Interview
«De belles rencontres…»
Arrivé en octobre 2012, le préfet de l’Yonne, Raymond Le Deun, vient d’être nommé préfet du département de l’Aisne. Retour sur ces 23 mois passés en terre icaunaise, au contact notamment des acteurs du monde agricole;
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- Si au final, le dialogue n’a jamais été réellement rompu, vos rapports ont parfois été un peu tendus avec la profession agricole ces derniers mois, notamment sur la qualité de l’eau au travers des Bassins d’Alimentation de Captage. Quelle est la situation aujourd’hui ?
«On nous a ajouté dans l’Yonne 18 nouveaux Bac prioritaires, alors que le département en comptait déjà 14. Je considère qu’on avait plutôt avancé en la matière et aurai préféré que l’on mène à bien le travail de fond engagé avec la profession, avec la Chambre, l’Agence de l’Eau et les Services de l’Etat, sur les bassins déjà en place, avant de se retrouver avec 18 Bac supplémentaires. C’est une autre décision qui a été prise, j’en prends acte… Cela dit, si dans un certain nombre d’endroits, des mesures volontaires et une forte mobilisation ont été mises en place, il reste néanmoins quelques secteurs dans le département où rien n’a été fait, et je le dis très clairement, je ne vois pas comment on pourra échapper aux mesures autoritaires s’il n’y a pas de dialogue avec la profession. En l’absence de partenaires, je ne sais pas faire…»
- Vous avez reçu il y a peu, le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier, accompagné du secrétaire général, Gilles Robillard, venus évoquer ce qu’il dénoncent comme de la «surenchère administrative», quelle a été votre réponse ?
«Je suis d’accord avec eux ! C’est vrai que dans notre pays, on a tendance à avoir un empilement de réglementations et il en va de la profession agricole comme des autres acteurs du monde économique, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, artisans ou commerçants…C’est vrai, nous avons une espèce de tradition administrative française où on empile et on empile…! Je suis bien sûr favorable à une simplification de la réglementation et l’ai rappelé notamment lors de l’inauguration de l’espace agricole de la Saint-Martin, mais réfléchissons aussi un peu et faisons notre examen de conscience : si l’État est évidemment le principal responsable des règles de droit s’appliquant à tous, d’autres viennent des parlementaires, des lobbies, de la profession, des Chambres d’agriculture…, tous les corps constitués sont quelque part à l’origine de la réglementation actuelle. Mais c’est un vrai sujet et il faudrait effectivement que l’on puisse continuer à progresser sur la question mais là, on tourne le dos à des années et des années de pratiques administratives françaises…»
- Les agriculteurs ont parfois l’impression d’être de moins en moins entendus, que ce soit à Paris ou à Bruxelles et la colère monte dans les campagnes
«Je ne suis pas sûr que la colère soit mieux entendue… La difficulté pour les Pouvoirs publics, de prendre en compte les préoccupations de la profession agricole, c’est de faire le choix entre l’accessoire et l’essentiel. Les doléances sont extrêmement nombreuses et il y en a parmi elles de plus fondées que d’autres, là est toute la difficulté. On finit un peu par le savoir et le comprendre car on apprend à connaître un territoire et ses acteurs, mais je crois que la profession pourrait très bien aussi avoir une posture consistant à dire que ça va bien quand c’est le cas…On n’affaiblit pas son discours en reconnaissant que certaines années se passent bien et ce n’est pas pour autant qu’on est délaissé par les Pouvoirs publics. En revanche, cela donne beaucoup plus de force au discours, lorsque l’on dit que ça ne va pas…»
- En deux ans de séjour ici, votre regard sur le département a changé ?
«Oui, je le reconnais ! D’abord sur l’agriculture, dont je remercie tous les partenaires et je suis sincère en le disant : nous nous sommes souvent rencontrés, que ce soit avec les organisations syndicales, avec la Chambre, je suis allé sur les exploitations et je pense qu’ensemble, nous avons progressé. J’ai écouté, j’ai réfléchi sur un certain nombre de sujets, cela m’a amené à voir les choses différemment, notamment sur l’application des normes, le rôle de l’État, etc. Pour répondre précisément à votre question, je ne connaissais pas l’Yonne, n’avais pas d’a priori ni de préjugés ou d’idées reçues et me suis rendu compte que c’était un territoire qui dans certains endroits souffre économiquement, notamment du point de vue agricole. Mais l’Yonne a des atouts et si je ne devais dire qu’une seule chose, c’est que l’avenir de ce département doit s’écrire de façon positive. Cela prendra du temps, mais son positionnement aujourd’hui sur le territoire, sa proximité avec la région parisienne, font qu’il a tous les atouts pour réussir…»
- Vos visites sur les exploitations agricoles auront été l’occasion de belles rencontres ?
«Oui, c’est exactement le mot ! De belles rencontres grâce en particulier à la connaissance de terrain qu’avait Jean-Paul Levalet (ndlr : ancien directeur du service économie agricole à la DDT 89), il était du sérail et connaissait bien son monde. J’ai vu des gens intéressants, motivés, qui réussissaient, d’autres qui se battaient et d’autres qui avaient de vraies difficultés. Je me souviens lors d’un de mes premiers déplacements sur le terrain, avec les JA, de cette jeune femme, installée en élevage laitier (ndlr : Mélanie Varache, à Dixmont), qui m’a expliqué très concrètement et de visu, ce que signifiait pour elle la mise aux normes des bâtiments d’élevage, en me disant : «voilà ce que j’ai fait, voilà ce qu’on me demande de faire...» Et ça, c’est plus parlant que toutes les réunions de travail auxquelles on peut participer… !»
