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Parc national

Drôle de prise en considération !

En signant le 7 mars dernier l’arrêté de prise en considération, le premier ministre a pris de court le préfet coordonateur et la profession agricole qui pensait avoir le temps de dissiper quelques interrogations et inquiétudes. Cette décision ramène à la réalité d’une procédure bien formatée et centralisée.
Par JLB
Drôle de prise en considération !
Françoise Souliman, la préfète coordonatrice entourée du sous-préfet de Monbard et de Guy Durantet, a créé un comité de pilotage ad hoc.
La loi de 2006 est succincte et sans ambiguïté sur la création d’un Parc National. L’article R 331-5 stipule : «le dossier est soumis par le ministre de l’Environnement au Premier ministre qui décide s’il convient de prendre en considération le projet de parc».

Le double langage de Ségolène Royal
C’est donc bien Ségolène Royal qui a transmis le dossier à Matignon pour signature alors qu’elle avait laissé entendre à la Profession, courant juin 2015, qu’elle allait «se donner le temps» et mandater un médiateur.
Le Préfet coordonnateur Jean-Paul Celet, la veille de son départ avait reçu la profession agricole pour lui tenir à peu près le même langage estimant même que le médiateur n’était pas indispensable.
Un an après la tumultueuse assemblée générale du GIP du 11 février 2015, le dossier était en quelque sorte en eaux calmes, mais manifestement cela ne convenait pas aux stratèges parisiens qui pilotent le projet. Une fois de plus, la confiance du terrain est mise à mal, et la nouvelle Préfète est obligée de ramer à contre-courant en multipliant les gestes d’apaisement. Lors de la conférence de presse du 10 mars dernier elle a ainsi promis la constitution d’un comité de pilotage ad hoc associant les services de l’Etat, les acteurs locaux et la direction du GIP dans le but de définir une «vision commune du Parc». Elle a ainsi invité la profession agricole à rédiger ses demandes pour le 25 mars avant une nouvelle réunion de travail qui devrait se tenir le 30 mars.

Du réglementaire, pour commencer
L’arrêté de prise en considération a pour premier effet de soumettre les propriétaires situés en zone de projet de Cœur à un Régime Transitoire d’Autorisation Spéciale (RTAS). L’objectif de ce dispositif est d’éviter une dégradation du milieu naturel et patrimonial pendant la phase de classement. Pour prévenir les «sauvageries destructrices» éventuelles des propriétaires et des usagers, un certain nombre de travaux devront respecter une procédure d’autorisation préalable.
Les travaux déjà soumis à autorisation dans le cadre de réglementation spécifique (ex : urbanisme, défrichement, etc...) devront recueillir le double avis préalable du GIP et de l’administration.
Une liste de travaux, jusque-là libres, a été listées par le préfet fin 2014 (cf encadré).
Le RTAS est présenté par l’administration comme une procédure «allégée» ou l’autorisation sera la règle et le refus l’exception.
Mais cela constitue malgré tout une amputation du droit de propriété et c’est pour cette raison que le plan de délimitation doit être affiché en mairie pendant un mois (art. L331-5 du code de l’environnement). Le GIP a aussi prévu un lien internet avec un accès à une carte interactive qui précisera pour chaque parcelle les modalités du RTAS.
En principe, les agglomérations ont déjà été exclues pour éviter de fâcher d’emblée les maires et les habitants concernés...

Dans le Cœur, à perpétuité!
Deux tâches importantes attendent les acteurs locaux : la délimitation du (des) périmètre(s) définitif(s) du (des) Cœur(s) d’une part, la rédaction d’une charte, d’autre part.
Cette charte comportera deux parties. L’une fixant «les objectifs» de protection pour le Cœur; l’autre définissant «les orientations» de protection et de développement durable pour la zone d’adhésion (l’économie n’est pas expressément citée...).
La charte revêt donc un caractère contraignant pour la zone de Cœur alors qu’elle peut être un outil d’accompagnement dans le reste de la zone. Par ailleurs, la loi de 2006 ne laisse plus aucune possibilité de sortir d’une zone de Cœur contrairement à la zone d’adhésion dans laquelle les communes s’engageront pour 15 ans maximum et pourront se rétracter à toute modification de la charte.
C’est pour cette raison que les propriétaires fonciers et les exploitants sont très méfiants, surtout vis-à-vis de ceux qui veulent décider à leur place et qui ne sont pas directement concernés.

Témoignage côte d’orien

Vincent Renault habite Montliot-et-Courcelles, petit village au nord de Châtillon-sur-Seine, là où se trouve son exploitation agricole. Ce Côte d’Orien de 30 ans, responsable du dossier «parc national» à JA21, participait à la rencontre avec la préfète. Il livre ses impressions sur les dernières actualités : «Le Premier ministre a signé l’arrêté, je suis très déçu. Il avait pourtant rencontré la Ministre de l’Écologie au mois de juin, celle-ci avait dit qu’il fallait prendre le temps nécessaire pour quelconque décision. Encore une fois, on voit bien que c’est l’État qui dirige et qui n’en fait qu’à sa tête. Concernant la rencontre avec la préfète, tous les acteurs du GIP étaient présents : agriculteurs, forestiers, élus, écologistes... La nouvelle préfète veut qu’on lui fasse un courrier avec nos revendications pour le 25 mars. Cinq jours plus tard, elle nous recevra pour en discuter. La profession va une fois de plus demander le retour au projet de 2009, qui n’intégrait pas les terres agricoles dans le cœur de parc, sauf pour les volontaires. S’ils ne peuvent pas faire ça, il n’y aura pas de parc et puis c’est tout ! On va essayer de croire que c’est encore possible. Le préfet a donc changé : nous allons voir ce qu’elle propose. Elle nous a dit que ce projet, dit de territoire, ne se réalisera pas sans les uns ni les autres. Elle a l’air plus honnête que son prédécesseur, nous verrons bien ce qu’il en est. Elle nous dit aussi qu’elle a carte blanche et qu’elle peut faire plus ou moins ce qu’elle veut... A mon avis, elle ne se rend pas bien compte du dossier. Elle vient de Bretagne,  il n’y a pas de parc national là-bas. Ce que je vois, c’est que ceux qui seront dans le cœur le seront à perpétuité. Aujourd’hui, on nous promet qu’il n’y aura rien de plus que les contraintes de l’Europe, mais les écologistes en veulent beaucoup plus. Je crains de nombreuses contraintes, comme par exemple des dates de fauches à respecter. J’entends dire que certains devront attendre la fauche de certaines prairies pour que les bébêtes aient le temps de changer d’endroit.... Je veux bien si on me donne le calendrier de la météo ! C’est n’importe quoi. Et on ne connaît pas du tout l’évolution de la réglementation. Dans 20 ans, peut-être que l’on pourra faire des OGM, je ne dis pas que c’est l’avenir, loin de là, mais dans un cœur de parc, il n’en sera sûrement pas question. Il existe plein de sous-entendus derrière ce cœur de parc. Autre chose, une précision : l’ancien préfet avait voulu que l’on traite du dossier directement avec lui. On peut lire exactement l’inverse dans les autres journaux, et on nous tire dessus à boulets rouges sur ça ! Depuis de longs mois, nous passons par un peu tous les états d’esprits. Nous consacrons beaucoup de temps sur ce dossier pour, au final, pas beaucoup d’avancées. C’est très tendu, et aucun politique n’est derrière nous, c’est sans doute ça le plus dur. C’est vraiment très compliqué».