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Journée thématique "€œAgronomie et à‰cologie"€

Des synergies à trouver

Dans la montagne jurassienne comme dans la plaine de Bresse, la science agronomique apporte des éléments de réponse aux nouveaux défis environnementaux que l'€™agriculture doit relever.
Par Alexandre Coronel
L'€™Association française d'€™agronomie organisait le 13 octobre dernier à Dijon une journée sur le thème: [I]«Agronomie & à‰cologie en Bourgogne - Franche-Comté : quelles synergies possibles et quelle place pour l'€™agronomie ?»[i] Pour Thierry Dornin, membre de cette association,[I] «vu la complexité de la situation agricole, et face au poids croissant des préoccupations environnementales, il est temps de sortir d'€™une opposition stérile pour envisager comment s'€™articulent agronomie et écologie »[i]. Première expérience de terrain au programme, celle des prairies permanentes du Parc naturel régional du Haut-Jura, où l'€™enjeu est de concilier impératifs écologique et productifs ...
Jean-Yves Vansteelant, chargé de mission au PNR, a ainsi relaté comment la restructuration des exploitations agricoles à la fin des années 80 avait remis en cause la gestion des prairies permanentes :[I] «avec la diminution rapide du nombre d'€™exploitations et l'€™augmentation importante de leur taille, le territoire doit désormais répondre aux exigences de la vache. La modernisation du matériel permet d'€™intensifier les prés de fauche, autour des fermes, tandis que les prés plus difficiles (éloignés, pentus, ...) sont sous-pâturés et retournent à la forêt»[i]. C'€™est justement le risque de fermeture des paysages et l'€™impact paysager tangible des changements de pratiques agricoles qui a suscité l'€™intérêt des élus des communes du parc. CTE, puis CAD, MAET, sites Natura 2000, ... tout l'€™arsenal des mesures incitatives et règlementaires a donc été déployé pour enrayer l'€™enfrichement. [I]«Il y a eu une bonne mobilisation des agriculteurs sur le terrain, mais nous avons pu constater des limites à cette approche "€œd'€™obligation de moyens"€, comme par exemple la fauche retardée, ou la réduction de la fertilisation : comment se fixer des objectifs et évaluer les résultats'€‰?».[i]

[INTER]De la parcelle à l'€™exploitation[inter]
Des travaux interdisciplinaires ont alors permis de croiser les regards zootechniques (du conseiller du contrôle laitier) et environnementalistes (du spécialiste de la botanique). [I]«Il a fallu caractériser les prairies à la fois par leur valeur d'€™usage et leur valeur environnementale, et préciser le lien entre gestion des prairies et fonctionnement des exploitations»[i]. Un outil de diagnostic et de conseil a ainsi vu le jour. Sandrine Petit, de l'€™Inra, précise «avec 25 agriculteurs, nous avons identifié 12 types de prairies, en tenant compte de critères aussi bien agronomiques (rendement, appétence, flexibilité d'€™exploitation) que de leur richesse floristique». L'€™expérience et l'€™expertise des éleveurs redevient centrale dans cette approche, où l'€™obligation de moyens se substitue à une obligation de résultats. Le concours de prairies fleuries illustre bien cette notion[I] «les participants s'€™y retrouvent car c'€™est une approche équilibrée, où ils peuvent bénéficier des regards croisés des experts (photographe, apiculteur, zootechnicien, ...) »[i], conclut Jean-Yves Vansteelant.

