver, qui avaient déjà connu des difficultés à l’automne, avec des conditions de semis très moyennes. Un hiver humide a suivi, puis il y a eu ces 48 jours sans la moindre goutte d’eau. Certaines parcelles ont aussi souffert du gel, surtout à l’ouest du département, cela n’arrange rien à la situation. Les cours ne rattraperont pas ces très probables pertes de récoltes, bien au contraire… L’orge de brasserie est effectivement très mal embarquée. L’activité des malteries a baissé de 35 % ces dernières semaines avec le confinement. La bière, qui est un produit festif, a connu une baisse de consommation sans précédent au niveau mondial. Celle-ci pèsera obligatoirement sur les cours, qui n’étaient déjà pas au meilleur de leur forme depuis environ un an. Cette récolte d’orges d’hiver impactera aussi les éleveurs, qui s’attendent déjà à des volumes de faibles niveaux, notamment en herbe. J’espère que les récentes précipitations rattraperont un peu la donne dans un maximum d’exploitations, une récolte correcte en ensilage de maïs est notamment à souhaiter ».
• Qu’en sera-t-il pour le blé ?
« La moisson s’annonce moyenne, voire parfois très moyenne. Les cultures sont touchées pour les mêmes raisons que l’orge d’hiver, surtout sur les petites terres du Châtillonnais et de l’Auxois. Même les secteurs historiquement plus favorables s’attendent eux aussi à des baisses de rendements, souvent de l’ordre de 15 à 20 %. Pour l’évolution des prix, il faudra attendre les premiers échos des récoltes mondiales, notamment en Russie, en Ukraine ou encore en Roumanie pour en savoir un peu plus. Je reste personnellement optimiste pour que les cours reprennent un peu de vigueur ».
• Le colza et la moutarde rencontrent de nouvelles difficultés. Quelle est votre analyse ?
« De nombreux problèmes d’insectes sont à déplorer. Ces problématiques sont récurrentes et nous inquiètent de plus en plus. La situation devient même infernale dans certains cas. Le colza et la moutarde sont deux cultures qui pourraient être remises en cause dans un avenir très proche… La sole du colza a déjà diminué de plus de 50 % en l’espace de trois ans et ce n’est sans doute pas terminé. La moutarde, culture emblématique de notre territoire, est mise en danger par des choix politiques incohérents, qui limitent les possibilités d’intervenir dans les champs. S’il faut aller s’approvisionner au Canada avec de la moutarde traitée au glyphosate, il faut nous le dire. Les insecticides ne sont pas un problème dans ces cultures, car les abeilles y sont toujours très nombreuses ».
• Les pluies de début mai vont-elles profiter aux cultures ?
« Je pense surtout aux cultures de printemps. Les premières orges semées cette année présentent aujourd’hui un bel aspect, c’est en revanche un peu plus compliqué pour celles qui ont été semées plus tardivement. Les effets des pluies salvatrices du 11 mai sont en train de s’estomper avec le retour du vent du nord et le coup de chaud de l’ascension. Les semis de maïs, de tournesol et de soja présentent à ce jour un potentiel intéressant. Souhaitons leur le meilleur, même si plusieurs mois nous séparent aujourd’hui de leur récolte. J’espère que ces dernières pluies profiteront aussi aux éleveurs qui en ont bien besoin. Rien n’est gagné pour autant : une partie des prairies sur les granits étaient déjà montées à graines… L’élevage a besoin de bonnes récoltes. La crise sanitaire n’a pas épargné beaucoup de monde, je pense notamment aux cheptels laitiers. Les producteurs de viande souffrent également, avec des cours qui ne sont toujours pas aux niveaux attendus ».
« La coopérative s’est très bien adaptée à ce contexte si particulier. Une grande partie de notre personnel a fonctionné en télétravail durant le confinement, certains salariés continuent même dans cette voie depuis le 11 mai. Le télétravail fonctionne plutôt bien et permet d’avancer sur un certain nombre de dossiers. Il permet aussi, incontestablement, de gagner du temps, d’économiser des kilomètres… Il faudra en tirer des enseignements en temps voulu. Dès le 16 mars, nous avons également rapidement mis en place une nouvelle organisation sur nos sites afin d’assurer le meilleur service à nos adhérents durant cette période. Aujourd’hui, nous restons très attentifs au respect des gestes barrières et des différentes mesures de protection, cela est notamment le cas dans nos silos et rendez-vous professionnels. Un point sur lequel je souhaite également insister : les agriculteurs se sont très bien adaptés eux aussi à ces différentes restrictions, c’est une autre satisfaction. Tout le monde s’est organisé en conséquence ».
• Des craintes subsistaient sur la logistique, au début du confinement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
« Tout est rentré rapidement dans l’ordre, fort heureusement. La gestion des flux des céréales et des engrais s’est plutôt bien passée, du moins, beaucoup mieux que ce que nous craignions à un moment donné. Les trains ont fonctionné assez normalement. Le fluvial a repris son rythme de croisière depuis la résolution d’un problème rencontré sur une écluse du Rhône. Environ 90 000 tonnes de céréales ont été livrées rien que pour le mois d’avril, c’est plutôt très bien. Des bateaux supplémentaires ont même pris la direction de l’Algérie, du Maroc et de l’Égypte, il faut s’en féliciter ».
