Interview
«évidemment, il faut voter !...»
Réélu au Conseil d’administration de la FNSEA, le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier, y représentera le département. Il revient dans un interview sur les enjeux auxquels va s’atteler la nouvelle mandature et appelle à ne pas s’abstenir dimanche, pour le premier tour des présidentielles.
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- TdB : Un mot sur votre réélection au conseil d’administration de la FNSEA en mars dernier
Francis Letellier : «Je suis fier d’avoir été inscrit sur la liste nationale, au titre de la répartition des régions. Avec au final et c’est important, un conseil d’administration qui compte, avec Daniel Prieur et Thierry Chalmin, trois représentants de la Bourgogne-Franche-Comté. Fier également au cours de mon mandat, d’avoir voté pour une présidente à la tête de la FNSEA. Une élection qui marque les esprits et marque aussi l’histoire fortement car en 71 ans, jamais une femme n’avait alors accédé à la présidence et on peut s’en étonner d’ailleurs. Il aura fallu attendre le XXIe siècle pour cela».
- A votre avis, Christiane Lambert est une personne qui fera consensus de par son parcours ?
«Je pense qu’elle a la capacité à rassembler, peut-être encore plus que ne le faisait Xavier c’est sûr, parce que moins décriée de par ses fonctions et de l’image véhiculée, plus centrée sur le métier et l’aspect très syndical des choses, du fait de son passé et moins marquée par un engagement dans les organisations économiques, comme l’était Xavier. N’en demeure pas moins que l’on va tous ensemble, autour d’elle, continuer la même ligne de conduite, pour récupérer de la valeur ajoutée sur nos productions, à travers la transformation et les filières. Je crois qu’aujourd’hui, à travers la très mauvaise répartition des marges et de la plus value issue de nos produits, nous n’en avons pas encore tiré les bénéfices et c’est dommage. C’est là un premier combat à mener tous ensemble et il nous faut continuer à l’affirmer».
- D’autres actions prioritaires à mener pour la nouvelle équipe ?
«Les sujets sont nombreux, comme la sécurisation des exploitations, avec le modèle assurantiel, le modèle DPA, etc. Il nous faut aussi nous mettre à l’abri d’un certain nombre de risques, qu’ils soient économiques, climatiques, ou relevant des marchés, avec des outils modernes et innovants et pour cela, il va falloir convaincre l’Europe de consacrer une partie de la Pac à cela. Avec un autre challenge se présentant à nous : repousser cette nouvelle Pac à l’horizon 2022, voire 2023, compte tenu de la nécessité à stabiliser les choses pour y voir un peu plus clair, car un peu partout en Europe, pas seulement en France, beaucoup de retard a été pris dans de nombreux domaines. Plus de deux ans que la nouvelle Pac est en route et elle n’est pas encore stabilisée, cela devient infernal, alors que nous avons besoin d’une vision à long terme, à minima, de cinq ans. Nous avons cru pouvoir faire relever les charges dans certains pays européens, du fait d’une augmentation de leur niveau social, mais on s’aperçoit que même si cela progresse, comme en Pologne ou d’autres pays de l’Est, on ne joue toujours pas dans la même cour ! Et notre challenge va être aussi de continuer sur ce registre, à faire diminuer les charges françaises, à l’image des dix points de baisse de cotisation MSA obtenus l’an dernier».
- Autre sujet d’actualité : les présidentielles. Dans un communiqué, la FNSEA a dénoncé l’abstention et appelé ses adhérents à aller voter.
«Evidemment il faut voter ! En évitant bien sûr les extrêmes, on ne le répétera jamais assez, qui préconisent l’arrêt de l’Europe et le repli sur soi. Je crois que la France aurait tout à y perdre. Nous ne sommes pas les Anglais et ne sommes pas isolés sur notre île. D’autant qu’une part importante de nos marchés est avant tout européenne, voire mondiale, comme avec nos grands vins, nos cognacs ou nos poudres de lait à destination de la Chine. Oui, il est indispensable d’aller voter et de bien réfléchir ! Tout en reconnaissant qu’il reste beaucoup de travail à mener au sein de l’Europe et il nous faudra convaincre nos députés, qu’ils soient français ou européens, de l’urgence à faire bouger les lignes. Car si elle continue sur ce rythme d’Europe tatillonne, sans vision à long terme, une Europe préférant s’occuper de la taille des concombres plutôt que du social, sans réel projet pour demain, comment s’étonner qu’il y ait des gens prêts à voter pour les extrêmes, à se replier sur soi?»
