Agir contre le changement climatique
Fertilisation : contribuer à la lutte contre le changement climatique
En 2019, la France a traversé deux canicules en juin et en juillet. Avec 42,4 °C à Sens, la région a pulvérisé ses records de chaleur en juillet. Au niveau mondial, 2015, 2016, 2017 et 2018 sont les années les plus chaudes jamais enregistrées. 2019 s’inscrira sûrement dans cette lignée.

Le bouleversement climatique actuel affecte les exploitations. En grandes cultures, les rendements pâtissent d’aléas plus fréquents et plus forts. En élevage, l’autonomie alimentaire est menacée. Pour enrayer le réchauffement global, tous les secteurs doivent diminuer leurs émissions de gaz à effets de serre. L’agriculture est responsable de près de 20 % de ces émissions. Limiter le recours aux intrants permettrait de les diminuer. L’agriculture repose sur des phénomènes vivants : la photosynthèse, la digestion, la minéralisation. Sous certaines conditions, ces mécanismes séquestrent du carbone. En s’appuyant sur eux, il est possible d’améliorer le bilan carbone des exploitations.
40 % des émissions de gaz à effet de serre agricoles proviennent des émissions de NO2 associées à la fertilisation minérale
S’élevant à 170 € / ha de SAU en 2018 chez les céréaliers de la région1 , la fertilisation constitue leur poste de charges opérationnelles le plus lourd. Malgré les progrès réalisés en France depuis 30 ans, seule la moitié de l’azote apportée est absorbée par la culture2. Les pertes peuvent être réduites en ajustant au plus juste les apports aux besoins de la plante : la bonne dose, sous la bonne forme, au bon moment, au bon endroit.
Optimiser les apports d’engrais passe par une évaluation plus raisonnable des rendements espérés
Un outil d’aide à la décision devrait alors permettre également de limiter le gaspillage, mais son efficacité est souvent compromise par le faible coût de l’engrais minéral3. Dans les fermes ayant mis en place ces pratiques, les charges diminueraient de 9 € par ha. Les émissions évitées sont estimées à 220 kg CO2 équivalent, soit autant qu’un trajet de 3 000 km en voiture.
Les effluents organiques sont une source d’azote renouvelable
Mieux les valoriser passe par une amélioration des pratiques. D’abord, estimer au plus juste la valeur fertilisante grâce au bilan azoté limite les doses de complément minéral. Ensuite, épandre au ras du sol, enfouir les effluents et les apporter à la bonne saison diminue de 35 à 95 % les pertes d’azote dues à la volatilisation. Ces actions ne devraient pas limiter le potentiel de production des cultures et pourraient fortement diminuer les apports d’engrais minéraux. L’émission de 210 kg de CO2 équivalent serait évitée et l’agriculteur pourrait économiser environ 12 €/ha/an.
Introduire des légumineuses est un levier puissant pour réduire les émissions
Cela demande une réflexion globale sur l’exploitation, avec des implications technique et commerciale. Chez les légumineuses, les besoins en azote sont assurés par fixation symbiotique de l’azote de l’air. Leur entrée dans la rotation permet de réduire les apports azotés. La marge de la culture suivante s’améliorerait, selon l’Inra, de 60 €/ha. La réduction d’émissions après l’introduction de légumineuses à graines serait de 1,6 t de CO2 équivalent par hectare et par an (3 trajets Paris-New-York en avion).
L’optimisation de la fertilisation permet non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’être économiquement plus efficient, mais elle peut également avoir une répercussion très positive sur la qualité de l’eau. De nombreux groupes d’agriculteurs travaillent sur ce sujet. Rejoignez-les en contactant votre Chambre d’agriculture.
1 Observatoire prospectif de l’agriculture Bourgogne-Franche-Comté. 2019
2 Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Potentiel d’atténuation et coût de dix actions techniques. INRA, 2013.