• Vers quelles dates les moissons devraient-elles débuter en Côte-d’Or ? Quelles sont les tendances ?
« Nous devrions commencer de récolter fin juin. Nous avons facilement quinze jours d’avance sur le calendrier. Chez moi près d’Époisses, des blés ont épié dès le 1er mai, c’est du jamais vu… Quant aux futurs résultats des moissons, il est toujours difficile et particulièrement risqué de se prononcer à l’avance. L’année 2020, ce n’est pas un scoop, s’annonce difficile dans certains secteurs. À l’heure où je vous parle, nous nous attendons à une perte globale moyenne de 15 à 20 % des rendements. Comme d’habitude, ces résultats seront très hétérogènes, surtout avec la météo que nous avons eue ces derniers mois. Le Châtillonnais et l’Auxois, c’est certains, ont été beaucoup plus impactés que les plaines de Dijon, Genlis, Auxonne, sans oublier la Vingeanne. Les niveaux de récoltes ne seront pas partout les mêmes, une fois encore ».
• Quelles cultures pourraient le plus décrocher ?
« Malheureusement, la plus grosse perte en termes de collecte sera le colza (-50 %), avec des pertes importantes de surface en sortie d’hiver. Des rendements décevants sont à attendre sur les plateaux et sur l’Auxois, mais j’ai de bons espoirs tout de même pour la partie Plaine-Tille-Vingeanne-Bèze. Ma grande crainte est aussi à mettre à l’actif des orges d’hiver, qui avaient déjà connu des difficultés à l’automne, avec des conditions de semis très moyennes. Un hiver humide a suivi, puis il y a eu ces 48 jours sans la moindre goutte d’eau. Certaines parcelles ont aussi souffert du gel, surtout à l’ouest du département, cela n’arrange rien à la situation. Les cours ne rattraperont pas ces très probables pertes de récoltes, bien au contraire… L’orge de brasserie est effectivement très mal embarquée. L’activité des malteries a baissé de 35 % ces dernières semaines avec le confinement. La bière, qui est un produit festif, a connu une baisse de consommation sans précédent au niveau mondial. Celle-ci pèsera obligatoirement sur les cours, qui n’étaient déjà pas au meilleur de leur forme depuis environ un an. Cette récolte d’orges d’hiver impactera aussi les éleveurs, qui s’attendent déjà à des volumes de faibles niveaux, notamment en herbe. J’espère que les récentes précipitations rattraperont un peu la donne dans un maximum d’exploitations, une récolte correcte en ensilage de maïs est notamment à souhaiter ».
• Qu’en sera-t-il pour le blé ?
« La moisson s’annonce moyenne, voire parfois très moyenne. Les cultures sont touchées pour les mêmes raisons que l’orge d’hiver, surtout sur les petites terres du Châtillonnais et de l’Auxois. Même les secteurs historiquement plus favorables s’attendent eux aussi à des baisses de rendements, souvent de l’ordre de 15 à 20 %. Pour l’évolution des prix, il faudra attendre les premiers échos des récoltes mondiales, notamment en Russie, en Ukraine ou encore en Roumanie pour en savoir un peu plus. Je reste personnellement optimiste pour que les cours reprennent un peu de vigueur ».
• Le colza et la moutarde rencontrent de nouvelles difficultés. Quelle est votre analyse ?
« De nombreux problèmes d’insectes sont à déplorer. Ces problématiques sont récurrentes et nous inquiètent de plus en plus. La situation devient même infernale dans certains cas. Le colza et la moutarde sont deux cultures qui pourraient être remises en cause dans un avenir très proche… La sole du colza a déjà diminué de plus de 50 % en l’espace de trois ans et ce n’est sans doute pas terminé. La moutarde, culture emblématique de notre territoire, est mise en danger par des choix politiques incohérents, qui limitent les possibilités d’intervenir dans les champs. S’il faut aller s’approvisionner au Canada avec de la moutarde traitée au glyphosate, il faut nous le dire. Les insecticides ne sont pas un problème dans ces cultures, car les abeilles y sont toujours très nombreuses ».
• Les pluies de début mai vont-elles profiter aux cultures ?
« Je pense surtout aux cultures de printemps. Les premières orges semées cette année présentent aujourd’hui un bel aspect, c’est en revanche un peu plus compliqué pour celles qui ont été semées plus tardivement. Les effets des pluies salvatrices du 11 mai sont en train de s’estomper avec le retour du vent du nord et le coup de chaud de l’ascension. Les semis de maïs, de tournesol et de soja présentent à ce jour un potentiel intéressant. Souhaitons leur le meilleur, même si plusieurs mois nous séparent aujourd’hui de leur récolte. J’espère que ces dernières pluies profiteront aussi aux éleveurs qui en ont bien besoin. Rien n’est gagné pour autant : une partie des prairies sur les granits étaient déjà montées à graines… L’élevage a besoin de bonnes récoltes. La crise sanitaire n’a pas épargné beaucoup de monde, je pense notamment aux cheptels laitiers. Les producteurs de viande souffrent également, avec des cours qui ne sont toujours pas aux niveaux attendus ».