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Expérimentation

L’effet de la chicorée dans les prairies multi-espèces

Effets positifs sur la flore et le lait, forte appétence des animaux, la chicorée est une plante qui fait l’objet d’essais sur la plateforme d’expérimentation de la ferme bio du Valentin à Bourg-lès-Valence.
Par Pierre Louis Berger
Le lycée agricole du Valentin à Bourg lès Valence dans la Drôme possède sa propre exploitation et son magasin de vente. La ferme du Valentin sert de plateforme d’expérimentation pour les cultures fourragères «Ce sont des vaches qui pâturent 9 mois sur 12 dans les prairies multi-espèces plus résistantes aux problèmes de sécheresse» constate Jean Pierre Manteaux, conseiller à la chambre d’agriculture de la Drôme. Depuis 15 ans, la ferme du lycée agricole a entamé une vraie mutation : passer d’un mode de culture intensif au bio et tendre vers l’autonomie alimentaire de son cheptel. L’élevage de vaches laitières est devenu l’atelier principal de l’exploitation. «Ici tous les travaux conduits à la ferme du Valentin ont permis de mettre au point une prairie multi-espèces adaptée au pâturage cellulaire c’est-à-dire en petites parcelles» explique Jean pierre Manteaux.
En 2014, la ferme conduit une première expérimentation en introduisant de la chicorée dans les mélanges, dans les prairies multi-espèces pour évaluer la production laitière et l’appétence des animaux. Cette expérience porte sur un total de 7 ha de pâturage en bio. Sur 15 parcelles, 9 ont été semées avec le mélange habituel et 6 en introduisant la Chicorée  : à raison de 1,5 kg/ha en complément du mélange du Valentin semé à 90% de sa dose (18 kg du «mélange de saint Marcellin», 7,2 kg de luzerne ; 18 kg de sainfoin et 1,8 kg de trèfle violet. Une seconde expérimentation est menée sur une autre parcelle du pâturage : comparaison des variétés, des doses de semis et d’autres plantes d’accompagnement : plantain, cumin, pimprenelle...)
Les différentes variétés de chicorée avec un couvert végétal très élevé ont révélé une forte appétence des vaches laitières. «Sur ces bandes d’essais de chicorée, les vaches laitières ont pâturé au raz des plantes. Dès qu’elles arrivaient le matin sur les parcelles de prairies multi-espèces et les bandes d’essais en chicorée, elles mangeaient aussitôt la chicorée. A contrario, dans les prairies composées d’un couvert végétal très haut de graminées, l’appétence était moindre et la consommation plus faible».

La chicorée : une plante agressive et riche en eau
Des mesures herbomètres ont été effectuées sur ces parcelles. Il ressort que la hauteur ingérée en chicorée par les bovins lait est élevée : «60 % de l’herbe offerte est ingérée avec de la chicorée contre 40 % pour les autres herbes, les mélanges multi-espèces» ajoute Mickael Coquard conseiller technique à l’organisme de contrôle laitier Rhône. Autres constats de ces premiers essais conduits au Valentin : la production laitière des vaches apparaît plus élevée, après consommation de chicorée, la première année : «Sur les 5 passages déjà réalisés en 2015 sur les prairies à chicorée, le premier au mois d’avril, a montré un effet net sur la production : plus de 2 litres de lait/vache/jour, mais, la production n’a pas bougé sur les autres passages. Ces essais sur la chicorée doivent être confirmés pour les années suivantes. Côté agronomique, avec 1,5 kg dans le mélange du Valentin, il y a déjà beaucoup de chicorée. Le suivi montrera si on a intérêt à réduire la dose de semis en prairies multi-espèces» ajoute Jean Pierre Manteaux. Les techniciens s’accordent pour reconnaître que la chicorée est une plante d’accompagnement intéressante mais que son dosage doit être réfléchi car elle est très agressive. «La chicorée, c’est l’équivalent d’un RGI en matière de comportement dans le mélange : forte agressivité au départ et risque de laisser des trous à partir de la 3e année, précise Jean Pierre Manteaux. Notre expérimentation permettra d’affiner les doses préconisées». Riche en eau, en potassium, en phosphore, la chicorée est bien consommée par les petits ruminants. Elle a un effet positif sur la flore et le lait notamment la première année. Elle a un taux de matière sèche faible de 12% à 13% qui influe sur l’appétence. En conclusion, une plante intéressante qui devrait trouver sa place dans les systèmes fourragers, à condition de la doser avec précaution.