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Innov’Action

L’agro-écologie version rallye

Le 23 juillet avait lieu la dernière journée d’Innov’Action 2015. Ces journées ont permis de découvrir nombre de témoignages d’agriculteurs innovants. L’objectif : partager leurs expériences et leurs pratiques “agro-écologiques”. Après l’élevage et les grandes cultures, place était donc donnée à un rallye viticulture avec la présentation de matériels d’entretien du sol à Davayé et à Cortevaix.
Par Cédric Michelin
L’agro-écologie version rallye
Bineuse à doigts Kress, un outil, efficace et simple à utiliser !
Installé en 1991, Stéphane Martin est associé avec son frère, Richard, sur le domaine familial de 25 ha à Davayé.
Le domaine de la Croix Senaillet est labélisé agriculture biologique (AB) depuis 2010. L’arrêt des traitements chimiques «de synthèse» a débuté en 2003. L’occasion donc de tester d’autres techniques...
La conversion s’est poursuivie ensuite jusqu’à avoir la totalité de la production en label AB pour le millésime 2010. «Nous sommes partis du constat que, dans une parcelle, il y avait beaucoup de dégât d’érosion avec le glyphosate. C’était le début et il était mal maîtrisé. Nous avons donc fait un essai de labour en 2003, année de sécheresse, et ces vignes ont produit plus de vin !», se souvient Stéphane. Un essai qui lance le domaine dans cette voie. Plus de dix ans après, un choix qu’ils assument toujours. «Nous pensons maintenant que c’est presque plus facile d’être en lutte biologique qu’en conventionnel, même s’il y a toujours des contraintes climatiques». Le Domaine a fait le choix de ne pas laisser enherber ses vignes, qui ont un écartement d’1,2 m en moyenne (1 m à 1,3 m).

Ni trop humide, ni trop sec
Pour l’entretien du sol, Stéphane et Richard utilisent donc au printemps des interceps hydrauliques classiques, et des griffes Boisselet «pour ameublir» leurs sols mais «qui mettent un peu de terre sous les pieds». Après le «tassement naturel», ils passent des lames sarcleuses interceps Belhomme. «Pour finir et niveler», ils ont alors essayé la bineuse à doigts Kress® pour la première fois l’été dernier, sur tous les rangs. «Nous avons investi dans une paire, soit environ 1 000 € selon le concessionnaire, pour voir», précise Stéphane avant de reprendre : «Nous l’avons passée deux fois partout, avant vendanges, l’été n’étant pas propice car trop pluvieux». Les résultats sont satisfaisants et les deux frères choisissent d’investir cet automne dans une seconde paire de doigts Kress.
«Il faut que le sol soit plat mais surtout qu’il soit souple». En effet, le passage des doigts Kress est à positionner idéalement au stade plantule des adventices à arracher. En ce 23 juillet, après une période de sécheresse caniculaire, «il ne faut rien faire. Surtout pas de poussière. Il fait trop chaud et cela grillerait tout», met-il en garde.

Pas la même efficacité tout le temps
«Dans les jeunes plantations, les doigts s’effacent très facilement et passent à côté de la greffe», explique Stéphane qui a entretenu ainsi une jeune vigne de trois ans. Car c’est un matériel issu de la grande culture et du maraichage, puis adapté à la viticulture. Son principe : les doigts pénètrent dans le sol et arrachent les adventices grâce à un mouvement de rotation. Il existe différents diamètres et différentes duretés des doigts caoutchouc afin de s’adapter au mieux aux types de sol.
Les réglages de l’outil consistent à faire passer l’outil au plus près des pieds : les doigts doivent épouser la base du pied. «En revanche, avec les gros pieds, les étoiles ont du mal à rentrer dedans donc il faut écarter les doigts», conseille Stéphane.
En règle générale, cet outil doit travailler avec une inclinaison de 15°; dans cette configuration, la largeur de travail est de l’ordre de 20 cm. La profondeur de travail est de 3 à 4 cm. «Je n’ai jamais casser de doigts même dans les cailloux. Ils sont souples et étonnamment résistants», remarque-t-il.
La bineuse à doigts doit être utilisée de préférence sur des adventices peu développés et sur des sols déjà travaillés au préalable.