3 Fertilisation azotée et outils d’aide à la décision. INRA 2013
Témoignages
Les nombreux atouts de la luzerne
Hubert Mony est agriculteur à Francheville, sur les plateaux situés au nord-ouest de Dijon. Cet éleveur ovin possède un troupeau de 500 brebis et exploite une surface totale de 225 hectares.
Pour faire face aux phénomènes climatiques, et aux difficultés croissantes de la culture du colza, Hubert Mony a dû adapter son exploitation. « Le colza, de plus en plus résistant aux ravageurs, n’offrait plus la rentabilité suffisante » précise Hubert Mony. « C’est un problème général rencontré sur tous les plateaux de la région, dont le potentiel est inférieur à 50 q/ha » ajoute-t-il. « Nous avons donc dû rechercher des solutions pour alimenter notre troupeau ». Ainsi, l’éleveur de Francheville s’est tourné vers la culture de légumineuse, et en particulier la luzerne. Pour Hubert Mony, cette culture offre de nombreux atouts. Un des intérêts majeurs de cette plante réside notamment dans sa durée d’implantation : de l’ordre de quatre ans en élevage ovin. Une période durant laquelle les interventions sont considérablement réduites. « La luzerne n’a presque pas besoin d’intrants » souligne Hubert Mony. « Grâce aux nodosités racinaires, elle fixe et utilise l’azote présent dans l’air et ses besoins en potasse sont largement couverts par l’apport de fumier. La luzerne n’a pas non plus besoin de désherbage. C’est une culture à la fois écologique et économique » souligne-t-il. D’un point de vue nutritionnel, la luzerne est également très appréciée. « L’apport de protéine est suffisant pour la majeure partie de l’année. Seule la période juste avant la mise bas et couvrant le premier mois de lactation nécessite un complément protéique pour lequel nous avons recours au tourteau de colza plutôt que du soja importé ».
Enfin, un autre atout de la luzerne que souligne l’éleveur fait écho à l’actualité. « La luzerne est moins sensible aux phénomènes de sécheresse. Du fait de sa durée d’implantation, les racines sont plus longues et puisent ainsi plus profond les besoins en eau de la plante ». Tous ces facteurs n’ont fait que conforter Hubert Mony dans son choix d’abandonner totalement la culture du colza au profit de la luzerne. Une plante complémentaire à l’élevage ovin qui, et Hubert Mony en est convaincu, a également son rôle à jouer dans l’adaptation des exploitations aux changements climatiques.
Des solutions pour baisser l’apport en azote
Éleveur de vaches laitières à Mercy, Benoît Leprun possède 140 hectares, dont 100 en bassin d’alimentation de captage de type Grenelle. Confronté à un taux de nitrates trop élevé dans l’eau, il a mis en place des actions pour mieux le gérer et lutter contre le changement climatique.
- Comment solutionnez-vous la problématique de ce taux de nitrates trop élevé ?
«Je me suis basé sur la méthode « reliquat entrée hiver », c’est-à-dire la mesure du taux d’azote entrée hiver, avant que la lame drainante n’entraîne les nitrates en profondeur. Grâce à ça, j’ai constaté des problématiques liées à l’apport d’effluents et au taux de matière organique élevé dans le sol, qui faisaient augmenter ce reliquat entrée hiver. Alors, j’ai commencé à apporter des quantités d’effluents au plus près des besoins des cultures, tout en travaillant sur la présence de couverts pour capter les nitrates avant la lame drainante hivernale. Aussi, je composte 400 m3 de fumier par an, de façon à stabiliser l’azote qu’il contient et de le restituer sous forme humique plus stable que l’azote ammoniacale ou nitrique qui descend dans l’eau».
- Comment mesurez-vous le taux de nutrition azoté des plantes ?
