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Assemblée générale des Jeunes agriculteurs

Il est grand temps que ça change

JA21 s’est réuni la semaine dernière à Sombernon. Deux principaux messages ont été passés : l’avenir appartient plus que jamais aux jeunes et les politiques doivent «enfin se réveiller».
Par Aurélien Genest
Il est grand temps que ça change
Le président François-Xavier Lévêque s’est exprimé devant une salle bien garnie.
«Le futur président de la FNSEA est peut-être dans cette salle» : cette phrase de Jean-Pierre Fleury n’a pas laissé indifférents les participants de l’assemblée générale des Jeunes agriculteurs de Côte d’Or, qui ont regardé autour d’eux pendant quelques secondes. L’ex-président de la Fédération nationale bovine, qui intervenait sur les marchés mondiaux lors de cette réunion, était volontairement destinée à faire prendre conscience aux jeunes agriculteurs que l’avenir leur appartient. À ce titre, François-Xavier Lévêque a invité les JA à s’investir le plus possible dans le syndicat ou dans divers organismes agricoles pour assurer le renouvellement des conseils d’administration et pour porter haut leurs idées : «Des idées, nous en avons tous. Nous l’avons bien vu lors de notre réunion ce matin à huis-clos où tout le monde a pu s’exprimer».
Le président de JA21 est revenu sur les difficultés du milieu agricole et «salué l’absentéisme politique du jour», regrettant le faible intérêt porté par les politiciens : «nous n’avons pas l’impression de faire partie de leurs préoccupations. Les élections présidentielles approchent pourtant... À force de briller par leur absence et d’être dans le déni le plus total, ils vont finir par nous faire quitter l’Europe. Aucun des candidats ne parle d’agriculture, c’est regrettable. Nos modifications de pratique ne sont pas saluées. Il est grand temps de nous soutenir réellement plutôt que de donner raison à des minorité anarchistes». François-Xavier Lévêque a cité l’exemple des faucheurs volontaires venus fin novembre dans les locaux de Dijon Céréales : «la prochaine fois, soyez-en sûrs, nous les virerons nous-mêmes».
Le président a poursuivi sur le climat «insupportable» de la Pac et différents dossiers de conjoncture comme les ZDS, les inondations de la Saône, le besoin d’une reconnaissance sans délai des zones intermédiaires ou encore la nécessité d’équilibrer les aides entre les différentes régions. Le travail de toutes les OPA qui travaillent «main dans la main» pour tenter de sortir les exploitations de cette crise a été salué. «Nous avons deux principales préoccupations : préserver la pérennité de nos exploitations et trouver un revenu»  a souligné François-Xavier Lévêque, rappelant l’existence d’un dispositif d’audit des exploitations ouvert à tous, source de perfectionnements, qu’il ne faut pas hésiter à solliciter auprès de la Chambre d’agriculture.

Antoine Carré : «Rester solidaires et motivés»
Auteur d’un brillant discours lors de cette assemblée, Antoine Carré, membre du Conseil d’administration de JA21, a invité les Jeunes agriculteurs à travailler davantage ensemble: «Cela fait un moment que je constate un certain découragement, qui se fait ressentir par une désertification de nos conseils d’administration, de nos bureaux et par une certaine lassitude dans les fermes. Il est important de rester solidaires et motivés en cette longue période de crise. Il faut à tout prix travailler ensemble pour retrouver une vision d’avenir, de production et de rentabilité sur nos exploitations». Antoine Carré a encouragé les JA à s’impliquer un maximum au sein du syndicat : «c’est en étant nombreux que nous pourrons avoir plus de poids et faire valoir nos idées auprès de nos politiques». La transition était toute trouvée pour lister un certain nombre de problématiques étroitement liées au Gouvernement : «les hommes politiques, tous bords confondus, ne sont plus en phase avec notre métier. N’est-il pas scandaleux, à l’aube des élections présidentielles, de ne voir le mot agriculture figurer dans aucun programme que ce soit ?» Le membre du conseil d’administration JA a fortement déploré l’absence de soutien politique : «la seule réponse de nos politiciens à cette crise sans précédent est une surcharge administrative et normative ! Évoquons la Pac : on nous avait parlé d’une simplification il me semble. Nous avons en réalité une Pac de plus en plus complexe, de plus en plus contraignante, de plus en plus pénalisante et de plus en plus incompréhensible. Une Pac qui divise, qui déchire le monde agricole. Tout le monde se sent lésé en pensant que c’est au profit des autres productions. Il n’en est rien, les réformes successives de la Pac, que ce soit par le verdissement, les Maec, les SIE ou encore les primes redistributives n’ont qu’un seul but : réduire le budget global». Antoine Carré s’est adressé aux Politiques et hauts fonctionnaires : «Nous sommes des hommes respectueux, professionnels et responsables. Redonnez-nous la liberté de produire. Ce n’est pas d’hier que nous appliquons les mesures dites de l’agro-écologie. Grand nombre d’entre nous devançons même les lois en faisant des traitements la nuit pour augmenter l’efficacité tout en préservant la faune. L’écologie a un coût, elle est aujourd’hui à la seule charge de l’agriculteur. Tout cela pour répondre à une problématique d’ordre social». Le jeune Côte d’orien a également pointé du doigt les médias : «il faut savoir qu’en France, il y a 66 millions de spécialistes qui ne demandent qu’à vous apprendre à faire votre métier. Les Médias n’y sont pas pour rien, il se sont accaparés l’image de l’agriculture parfaite et ne cessent de dénigrer nos pratiques. Même les chaines publiques s’y mettent. Nous avons là un matraquage anti-agriculture, anti-industriel, anti-économie et anti-tout !»

Zoom sur l’Ukraine

L’un des intervenants se nommait Jean-Paul Khim. Cet exploitant agricole en Haute-Marne s’est lancé dans une grande aventure en s’installant en Ukraine il y a plusieurs années avec trois amis. L’agriculteur cultive 9 500 hectares de grandes cultures à ce jour dans ce pays de l’Est. Sa présentation, très suivie, a montré différentes facettes d’une agriculture concurrente de la France sur les marchés céréaliers. Plusieurs avantages et inconvénients ont été relevés par rapport au schéma français. Quelques exemples : l’encadrement technique n’existe pas en Ukraine et les exploitants doivent réaliser eux-mêmes leurs essais. En revanche, toutes les semences sont traitées. Jean-Paul Khim a d’ailleurs évoqué les néonicotinoïdes : «nous les utilisons et nous nous demandons bien ce qu’il se passe en France. D’importants apiculteurs viennent avec 3 000 ruches le long de nos champs et il n’y a jamais eu de soucis. Les abeilles ukrainiennes ingurgitent peut-être mieux ces produits, ou alors le problème n’est peut-être pas là où on le cherche».

Réaction
Clément Gamin (Poncey-sur-l’Ignon) : «Partir en Ukraine est quand même un sacré pari, osé et très risqué selon moi. Je retiens surtout qu’avec de grandes surfaces et un bon remembrement, on arrive à diviser les charges de mécanisation par deux. La baisse des charges de mécanisation, c’est ce que nous recherchons, c’est l’une des rares pistes que nous pouvons encore travailler chez nous. Sur le plan humain, je trouve qu’on n’a plus de vie avec un tel schéma de travail qui implique de se rendre régulièrement en Ukraine».