Accès au contenu
Viticulture

Gelées noires et nuits blanches

L’épisode de gel qui a touché le département dans la nuit du 26 au 27 avril a fait de nombreux dégâts dans les vignes. Il est encore trop tôt pour en dresser un bilan détaillé, mais les vignerons sont inquiets, partagés entre abattement et l’espoir de voir repartir certains bourgeons moins fragilisés.
Par Dominique Bernerd
Gelées noires et nuits blanches
Sur une même branche, une feuille gelée et un autre indemne, sans que l’on s’explique pourquoi.
Il y avait 13 ans que le département n’avait connu pareil phénomène, à une époque de l’année, où les professionnels craignent surtout les gelées blanches en fonds de vallée. Les «gelées noires» constatées la semaine dernière sont de type hivernal, conséquence d’une convergence de masses d’air froid venues du Morvan. Les plus anciens se souviennent encore de la terrible année 1991, où la quasi-totalité de la récolte avait été perdue. Un scénario qui s’était répété, mais à un degré moindre en avril 2003. Aujourd’hui, tous les secteurs semblent touchés, avec des pertes particulièrement importantes notamment dans le chablisien et l’auxerrois. Trop tôt pour autant de quantifier les dégâts précise Frédéric Gueguen, président de la Fédération de Défense de l’Appellation Chablis au lendemain de la catastrophe : «difficile d’être précis en la matière, même si certains coins comme Béru, Viviers ou les hauts de Préhy semblent avoir particulièrement souffert et où tous les bourgeons sont morts. A d’autres endroits, les feuilles sont grillées, mais les inflorescences sont encore belles et vertes et pourraient repartir. Je veux garder cet espoir là… » Pour l’heure, le président du SDAC continue à faire le tout des parcelles et devait réunir ce mercredi son Conseil d’administration, où pratiquement chaque commune du chablisien est représentée, pour dresser un point précis de la situation. Pour Ludovic Barat, viticulteur à Milly, «on ne pourra pas faire le bilan avant une dizaine de jours, dans le sens où la vigne va se réveiller avec la chaleur annoncée et c’est seulement là qu’on verra ce qui repart ou non. Aujourd’hui, on est seulement capable que de compter les vivants et les morts !»

Dans l’attente de la Saint Urbain
Même scénario du côté d’Irancy où, si le gel était annoncé, explique le président de l’appellation, Christophe Ferrari, «ce qui n’était pas prévu, c’est l’averse orageuse tombée aux alentours de 19 h et 21 h le mardi soir, qui a tout humidifié, occasionnant les dégâts que l’on sait». Ici aussi, les secteurs touchés sont disparates : «le gel a touché des coins qui ne gèlent pas d’habitude, comme les hauts de plateaux alors qu’on est plus habitués aux gelées de printemps en fonds de vallée. On a perdu toutes les règles…» Moyenne de rendement pour le millésime 1991 resté dans toutes les mémoires : «pas plus de 16 à 17 hl/ha ! On en est peut-être pas là aujourd’hui, mais il faut attendre pour être certain…» Président de la Commission viticole à la Chambre d’agriculture de l’Yonne et viticulteur à Quenne, Jean-Baptiste Thibaut se dit « ko debout », après avoir constaté l’ampleur du désastre : «c’est irrémédiable pour espérer obtenir un potentiel normal, même si en certains coins, on peut espérer rattraper en partie, avec les contre bourgeons qui vont arriver. Mais les vendanges, c’est comme un marathon et là, on vient de se mettre 25 kg de plus sur le dos pour faire la course, c’est sûr que cela va être beaucoup plus difficile… !»
Pour l’heure, même si la météo annoncée semble plus clémente les jours prochains, nul doute que se préparent encore des nuits blanches pour certains, dans la crainte d’entendre retentir les alarmes de gel. «Quand la Saint-Urbain est passée, le vigneron est rassuré», clame le dicton populaire, mais il faut attendre le 25 mai pour le fêter…