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Rudy Magne

De l’océan à la pépinière arboricole

Ancien océanographe, Rudy Magne est désormais arboriculteur et pépiniériste, depuis 2018, à Saint-Laurent-en-Royans (Drôme), et gère Pépins & Cie.

Par M.E.
De l’océan à la pépinière arboricole
ME/AD26
Avec Pépins & Cie, l’ancien océanographe propose à présent la vente de plants, de fruits et des formations sur l’arboriculture bio.

La goutte d’eau qui l’a fait prendre un virage à 180 degrés dans sa vie, Rudy Magne, 45 ans, la doit à un voyage au Brésil. « Quand j’ai vu ce décalage énorme entre les conditions de vie des populations locales, ça m’a fait un véritable électrochoc », raconte-t-il. En quête de sens, il s’est lancé dans l’agriculture… Et loin de l’océan. Puisqu’en effet, jusqu’en 2018, ce Drômois adoptif a passé près de dix années en Bretagne pour étudier l’océan. À son arrivée dans le département en 2015, il découvre les agriculteurs du coin. « Au début, je pensais partir sur du maraîchage et de l’arboriculture, confie-t-il. Sur place, dans le Royans, j’ai trouvé peu d’arboriculteurs. C’est un travail assez technique pour la taille et la gestion des vergers ». Avec Pépins & Cie, l’ancien océanographe propose à présent la vente de plants, de fruits et des formations sur l’arboriculture bio.

Soutenu à l’installation

Le quarantenaire a pu compter sur l’appui d’un conseiller municipal pour acquérir un terrain. « C’était un peu compliqué de trouver car je ne suis pas issu du monde agricole. Un agriculteur partait à la retraite et, après une année de discussions, j’ai récupéré des terrains qu’il louait en fermage », raconte Rudy Magne. Avant de se lancer, le pépiniériste a suivi un BPREA en arboriculture au CFPPA du Valentin. Il a pu bénéficier d’une dotation jeune agriculteur d’un montant de 30 000 €. « Comme je suis parti de zéro et que l’installation demande des investissements importants, j’aurais dû m’endetter. Grâce à cette aide, j’ai pu m’installer plus sereinement », rapporte ce dernier. D’un point de vue technique, il a demandé conseils à la Chambre d’agriculture de la Drôme et à Régis Aubenas, arboriculteur.

Les aides financières proposées par la Région Auvergne Rhône-Alpes ont aussi été les bienvenues pour s’équiper. Lors de sa deuxième et troisième année de production, Rudy Magne a subi d’importants épisodes de grêle. Il a donc investi dans la protection de son « pilier économique », à savoir les vergers de pommiers et de poiriers ainsi que les raisins de table. « Ici, nous sommes dans un couloir de grêle », observe-t-il. Si la pépinière est moins « fragile », le producteur souhaite toutefois l’équiper de protection pour éviter l’éclat des écorces. De plus, il observe que les filets protègent aussi des oiseaux et du Carpocapse des pommes et des poires, ce papillon qui pond ses larves dans les fruits. Rudy Magne a investi dans une tour à vent et des thermomètres connectés. « Si besoin, j’ajoute des bougies », explique le pépiniériste qui a bénéficié de 60 % d’aides pour l’achat de la tour à vent.

Conjuguer bio et résilience

L’ancien océanographe produit ses fruits sur 1,5 hectare et gère sa pépinière sur un hectare avec l’appui d’un salarié saisonnier. Rudy Magne s’intéresse à la qualité. La plantation de scions en racines nues se déroule en plein champ en trois étapes, une croissance d’un an, le greffage puis la vente lors de la seconde année. Dès son installation, le producteur a souhaité convertir ses terres en bio. Si ce dernier a peaufiné son choix de variétés résistantes… la météo et les ravageurs ne l’épargnent pas. « Nous sommes dans une zone assez humide. Les pêchers peuvent être touchés par la cloque », déplore Rudy Magne. Il applique donc de la chaux et de la bouillie bordelaise mais cloque et monilia restent problématiques. L’arrachage est envisagé. Si l’akane, une des variétés choisies pour ses pommes se montre résiliente, il réfléchit à « affiner les variétés de raisin de table, touchées par le mildiou ».

Le producteur souhaite aussi s’essayer aux kiwis. « Je crains le gel et la bactériose. J’attends d’avoir encore un peu de recul », déclare-t-il. Sur sa pépinière, il expérimente la non-rotation. « La grêle demande de déplacer les installations. C’est coûteux et cela demande une logistique importante. Sur les sols lourds, il y a des contraintes de plantation telles que l’humidité. Je peux donc mettre plus d’énergie dans l’apport de matière organique et améliorer la structure du sol afin que la terre ressuie plus vite. Je plante donc plus vite et j’arrache plus facilement. C’est un essai, mais j’y crois », avance Rudy Magne.

Après plusieurs années de recherches sur sa pépinière, le producteur organise des formations sur l’arboriculture tout au long de l’année (greffage, taille, éclaircissage, ravageurs…). Elles se déroulent sur le site de son exploitation ou aux CFPPA du Valentin et de Terre d'horizon. Pour la vente de ses fruits, l’arboriculteur privilégie les circuits courts : marché de producteurs à la ferme Rousset, magasins bio et épicerie dans le Royans, vente à la ferme et aux restaurateurs… Si le passionné de sports nautiques a troqué l’océan contre les montagnes, il a réussi à retrouver du sens dans la Drôme, bassin fruiticole… Et d’escalade qu’il aime pratiquer !

Engagé dans le réseau local de solidarité alimentaire

Rudy Magne a effectué son premier don alimentaire en 2023. En fin de saison des pommes, ce dernier s’est retrouvé avec plusieurs caisses de fruits déclassés. « Entre ma première et ma seconde année, j’avais doublé ma production et je n’avais pas assez de débouchés pour tout valoriser en vente », précise l’agriculteur installé dans le Royans. Il a eu le réflexe d’appeler l’antenne locale de la Croix-Rouge qui a récupéré les fruits. Fin 2024, il a participé à une réunion organisée à l'Épicerie sociale de la Croix-Rouge à Saint-Jean-en-Royans avec plusieurs acteurs tels que la communauté de communes Royans-Vercors, l’association le Court-bouillon, des agriculteurs et la chambre d’agriculture de la Drôme.

Depuis cette réunion, l’arboriculteur a été sollicité par l’association Court-bouillon pour un projet de valorisation de pommes. « Des volontaires ont récupéré des pommes et se sont chargés de les transformer. En échange, j’ai fait don d’une partie des bouteilles. C’était gagnant-gagnant », rapporte le fondateur de Pépins & Cie. En février, il a contacté l’association car il lui restait des courges qu'ils ne pouvaient conserver faute de chambre chaude. Les produits ont été distribués à l’épicerie sociale de la Croix-Rouge de Saint-Jean-en-Royans. « C’est efficace d’avoir un seul interlocuteur qui possède tout un réseau. Un coup de fil et c’est réglé », déclare l’agriculteur ravi de participer à ce réseau de solidarité alimentaire.

Contact : contact@pepinsetcie.fr