Monts du Cantal
Des éleveurs minés par le loup
Comme dans de nombreux autres départements, dans le Cantal les éleveurs qui ont subi des attaques vivent dans la hantise de nouvelles prédations. Témoignage poignant d’un éleveur à bout de forces.

Le loup, il y a ceux qui en parlent - à coups de solutions de cohabitation toutes faites sur les réseaux sociaux - et ceux dont la vie a été chamboulée depuis que leur troupeau a croisé le chemin du prédateur. Un quotidien bouleversé bien au-delà du volet professionnel, comme le confient Didier Fournier, Fabien Serre ou encore Tony Joanny. Des éleveurs à fleur de peau qui décrivent tous ce traumatisme de l’attaque, l’angoisse et la psychose qui s’installent ensuite, reparties de plus belle ce printemps avec la mise à l’herbe des bêtes. Tony Joanny a été le premier sur la liste l’an dernier avec un bilan effrayant : en à peine deux mois, 63 brebis tuées ou disparues sur l’estive de 45 ha entre 1 200 et 1 500 m d’altitude située sous la brèche d’Enfloquet. Quinze animaux ont fait l’objet d’une indemnisation, le dossier des 48 autres est toujours à l’étude. Depuis cet été meurtrier, beaucoup de choses ont changé pour Tony, ses parents et son frère, associés en Gaec : aucune agnelle n’a été conservée pour le renouvellement et la troupe ovine est passée de 160 à 97 brebis.
«Je ne sais pas si on va continuer les brebis…»
Même si depuis, aucune alerte n’est intervenue, la famille Joanny n’est aujourd’hui pas sûre de conserver un troupeau ovin en parallèle de son cheptel allaitant Aubrac. «On va voir comment ça évolue. Pour l’instant, il (le loup, NDLR) est sur le Chavaroche mais jusqu’à quand ?», interroge Tony, qui a sollicité un tir de défense cette année. Son voisin de montagne, Fabien Serre, se rappelle lui parfaitement ce 18 septembre 2018, les vautours sur l’estive du Puy de la Tourte, ces brebis qu’il a fallu euthanasier avec une pierre, une injection létale, cet autre animal qui a réussi à rejoindre le troupeau avec une plaie béante à l’arrière-train, une autre avec le jarret sectionné comme le montrent les nombreuses photos qu’il a conservées sur son téléphone… À cause d’un violent orage, il ne pourra les redescendre le soir même mais dès le lendemain tout le troupeau est rapatrié dans la vallée au Falgoux. «Séverac(1) était descendu, Tony aussi, je savais que le suivant ce serait moi», se remémore l’éleveur, dont 17 brebis ont été attaquées. Depuis, Fabien Serre, qui arbore un tee-shirt «Non au loup», slogan qu’il a aussi peint sur le dos d’une de ses 230 brebis, est devenu incollable sur la question, a beaucoup lu, s’est documenté, s’est doté de trois autres chiens (cinq au total), a été le premier à demander à l’automne dernier des tirs de défense… a vécu des mois difficiles : «Après l’attaque, je voyais le loup partout, j’y pensais tout le temps jour et nuit, j’ai perdu 6 kg…» Une psychose atténuée par l’hiver avant que l’angoisse le ronge de nouveau depuis que les brebis sont ressorties.
«Ça me bouffe la vie»
«Je retarde au maximum la montée là-haut. Elles devraient y être depuis plusieurs semaines déjà mais je tire au maximum avec la boule au ventre qui grandit chaque jour… Ça me bouffe la vie». Avec le stress supplémentaire d’une estive que traverse le GR 400 dont l’éleveur a demandé que cette portion soit détournée en raison des chiens de protection. Et le loup remet tout son système en question. Faudra-t-il diminuer le cheptel, monter quelques juments à l’estive à la place ? À 42 ans, Fabien est certain d’une chose : «Je ne veux pas vivre ça jusqu’à la retraite. J’attends seulement qu’on me donne l’autorisation de tuer le loup par tous les moyens !»
(1) Michel Séverac, éleveur ovin à Mandailles, victime de plusieurs attaques également en 2018 et 2019.
«Je ne sais pas si on va continuer les brebis…»
Même si depuis, aucune alerte n’est intervenue, la famille Joanny n’est aujourd’hui pas sûre de conserver un troupeau ovin en parallèle de son cheptel allaitant Aubrac. «On va voir comment ça évolue. Pour l’instant, il (le loup, NDLR) est sur le Chavaroche mais jusqu’à quand ?», interroge Tony, qui a sollicité un tir de défense cette année. Son voisin de montagne, Fabien Serre, se rappelle lui parfaitement ce 18 septembre 2018, les vautours sur l’estive du Puy de la Tourte, ces brebis qu’il a fallu euthanasier avec une pierre, une injection létale, cet autre animal qui a réussi à rejoindre le troupeau avec une plaie béante à l’arrière-train, une autre avec le jarret sectionné comme le montrent les nombreuses photos qu’il a conservées sur son téléphone… À cause d’un violent orage, il ne pourra les redescendre le soir même mais dès le lendemain tout le troupeau est rapatrié dans la vallée au Falgoux. «Séverac(1) était descendu, Tony aussi, je savais que le suivant ce serait moi», se remémore l’éleveur, dont 17 brebis ont été attaquées. Depuis, Fabien Serre, qui arbore un tee-shirt «Non au loup», slogan qu’il a aussi peint sur le dos d’une de ses 230 brebis, est devenu incollable sur la question, a beaucoup lu, s’est documenté, s’est doté de trois autres chiens (cinq au total), a été le premier à demander à l’automne dernier des tirs de défense… a vécu des mois difficiles : «Après l’attaque, je voyais le loup partout, j’y pensais tout le temps jour et nuit, j’ai perdu 6 kg…» Une psychose atténuée par l’hiver avant que l’angoisse le ronge de nouveau depuis que les brebis sont ressorties.
«Ça me bouffe la vie»
«Je retarde au maximum la montée là-haut. Elles devraient y être depuis plusieurs semaines déjà mais je tire au maximum avec la boule au ventre qui grandit chaque jour… Ça me bouffe la vie». Avec le stress supplémentaire d’une estive que traverse le GR 400 dont l’éleveur a demandé que cette portion soit détournée en raison des chiens de protection. Et le loup remet tout son système en question. Faudra-t-il diminuer le cheptel, monter quelques juments à l’estive à la place ? À 42 ans, Fabien est certain d’une chose : «Je ne veux pas vivre ça jusqu’à la retraite. J’attends seulement qu’on me donne l’autorisation de tuer le loup par tous les moyens !»
(1) Michel Séverac, éleveur ovin à Mandailles, victime de plusieurs attaques également en 2018 et 2019.