[INTER]Loi sur l'€™eau[inter]
Autre milieu, autre approche, avec les zones humides de la plaine bressane. «Dans l'€™inconscient collectif, ces zones humides ont une image d'€™insalubrité, or elles jouent un rôle important dans le cycle de l'€™eau, ce sont un peu les reins des bassins versant, à la fois filtre et éponge. Ce sont en plus des réservoirs importants de biodiversité, puisqu'€™elles hébergent 30% des espèces remarquables, et que la moitié des espèces d'€™oiseaux ont besoin de ces zones humides pour leur cycle biologique», détaille Nicolas Guérin, agronome à la DDT de Sâone et Loire. Or ces zones humides ont fortement régressé sur le territoire national, notamment au cours des 30 dernières années, sous les impacts conjugués de l'€™urbanisation, de l'€™industrialisation, de l'€™intensification de l'€™agriculture, sans oublier les aménagements de cours d'€™eau.
Les récentes évolutions règlementaires (loi sur l'€™eau de 1992 et décret de 2006) s'€™efforcent de mieux protéger ces zones humides. [I]«40% du département de Saône-et-Loire est passée en zone humide !»[i] s'€™exclame Lionel Borey, céréalier en bord de Saône. Zone vulnérable, directive nitrate, Natura 2000, zone humide, réduction des phytosanitaires, mise en place des trames vertes et bleues, ... ça devient difficile à concilier avec l'€™économie de nos exploitations». D'€™autant que les objectifs sont parfois en contradiction'€‰: si on veut limiter l'€™utilisation des phytos, le principal levier, c'€™est la rotation. Mais si on ne peut pas drainer nos terrains hydromorphes, on ne peut pas éviter la monoculture de maÏs. [I]«Dans la partie ouest du département, ce sont les captages de mouillères pour abreuver le bétail allaitant qui sont remis en cause»[i].

[INTER]Biodiversité, un patrimoine encore méconnu[inter]
Dans ce contexte, une démarche associant pouvoirs publics (DDT, Onema, ...), entreprises de travaux hydrauliques, chasseurs, pêcheurs et agriculteurs a été initiée. [I]«Elle a pour but d'€™arriver à une charte des bonnes pratiques sur les travaux d'€™aménagement hydrauliques : fossés, drainage, captages... »[i]. Premier point positif, ce chantier a permis aux différents acteurs de mieux se connaître. [I]«Nous avons défini 15 secteurs de référence, avec chacun un groupe de travail local, qui s'€™est appuyé sur des observations de terrain, a réalisé des photos. Nous avons pu ainsi écrire un certain nombre de règles de décision pour simplifier le travail et les démarches administratives»[i], complète Bertrand Dury, pédologue et écologue à la Chambre d'€™agriculture de Saône et Loire.

[INTER]Les sols, milieux vivants[inter]
«Les sols sont des milieux vivants», rappelait Philippe Lemanceau, expert en biologie des sols à l'€™Inra. [I]«C'€™est aussi un patrimoine à protéger car les terres arables reculent tandis que la population mondiale augmente. Et les sols ne sont pas renouvelables à notre échelle de temps ! Nous allons dans un futur proche être également limité dans l'€™utilisation des intrants : on prévoit par exemple l'€™épuisement des gisements de phosphore à l'€™horizon 2050, c'€™est demain»[i]. Or un hectare de terre agricole héberge une à cinq tonnes de microfaune, cinq tonnes et demie de champignons.[I] «Et ce n'€™est pas que de la masse, c'€™est aussi de la complexité, une ressource en molécules aux applications nombreuses. N'€™oublions pas que le premier antibiotique, la péniciline, est synthétisé par un champignon du sol !».[i]
Pour illustrer les intérêts de la microflore du sol, David Michelin d'€™Alterre Bourgogne a présenté un exposé sur de récents travaux sur le rôle des mycorhizogènes, des champignons qui vivent au contact des racines des végétaux. [I]« Il s'€™agit d'€™une relation symbiotique : ces champignons se nourrissent d'€™exsudats racinaires, et rendent des services à la plante, en améliorant l'€™absorbation de certains nutriments indispensable à la croissance végétale. L'€™azote est bien connu, mais c'€™est loin d'€™être le seul, phosphore, potassium... en inoculant ces champignons dans les sols cultivés, on pourra à rendement égal consommer moins d'€™intrants»[i].