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Charolais

Des éleveurs qui ne prennent plus le taureau par les cornes...

L’utilisation d’animaux génétiquement sans cornes se multiplie sur les exploitations, particulièrement en race charolaise, où le travail de sélection mené depuis plus d’une vingtaine d’années, a permis l’émergence d’une offre de haut niveau.
Par Dominique Bernerd
Des éleveurs qui ne prennent plus le taureau par les cornes...
Pas de concours à Avallon cette année pour JAZZ, le veau sans cornes de Laurent Mandron, éleveur sélectionneur à Montillot.
Si les cornes avaient une utilité naturelle à l’époque de la traction animale, pour y poser le joug, l’arrivée de la mécanisation dans les fermes a balayé la tradition et l’on n’a eu de cesse depuis, à décorner les animaux. Les raisons en sont multiples, liées notamment à l’accroissement de la taille des exploitations et la généralisation de la stabulation libre et des cornadis. Outre une amélioration de la sécurité pour l’éleveur, comme pour l’animal, le décornage diminue également les risques d’accidents pendant le transport ou des coups de cornes au sein du troupeau, facteurs d’avortement. Mais le système a ses limites et devient de plus en plus pesant, compte tenu de l’augmentation de la taille des cheptels et de la réduction de la main d’œuvre. D’autant que l’on peut très bien imaginer qu’un jour, un durcissement de la réglementation en interdise l’usage. Forte de ce constat, la filière charolaise s’est depuis plusieurs décennies intéressée au développement du gêne sans cornes, déjà largement utilisé dans de nombreux pays anglo saxons. Une progression régulière de la qualité des reproducteurs proposés a fait que de nombreux éleveurs ont choisi aujourd’hui d’introduire dans leur cheptel des animaux génétiquement nés sans cornes, à l’image de Laurent Mandron à Montillot et d’Alexandre Bretagne, à Joux la Ville.

Hétérozygote ou homozygote
A la tête d’un troupeau de 120 mères, Laurent Mandron a acheté il y a 5 ans un taureau gêne sans cornes auprès de l’Union Charolais Croissance : «des bêtes décornées facilitent la manipulation dans la gestion quotidienne de l’élevage, surtout en stabulation libre, mais j’ai toujours considéré le décornage comme le travail le plus ingrat qu’un éleveur ait à effectuer, sans parler du bien être animal…» Autant de raisons pour se lancer dans la génétique sans cornes. Eden le taureau acheté alors était «hétérozygotte» : «un seul de ses parents étant sans cornes, il pouvait transmettre le gêne, mais seulement à hauteur de 25 % de veaux produits. Aujourd’hui, mon but est de trouver des animaux «homozygotes», issus de deux parents sans cornes, où 100 % des produits le seront également. Même si, dans le cas de croisement avec des vaches cornées, les veaux nés sans cornes ne seront pas pour autant «homozygotes»... » L’objectif affiché aujourd’hui pour l’éleveur de l’Avallonnais, est de faire progresser les qualités intrinsèques du gêne SC, que ce soit ses facilités de naissance ou ses aptitudes bouchères : «on est parti de loin car au début, les animaux n’avaient pas les qualités maternelles requises, pas de développement musculaire ou squelettique. Au fil des années, ça s’est amélioré et on est arrivé à des bêtes qui peuvent bien vêler et conformes pour faire du taurillon»
D’ici 5 à 7 ans, 50 à 60 % du cheptel devrait être issus de lignée sans cornes. Un intérêt d’autant plus grand que la demande à l’export va croissante : «j’ai vendu plusieurs génisses en Irlande, un taureau en Lituanie, autant de marchés que je n’aurai pu conclure si les animaux avaient eu des cornes. Même au national, on s’y intéresse de plus en plus, à l’image des génisses vendues il y a quelques semaines, lors de la vente organisée par l’UCC à l’occasion de leurs 30 ans. Pleines et gestantes d’un taureau SC, elles ont «flambé», avec des enchères record à 4300 €» Pour la première fois cette année, une épreuve mettant en lice des animaux de gêne sans cornes était inscrite au programme du concours charolais d’Avallon. Laurent Mandron devait y présenter LUCKY, un veau né en avril dernier. Un patronyme qui n’aura pas suffi à porter chance aux organisateurs du concours, contraints de l’annuler pour cause de FCO.