«On nous a ajouté dans l’Yonne 18 nouveaux Bac prioritaires, alors que le département en comptait déjà 14. Je considère qu’on avait plutôt avancé en la matière et aurai préféré que l’on mène à bien le travail de fond engagé avec la profession, avec la Chambre, l’Agence de l’Eau et les Services de l’Etat, sur les bassins déjà en place, avant de se retrouver avec 18 Bac supplémentaires. C’est une autre décision qui a été prise, j’en prends acte… Cela dit, si dans un certain nombre d’endroits, des mesures volontaires et une forte mobilisation ont été mises en place, il reste néanmoins quelques secteurs dans le département où rien n’a été fait, et je le dis très clairement, je ne vois pas comment on pourra échapper aux mesures autoritaires s’il n’y a pas de dialogue avec la profession. En l’absence de partenaires, je ne sais pas faire…»
- Vous avez reçu il y a peu, le président de la FDSEA de l’Yonne, Francis Letellier, accompagné du secrétaire général, Gilles Robillard, venus évoquer ce qu’il dénoncent comme de la «surenchère administrative», quelle a été votre réponse ?
«Je suis d’accord avec eux ! C’est vrai que dans notre pays, on a tendance à avoir un empilement de réglementations et il en va de la profession agricole comme des autres acteurs du monde économique, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, artisans ou commerçants…C’est vrai, nous avons une espèce de tradition administrative française où on empile et on empile…! Je suis bien sûr favorable à une simplification de la réglementation et l’ai rappelé notamment lors de l’inauguration de l’espace agricole de la Saint-Martin, mais réfléchissons aussi un peu et faisons notre examen de conscience : si l’État est évidemment le principal responsable des règles de droit s’appliquant à tous, d’autres viennent des parlementaires, des lobbies, de la profession, des Chambres d’agriculture…, tous les corps constitués sont quelque part à l’origine de la réglementation actuelle. Mais c’est un vrai sujet et il faudrait effectivement que l’on puisse continuer à progresser sur la question mais là, on tourne le dos à des années et des années de pratiques administratives françaises…»
- Les agriculteurs ont parfois l’impression d’être de moins en moins entendus, que ce soit à Paris ou à Bruxelles et la colère monte dans les campagnes
«Je ne suis pas sûr que la colère soit mieux entendue… La difficulté pour les Pouvoirs publics, de prendre en compte les préoccupations de la profession agricole, c’est de faire le choix entre l’accessoire et l’essentiel. Les doléances sont extrêmement nombreuses et il y en a parmi elles de plus fondées que d’autres, là est toute la difficulté. On finit un peu par le savoir et le comprendre car on apprend à connaître un territoire et ses acteurs, mais je crois que la profession pourrait très bien aussi avoir une posture consistant à dire que ça va bien quand c’est le cas…On n’affaiblit pas son discours en reconnaissant que certaines années se passent bien et ce n’est pas pour autant qu’on est délaissé par les Pouvoirs publics. En revanche, cela donne beaucoup plus de force au discours, lorsque l’on dit que ça ne va pas…»
- En deux ans de séjour ici, votre regard sur le département a changé ?
«Oui, je le reconnais ! D’abord sur l’agriculture, dont je remercie tous les partenaires et je suis sincère en le disant : nous nous sommes souvent rencontrés, que ce soit avec les organisations syndicales, avec la Chambre, je suis allé sur les exploitations et je pense qu’ensemble, nous avons progressé. J’ai écouté, j’ai réfléchi sur un certain nombre de sujets, cela m’a amené à voir les choses différemment, notamment sur l’application des normes, le rôle de l’État, etc. Pour répondre précisément à votre question, je ne connaissais pas l’Yonne, n’avais pas d’a priori ni de préjugés ou d’idées reçues et me suis rendu compte que c’était un territoire qui dans certains endroits souffre économiquement, notamment du point de vue agricole. Mais l’Yonne a des atouts et si je ne devais dire qu’une seule chose, c’est que l’avenir de ce département doit s’écrire de façon positive. Cela prendra du temps, mais son positionnement aujourd’hui sur le territoire, sa proximité avec la région parisienne, font qu’il a tous les atouts pour réussir…»
- Vos visites sur les exploitations agricoles auront été l’occasion de belles rencontres ?
«Oui, c’est exactement le mot ! De belles rencontres grâce en particulier à la connaissance de terrain qu’avait Jean-Paul Levalet (ndlr : ancien directeur du service économie agricole à la DDT 89), il était du sérail et connaissait bien son monde. J’ai vu des gens intéressants, motivés, qui réussissaient, d’autres qui se battaient et d’autres qui avaient de vraies difficultés. Je me souviens lors d’un de mes premiers déplacements sur le terrain, avec les JA, de cette jeune femme, installée en élevage laitier (ndlr : Mélanie Varache, à Dixmont), qui m’a expliqué très concrètement et de visu, ce que signifiait pour elle la mise aux normes des bâtiments d’élevage, en me disant : «voilà ce que j’ai fait, voilà ce qu’on me demande de faire...» Et ça, c’est plus parlant que toutes les réunions de travail auxquelles on peut participer… !»