- Dans son communiqué, la FNSEA évoque «une France forte, ayant toute sa place en Europe», à contrario du discours de certains candidats
«Nous avons toujours été convaincus du rôle majeur joué par la France dans la fondation de l’Europe. Une image de «mère fondatrice» en partie disparue aujourd’hui et il lui faut retrouver son rang. Elle en a toute la capacité, notamment par le biais de son agriculture. La France a toujours fait en sorte de contribuer à ce qu’il y ait une «vraie» Europe en état de marche et aujourd’hui, sans elle, l’Europe n’aurait pas grand sens».
- Comment comprendre qu’une partie de l’électorat paysan, selon les sondages, soit tentée par le vote extrême ?
«Parce que justement, cette Europe ne s’occupant que de la «taille des concombres», elle a complétement zappé l’aspect social des choses, l’équité entre les pays, l’équité entre les agricultures européennes, sans réelle ambition politique en tant que telle. Aujourd’hui, seule compte l’ambition économique, en veillant avant tout à ne pas faire dépenser à l’Europe plus que les 52 milliards € au programme ! C’est même devenu une obsession, alors que l’on aurait besoin d’un réel objectif politique, mais pour le moment il n’est pas fixé, il n’a pas de cap… Et je dirai aussi que l’on a peut-être besoin d’une Europe qui change de gouvernance. Aujourd’hui gouvernée à trois, entre la Commission, le Parlement et le Conseil Européen, il faudra peut-être qu’existe à terme un réel gouvernement européen, avec des comptes à rendre si besoin. Alors qu’aujourd’hui, on met en place des commissaires européens, des fonctionnaires ayant tout pouvoir, mais non reconnus par le peuple. Les gens au final, ne savent plus à qui ils ont affaire en Europe et cela fait d’ailleurs partie du discours tenu par ses opposants. Pour moi, le message est simple : une Europe oui ! Une Europe forte, oui ! Mais une Europe devant changer au niveau de sa gouvernance et qui redevienne audible au niveau de ses habitants».
- Le sujet de l’agriculture a semble t-il été un peu l’absent des débats entourant ces présidentielles
«Oui et on ne peut que le déplorer. Heureusement que la FNSEA, lors de son congrès à Brest, avait invité les candidats à venir s’exprimer sur leur vision de l’agriculture. Avec toutefois deux absents de marque : Hamon et Mélenchon… Si le monde agricole les intéresse si peu à ce point, il y a de quoi s’indigner ! Comment accepter que l’agriculture soit absente des débats, alors même que nous sommes l’un des premiers employeurs de main d’œuvre en France et représentons encore aujourd’hui une économie forte, contribuant à l’excédent de la balance commerciale ? C’est là en retour toute l‘attention que l’on a ? C’est déplorable ! Néanmoins, le combat continue, même si nous ne sommes pas au bout».
Francis Letellier : «Je suis fier d’avoir été inscrit sur la liste nationale, au titre de la répartition des régions. Avec au final et c’est important, un conseil d’administration qui compte, avec Daniel Prieur et Thierry Chalmin, trois représentants de la Bourgogne-Franche-Comté. Fier également au cours de mon mandat, d’avoir voté pour une présidente à la tête de la FNSEA. Une élection qui marque les esprits et marque aussi l’histoire fortement car en 71 ans, jamais une femme n’avait alors accédé à la présidence et on peut s’en étonner d’ailleurs. Il aura fallu attendre le XXIe siècle pour cela».
- A votre avis, Christiane Lambert est une personne qui fera consensus de par son parcours ?
«Je pense qu’elle a la capacité à rassembler, peut-être encore plus que ne le faisait Xavier c’est sûr, parce que moins décriée de par ses fonctions et de l’image véhiculée, plus centrée sur le métier et l’aspect très syndical des choses, du fait de son passé et moins marquée par un engagement dans les organisations économiques, comme l’était Xavier. N’en demeure pas moins que l’on va tous ensemble, autour d’elle, continuer la même ligne de conduite, pour récupérer de la valeur ajoutée sur nos productions, à travers la transformation et les filières. Je crois qu’aujourd’hui, à travers la très mauvaise répartition des marges et de la plus value issue de nos produits, nous n’en avons pas encore tiré les bénéfices et c’est dommage. C’est là un premier combat à mener tous ensemble et il nous faut continuer à l’affirmer».
- D’autres actions prioritaires à mener pour la nouvelle équipe ?
