L'invité surprise
L'ergot est le gros problème technique de la moisson 2025, il s'est manifesté dans des proportions inédites dans les blés.
Comme tous les ans à la même période, la Chambre d'agriculture et la FDSEA de Côte-d'Or ont organisé un rendez-vous inter-OPA pour établir le bilan des moissons. De nombreux sujets techniques et économiques ont été abordés : nous résumerons ici les discussions qui se sont intéressées à l'ergot, qui a sévi dans des proportions inédites sur les plateaux. « Alors là, c'est le coup de grâce, sachant que nous avons déjà des prix scandaleux pour les céréales », déplore Antoine Carré, le président de la FDSEA, en supposant qu'il faudra certainement retirer une quinzaine d'euros à chaque tonne de blé pour passer les grains au trieur optique : « cette charge supplémentaire n'est pas si élevée que cela compte tenu de tout le travail que cela engendre... Le problème, c'est bien notre prix de départ ! Le coût de triage représentera presque 10% du produit, c'est incroyable. Cela ne serait pas problématique si le blé était à 300 euros... Je le redis : l'ergot, c'est le coup de grâce de l'année. Nous sortons d'un conseil d’administration FDSEA : ceux qui ont calculé en détail leurs coûts de production sont unanimes : il va manquer entre 40 à 50 euros de la tonne de blé. Tentez de faire un EBE à l’hectare avec ça ».
Jamais vu autant
La coopérative Dijon Céréales était représentée par Benjamin Boyet et Mickaël Mimeau à ce rendez-vous. Ces derniers ont répondu à plusieurs questions et reconnu, bien volontiers, que cette maladie était le plus gros problème technique de la campagne écoulée. L'ergot se retrouve dans énormément de champs de blé, partout dans le département, en majorité sur les plateaux et dans de plus grandes proportions dans le Châtillonnais. Plus anecdotiquement, l’ergot est également présent dans quelques champs d'orges. « De l'ergot, nous n'en n'avions jamais vu autant, c'est certain », souligne Benjamin Boyet, directeur du pôle agricole de Dijon Céréales. Depuis la récolte, la coopérative fait tourner « H24 » deux et bientôt trois trieurs optiques pour assainir la production et conserver l'orientation meunière des blés. Les outils concernés se trouvent à Saint-Julien, Époisses et prochainement Poinçon-lès-Larrey, sachant qu’un trieur supplémentaire est actif à Munois pour le bio. Cette action devrait se poursuivre jusqu'au printemps.
Pas prévu comme ça
Mickaël Mimeau, responsable agronomique, analyse les raisons d'une telle pression dans les champs : « L'ergot se manifeste en cas de manque de fertilité sur les épis. Pour assister à une telle lacune, trois causes sont généralement identifiées : 1) un manque de rayonnement à la méiose : c’est souvent le critère le plus important, mais cette année, le rayonnement méiose a été bon, 2) des températures inférieures à 4°C pendant la méiose : cela a été le cas, en particulier dans les secteurs plateaux, 3) de la pluie pendant la floraison : il y en a eu dans les secteurs les plus concernés... Enfin, un facteur moins identifié historiquement, mais que nous avons corrélé cette année à la pression ergot, c’est le sec à la montaison qui, associé à des défauts de valorisation d’azote, a entrainé des défauts de fertilité des épis. Là aussi sur ce critère, c’est le secteur des plateaux qui a été le plus concerné ». « Mais ce n'est pas tout », enchaîne Mickaël Mimeau, « pour avoir de l'ergot, il faut bien sûr que l'inoculum soit présent. Nous savions qu'il était là, après les manifestations de cette maladie lors des dernières campagnes, mais nous ne pensions pas qu'il était présent dans ces proportions ! Un autre point explique une telle pression : le fort salissement des parcelles, sachant que les graminées sont un relais de l'ergot !».
Vigilance
Les deux représentants de Dijon Céréales rappellent que sans trieur optique, la production partirait inévitablement en blé fourrager. Pire que cela : au-delà d'un certain seuil, le blé ergoté peut être totalement déclassé et prendre la direction de la méthanisation... « Tout sera fait pour que l'ensemble de la récolte soit valorisée autant que possible en meunerie », assurent les deux intervenants. Pour la prochaine campagne, ces derniers invitent les agriculteurs à être très vigilants sur les futures semences utilisées : cela va de soi, les graines devront être exemptes d'ergot. Pour les parcelles de blé touchées cette année, qui seront majoritairement en orge d'hiver lors de la prochaine campagne, un labour d'au moins 10 centimètres est à privilégier : cette intervention vise à enfouir le champignon et limiter les risques lors du prochain cycle de végétation.