«À l’aide du N Tester. C’est une pince qui mesure le taux de chlorophylle dans la plante. Elle donne une indication sur la nutrition azotée des plantes et permet de savoir à quel moment elles vont être en carence. Cela m’a permis de réduire mes doses d’azote sur blé d’environ 15 %, sans impact sur le rendement».
- Avez-vous d’autres objectifs pour lutter contre le changement climatique ?
«Je m’oriente vers l’agriculture de conservation. C’est-à-dire moins de consommation d’énergie fossile pour la traction et un travail du volant autofertile du sol pour diminuer les apports d’azote minéral. Une meilleure gestion des couverts et de la matière organique permet une diminution des phytos et le stockage de carbone».
40 % des émissions de gaz à effet de serre agricoles proviennent des émissions de NO2 associées à la fertilisation minérale
S’élevant à 170 € / ha de SAU en 2018 chez les céréaliers de la région1 , la fertilisation constitue leur poste de charges opérationnelles le plus lourd. Malgré les progrès réalisés en France depuis 30 ans, seule la moitié de l’azote apportée est absorbée par la culture2. Les pertes peuvent être réduites en ajustant au plus juste les apports aux besoins de la plante : la bonne dose, sous la bonne forme, au bon moment, au bon endroit.
Optimiser les apports d’engrais passe par une évaluation plus raisonnable des rendements espérés
Un outil d’aide à la décision devrait alors permettre également de limiter le gaspillage, mais son efficacité est souvent compromise par le faible coût de l’engrais minéral3. Dans les fermes ayant mis en place ces pratiques, les charges diminueraient de 9 € par ha. Les émissions évitées sont estimées à 220 kg CO2 équivalent, soit autant qu’un trajet de 3 000 km en voiture.
Les effluents organiques sont une source d’azote renouvelable
Mieux les valoriser passe par une amélioration des pratiques. D’abord, estimer au plus juste la valeur fertilisante grâce au bilan azoté limite les doses de complément minéral. Ensuite, épandre au ras du sol, enfouir les effluents et les apporter à la bonne saison diminue de 35 à 95 % les pertes d’azote dues à la volatilisation. Ces actions ne devraient pas limiter le potentiel de production des cultures et pourraient fortement diminuer les apports d’engrais minéraux. L’émission de 210 kg de CO2 équivalent serait évitée et l’agriculteur pourrait économiser environ 12 €/ha/an.
Introduire des légumineuses est un levier puissant pour réduire les émissions
Cela demande une réflexion globale sur l’exploitation, avec des implications technique et commerciale. Chez les légumineuses, les besoins en azote sont assurés par fixation symbiotique de l’azote de l’air. Leur entrée dans la rotation permet de réduire les apports azotés. La marge de la culture suivante s’améliorerait, selon l’Inra, de 60 €/ha. La réduction d’émissions après l’introduction de légumineuses à graines serait de 1,6 t de CO2 équivalent par hectare et par an (3 trajets Paris-New-York en avion).
L’optimisation de la fertilisation permet non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’être économiquement plus efficient, mais elle peut également avoir une répercussion très positive sur la qualité de l’eau. De nombreux groupes d’agriculteurs travaillent sur ce sujet. Rejoignez-les en contactant votre Chambre d’agriculture.
1 Observatoire prospectif de l’agriculture Bourgogne-Franche-Comté. 2019
2 Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Potentiel d’atténuation et coût de dix actions techniques. INRA, 2013.
3 Fertilisation azotée et outils d’aide à la décision. INRA 2013
Témoignages
Les nombreux atouts de la luzerne
Hubert Mony est agriculteur à Francheville, sur les plateaux situés au nord-ouest de Dijon. Cet éleveur ovin possède un troupeau de 500 brebis et exploite une surface totale de 225 hectares.