«Les sujets sont nombreux, comme la sécurisation des exploitations, avec le modèle assurantiel, le modèle DPA, etc. Il nous faut aussi nous mettre à l’abri d’un certain nombre de risques, qu’ils soient économiques, climatiques, ou relevant des marchés, avec des outils modernes et innovants et pour cela, il va falloir convaincre l’Europe de consacrer une partie de la Pac à cela. Avec un autre challenge se présentant à nous : repousser cette nouvelle Pac à l’horizon 2022, voire 2023, compte tenu de la nécessité à stabiliser les choses pour y voir un peu plus clair, car un peu partout en Europe, pas seulement en France, beaucoup de retard a été pris dans de nombreux domaines. Plus de deux ans que la nouvelle Pac est en route et elle n’est pas encore stabilisée, cela devient infernal, alors que nous avons besoin d’une vision à long terme, à minima, de cinq ans. Nous avons cru pouvoir faire relever les charges dans certains pays européens, du fait d’une augmentation de leur niveau social, mais on s’aperçoit que même si cela progresse, comme en Pologne ou d’autres pays de l’Est, on ne joue toujours pas dans la même cour ! Et notre challenge va être aussi de continuer sur ce registre, à faire diminuer les charges françaises, à l’image des dix points de baisse de cotisation MSA obtenus l’an dernier».
- Autre sujet d’actualité : les présidentielles. Dans un communiqué, la FNSEA a dénoncé l’abstention et appelé ses adhérents à aller voter.
«Evidemment il faut voter ! En évitant bien sûr les extrêmes, on ne le répétera jamais assez, qui préconisent l’arrêt de l’Europe et le repli sur soi. Je crois que la France aurait tout à y perdre. Nous ne sommes pas les Anglais et ne sommes pas isolés sur notre île. D’autant qu’une part importante de nos marchés est avant tout européenne, voire mondiale, comme avec nos grands vins, nos cognacs ou nos poudres de lait à destination de la Chine. Oui, il est indispensable d’aller voter et de bien réfléchir ! Tout en reconnaissant qu’il reste beaucoup de travail à mener au sein de l’Europe et il nous faudra convaincre nos députés, qu’ils soient français ou européens, de l’urgence à faire bouger les lignes. Car si elle continue sur ce rythme d’Europe tatillonne, sans vision à long terme, une Europe préférant s’occuper de la taille des concombres plutôt que du social, sans réel projet pour demain, comment s’étonner qu’il y ait des gens prêts à voter pour les extrêmes, à se replier sur soi?»
- Dans son communiqué, la FNSEA évoque «une France forte, ayant toute sa place en Europe», à contrario du discours de certains candidats
«Nous avons toujours été convaincus du rôle majeur joué par la France dans la fondation de l’Europe. Une image de «mère fondatrice» en partie disparue aujourd’hui et il lui faut retrouver son rang. Elle en a toute la capacité, notamment par le biais de son agriculture. La France a toujours fait en sorte de contribuer à ce qu’il y ait une «vraie» Europe en état de marche et aujourd’hui, sans elle, l’Europe n’aurait pas grand sens».
- Comment comprendre qu’une partie de l’électorat paysan, selon les sondages, soit tentée par le vote extrême ?
«Parce que justement, cette Europe ne s’occupant que de la «taille des concombres», elle a complétement zappé l’aspect social des choses, l’équité entre les pays, l’équité entre les agricultures européennes, sans réelle ambition politique en tant que telle. Aujourd’hui, seule compte l’ambition économique, en veillant avant tout à ne pas faire dépenser à l’Europe plus que les 52 milliards € au programme ! C’est même devenu une obsession, alors que l’on aurait besoin d’un réel objectif politique, mais pour le moment il n’est pas fixé, il n’a pas de cap… Et je dirai aussi que l’on a peut-être besoin d’une Europe qui change de gouvernance. Aujourd’hui gouvernée à trois, entre la Commission, le Parlement et le Conseil Européen, il faudra peut-être qu’existe à terme un réel gouvernement européen, avec des comptes à rendre si besoin. Alors qu’aujourd’hui, on met en place des commissaires européens, des fonctionnaires ayant tout pouvoir, mais non reconnus par le peuple. Les gens au final, ne savent plus à qui ils ont affaire en Europe et cela fait d’ailleurs partie du discours tenu par ses opposants. Pour moi, le message est simple : une Europe oui ! Une Europe forte, oui ! Mais une Europe devant changer au niveau de sa gouvernance et qui redevienne audible au niveau de ses habitants».
- Le sujet de l’agriculture a semble t-il été un peu l’absent des débats entourant ces présidentielles
«Oui et on ne peut que le déplorer. Heureusement que la FNSEA, lors de son congrès à Brest, avait invité les candidats à venir s’exprimer sur leur vision de l’agriculture. Avec toutefois deux absents de marque : Hamon et Mélenchon… Si le monde agricole les intéresse si peu à ce point, il y a de quoi s’indigner ! Comment accepter que l’agriculture soit absente des débats, alors même que nous sommes l’un des premiers employeurs de main d’œuvre en France et représentons encore aujourd’hui une économie forte, contribuant à l’excédent de la balance commerciale ? C’est là en retour toute l‘attention que l’on a ? C’est déplorable ! Néanmoins, le combat continue, même si nous ne sommes pas au bout».