Attendre pour voir le résultat
Avec ce matériel, il faut rouler assez vite (4 - 5 km/h), si on veut une bonne efficacité. Equipé pour faire deux rangs à la fois, Stéphane estime son débit de chantier de l’ordre de 2 h à 2 h 30 pour faire un hectare. «Ce qui limite, c’est le fait de devoir rouler droit. Ce qui est compliqué», reconnaît-il. Mais, cela reste un outil très simple à s’approprier. Reste qu’il ne faut pas être impatient : «on ne voit pas l’efficacité tout de suite, car on déplace l’herbe. Il faut donc savoir attendre un peu pour voir le résultat». Pour travailler en conditions optimales, il faut travailler au stade plantule, et que la terre soit meuble. La présence de gros cailloux peut être ennuyeuse.
Dans les sols limoneux juste secs, «ça va vraiment bien». «Chez nous, on commence par les argiles et on finit par les limons». Il existe plusieurs longueurs et plusieurs matériaux pour les doigts. «Je pense que ceux que j’ai sont à peine assez longs, ils ne se recoupent pas suffisamment». Stéphane et Richard ayant visé le moindre encombrement sur l’enjambeur pour passer dans leurs vignes étroites. Pour le réglage, les doigts doivent se toucher. «Les dents ont tendance à buter. Il faut jouer sur leurs inclinaisons. Plus, elles sont à plat, plus elles ont tendance à tout arracher. Normal, c’est mécanique. Si on sert trop, on casse les pieds aussi», nuance-t-il. Par contre, il n’y a pas d’entretien à faire. Le couplage avec le rognage est possible, mais ces travaux ne tombent pas forcément en même temps !

Il pourrait aussi être couplé avec une tondeuse, mais c’est assez volumineux, il faut donc avoir assez de place sur le porte-outil. Cette année, Stéphane et Richard patientent. «On fera un passage avant les vendanges. Si il pleut, on laissera», car «si on les sort avec de l’humidité, cela bourre en dessous», conclut Stéphane.



Rotavator inter-rang «Il faut de l’expérience»
Le rotavator ou houe rotative est un outil conçu à la base pour enfouir les prairies. Il s’est adapté à la viticulture. Son objectif est de couper les racines et de travailler le sol en surface, dans l’inter-rang. Il permet de passer dans tous types de sol, mais dans des conditions parfois différentes. Le gros avantage de ce matériel est qu’il permet de passer, en étant efficace, quand il y a beaucoup d’herbe, ce qui n’est pas possible avec les griffes.
Gilles Mathias s’est installé en 1986 sur le domaine familial à Chaintré. Pour entretenir les sols, il essaye différents matériels. «Sous les rangs, j’utilise des disques, des interceps Boisselet®, des fleurimatic, ... Entre les rangs, j’utilise généralement des griffes. Souvent, dès que je griffe, j’essaie de faire un autre travail, comme le rognage, pour gagner du temps. Pour le travail sous le rang, c’est «plus compliqué». Avec le recul, il admet que le travail du sol paraît «simple» mais «il faut de l’expérience pour maîtriser. Et il faut être réactif pour passer au bon moment».

Nettoyer et égaliser le sol
Il décide donc d’acheter d’occasion un rotavator. Pourquoi ? «J’avais plutôt tendance à faire des buttages avec mes disques mécanisés et disques Razol. Et par endroit, cela ne rentrait pas et j’avais du mal à détruire l’herbe». Il cherchait donc un matériel pour travailler dans le rang, autre que des griffes. L’outil ne lui permet pas cependant de s’approcher «trop» sous le rang alors qu’il pensait pouvoir au départ. Les disques «découpent mieux» l’herbe et donc il «ne s’en sert pas tous les ans», reconnaît-il. Le but n’est pas d’aller trop profond et ça reste un travail superficiel. «Ça permet de nettoyer et d’égaliser le sol», rajoute Gilles.
Il ne cherche pas non plus à faire «trop» de travail du sol car il vendange à la machine. Il veut également pouvoir sulfater sans trop de problèmes et limiter les risques d’érosion. L’outil tourne en effet dans le sens de l’avancement de l’enjambeur. En le passant un rang sur deux, il estime que c’est un «bon compromis», voire «primordial» certaines années.

Ni trop vite, ni trop lent
Côté contraintes, pour le passer, il ne faut pas que le sol soit trop sec : sinon, les lames ne rentrent pas dans le sol, ni trop humide. Dans les sols caillouteux, il faut que ce soit un peu plus humide. «Mais globalement, je peux le passer dans toutes mes parcelles. Je ne le passe pas systématiquement, c’est un peu un outil de dépannage, quand j’ai un couvert d’herbe trop important par exemple. J’aime autant passer les griffes, mais quand il y a trop d’herbe, le rotavator nettoie mieux et passe plus facilement». Dernier inconvénient, cela fait une semelle. Il compte 2 à 3 h pour faire un hectare. Pas trop vite pour ne pas faire de poussière, pas trop lentement, pour ne pas faire de terre fine, problématique pour l’érosion dans ses coteaux. L’outil n’est pas très large, à peine une largeur d’environ 50 cm.
Au final, Gilles pense que pour bien entretenir le sol, «il faut avoir pas mal d’outils différents, et utiliser l’un ou l’autre en fonction des conditions de l’année». Il recherche donc encore d’autres outils pour être plus efficace entre les ceps. Il compte notamment tester un intercep rotatif starmatic de chez boisselet l’an prochain…