Pour faire face aux phénomènes climatiques, et aux difficultés croissantes de la culture du colza, Hubert Mony a dû adapter son exploitation. « Le colza, de plus en plus résistant aux ravageurs, n’offrait plus la rentabilité suffisante » précise Hubert Mony. « C’est un problème général rencontré sur tous les plateaux de la région, dont le potentiel est inférieur à 50 q/ha » ajoute-t-il. « Nous avons donc dû rechercher des solutions pour alimenter notre troupeau ». Ainsi, l’éleveur de Francheville s’est tourné vers la culture de légumineuse, et en particulier la luzerne. Pour Hubert Mony, cette culture offre de nombreux atouts. Un des intérêts majeurs de cette plante réside notamment dans sa durée d’implantation : de l’ordre de quatre ans en élevage ovin. Une période durant laquelle les interventions sont considérablement réduites. « La luzerne n’a presque pas besoin d’intrants » souligne Hubert Mony. « Grâce aux nodosités racinaires, elle fixe et utilise l’azote présent dans l’air et ses besoins en potasse sont largement couverts par l’apport de fumier. La luzerne n’a pas non plus besoin de désherbage. C’est une culture à la fois écologique et économique » souligne-t-il. D’un point de vue nutritionnel, la luzerne est également très appréciée. « L’apport de protéine est suffisant pour la majeure partie de l’année. Seule la période juste avant la mise bas et couvrant le premier mois de lactation nécessite un complément protéique pour lequel nous avons recours au tourteau de colza plutôt que du soja importé ».
Enfin, un autre atout de la luzerne que souligne l’éleveur fait écho à l’actualité. « La luzerne est moins sensible aux phénomènes de sécheresse. Du fait de sa durée d’implantation, les racines sont plus longues et puisent ainsi plus profond les besoins en eau de la plante ». Tous ces facteurs n’ont fait que conforter Hubert Mony dans son choix d’abandonner totalement la culture du colza au profit de la luzerne. Une plante complémentaire à l’élevage ovin qui, et Hubert Mony en est convaincu, a également son rôle à jouer dans l’adaptation des exploitations aux changements climatiques.
Des solutions pour baisser l’apport en azote
Éleveur de vaches laitières à Mercy, Benoît Leprun possède 140 hectares, dont 100 en bassin d’alimentation de captage de type Grenelle. Confronté à un taux de nitrates trop élevé dans l’eau, il a mis en place des actions pour mieux le gérer et lutter contre le changement climatique.
- Comment solutionnez-vous la problématique de ce taux de nitrates trop élevé ?
«Je me suis basé sur la méthode « reliquat entrée hiver », c’est-à-dire la mesure du taux d’azote entrée hiver, avant que la lame drainante n’entraîne les nitrates en profondeur. Grâce à ça, j’ai constaté des problématiques liées à l’apport d’effluents et au taux de matière organique élevé dans le sol, qui faisaient augmenter ce reliquat entrée hiver. Alors, j’ai commencé à apporter des quantités d’effluents au plus près des besoins des cultures, tout en travaillant sur la présence de couverts pour capter les nitrates avant la lame drainante hivernale. Aussi, je composte 400 m3 de fumier par an, de façon à stabiliser l’azote qu’il contient et de le restituer sous forme humique plus stable que l’azote ammoniacale ou nitrique qui descend dans l’eau».
- Comment mesurez-vous le taux de nutrition azoté des plantes ?
«À l’aide du N Tester. C’est une pince qui mesure le taux de chlorophylle dans la plante. Elle donne une indication sur la nutrition azotée des plantes et permet de savoir à quel moment elles vont être en carence. Cela m’a permis de réduire mes doses d’azote sur blé d’environ 15 %, sans impact sur le rendement».
- Avez-vous d’autres objectifs pour lutter contre le changement climatique ?
«Je m’oriente vers l’agriculture de conservation. C’est-à-dire moins de consommation d’énergie fossile pour la traction et un travail du volant autofertile du sol pour diminuer les apports d’azote minéral. Une meilleure gestion des couverts et de la matière organique permet une diminution des phytos et le stockage de carbone».