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Interprofession des vins de Bourgogne

Coup de Sang au BIVB

Ce 21 décembre, l’assemblée générale du BIVB était «boycottée» par une large partie de la famille Viticulture. En cause, les récentes positions du président de l’Union des Maisons et vins de Bourgogne (UMVB), Frédéric Drouhin. Au national et dorénavant en région, le négoce entend avoir le droit de participer à la régulation de la production au sein de l’interprofession, ce qui provoque une vive opposition de la CAVB. Ce débat a occulté le lancement du plan Bourgogne 2020, lequel reprend simplement l’objectif de celui de 2015. Sans s’en émouvoir, Louis-Fabrice Latour a succédé à Claude Chevalier à la présidence.
Par Cédric Michelin
Coup de Sang au BIVB
Claude Chevalier a cédé la présidence de l’interprofession à Louis-Fabrice Latour.
«Je demande solennellement au nouveau président du BIVB de se désolidariser des positions de l’Union des Maisons de vins de Bourgogne», réclamait clairement Jean-Michel Aubinel à Louis-Fabrice Latour. La réponse était plus ambiguë : «Cela fait à peine 5 minutes que je suis président et les débats sont déjà musclés», débutait, faussement naïvement, l’ex-président de la Fneb. Devant son prédécesseur désormais président-délégué, Claude Chevalier, qui ne disait mot, le nouveau président du BIVB enfonçait discrètement le clou : «le pouvoir est de plus en plus donné aux interprofessions, peut être au détriment des ODG».
Invité à répondre à l’interpellation de Jean-Michel Aubinel «et à se lâcher» par Louis-Fabrice Latour, Frédéric Drouhin, l’accusé, souhaitait «ne pas ouvrir ce sujet divergent» et «élever le débat», coupait-il court. Il glissait néanmoins une dernière pique : «certes, les négociants ne déclarent pas leurs stocks. Ils ne sont d’ailleurs pas tous adhérents à l’Union des Maisons. Dommage, car nous aurions beaucoup de conseils à donner aux vignerons-négociants». Résultat, dans une salle clairsemée du Palais des congrès de Beaune, chaque famille n’applaudissait que le discours de son propre représentant.

Transparence des stocks
La «tambouille» en débat est celle relative à la gestion de la production, aux prérogatives des ODG et au recours national engagé par les négociants devant le Conseil d’état au sujet de la gestion des VCI. La CAVB parle à ce sujet de «sabordage». Ces demandes récurrentes du négoce s’amplifient depuis 2010. A l’époque, le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire avait souhaité le «renforcement» des interprofessions. D’ailleurs, les prises de parole lors de cette assemblée générale étaient destinées à donner un avis sur le nouvel avenant de la mise en réserve des crémants de Bourgogne. Pourtant, l’UPECB, l’ODG des crémants de Bourgogne, a déjà adopté cette nouvelle gouvernance interprofessionnelle, avec les deux familles représentées.
De son côté, la viticulture attend toujours la transparence de la part du négoce qui ne communique pas ses données. «Quand on parle de stock, on parle de ceux à la viticulture. On est traité différemment au sein de cette interprofession et ça fait longtemps que ça dure», critiquait ouvertement Frédéric Mazilly, vice-président de la chambre d’Agriculture de Côte-d’Or.

Prix du vrac «acceptables»
La Bourgogne «a rarement été aussi prospère», estime Louis-Fabrice Latour qui faisait un point sur la conjoncture économique. Avec la commercialisation actuelle du millésime 2014 (1,58 million d’hl ; +8% moyenne) et la récolte 2015 estimée à 1,5 million d’hl, les marchés amonts - entre la viticulture et le négoce - sont «plus sains», selon lui. Même s’il observe encore un recul de -17% en rouge par rapport aux volumes 2014 entrainant une nouvelle hausse des cours de l’ordre de +10 à +15%. En blanc, les transactions sont stables à tout niveau. «Ce ne sont pas des prix normaux, élevés historiquement, mais acceptables dans l’ensemble», admettait-il. La Bourgogne reconstitue également ses stocks : +13% entre 2014 et 2015.

Décrochage du marché anglais
C’est sur l’évolution du marché aval, au consommateur, que le négociant attirait l’attention. Cavistes, restaurations et GD «tiennent» en France, mais la Bourgogne commercialise moins de volumes (-3%), reflet de «la quadrature du cercle de la valorisation» (+5% en valeur). Ce qui se ressent durement sur des marchés exports tel que l’Angleterre «qui n’accepte pas les hausses de prix» avec, pour conséquence, un décrochage des Mâcon et des Chablis, «-40 % en volume en quelques années». En cette fin d’année toutefois, même s’il a «l’impression que l’activité reprend», il appelait les Bourguignons à «rester des opérateurs prudents».
Et le nouveau président de revenir sur les débats : «ces dernières semaines, nous avons entendu les positions de chacun. Chaque famille a des efforts à faire. Claude et moi, nous sommes pour la paix des ménages», rassurait-il, en guise de conclusion.

Le Beaujolais se renégociera
Autant dire que le «dernier» rapport moral de Claude Chevalier en tant que président tombait un peu à l’eau, lui qui, quelques instants avant ces débats, se félicitait des «liens soudés entre viticulture et négoce» depuis une dizaine d’années.
En guise de synthèse économique, ce dernier improvisait un bilan : «la Bourgogne, même si ses quantités sont limitées, “traverse” plutôt de belles récoltes en qualité. Nos vins n’ont jamais été autant demandés à travers le monde. Notre problème se pose sur l’augmentation des prix du vrac, difficile à répercuter sur les prix de vente consommateurs. Les journalistes commencent aussi à s’inquiéter de la montée des prix. Reste que la Bourgogne sera toujours connue pour ses grands crus. Nous avons donc besoin de continuer à faire la promotion des petites appellations», analysait en substance le vigneron de Ladoix-Serrigny.

Cités et autres projets
Un repositionnement global s’opère de fait dans la hiérarchie des vins de Bourgogne. Autre dossier sensible, les projets de Cités des vins de Bourgogne «à Beaune, dans le Sud et dans le Nord». Mâcon et Chablis avancent «plus sereinement, Beaune est plus compliqué» car le BIVB entend «garder la main sur le concept». Si la Région a fléché 3 millions d’€, d’autres financeurs restent à trouver.  Pour Claude Chevalier, le dossier prendra en compte «également Chalon, avec sa Maison des vins qui s’est restructurée et Auxerre sur les quais de l’Yonne» pour permettre aux visiteurs de découvrir l’ensemble de la Bourgogne.

Plan Bourgogne 2020
Les pôles Marchés & Développement, Communication & Marketing, Qualité & Technique sont appelés à davantage de «transversalité» en terme d’organisation pour atteindre l’objectif du plan Bourgogne 2020 qui reste de faire de la Bourgogne, “la référence mondiale des Grands vins nés de la viticulture durable”. Un rapport sur le Développement durable en Bourgogne sortira en 2016.
«Avec des objectifs réalisables pour pouvoir communiquer, ce qui est important», précisait Claude Chevalier, qui saluait les résultats en matière de lutte contre la flavescence dorée et le travail au national, mené par Michel Baldassini, pour faire bouger la recherche sur les maladies de dépérissement de la vigne. Claude Chevalier adressait également un message en direction des pépiniéristes : «j’ai un peu une dent contre les pépiniéristes qui n’ont pas toujours été à la hauteur de la recherche. C’est pourtant les greffes qui font le vin», expliquait-il.
Alors que les Climats sont désormais inscrits à l’Unesco, le travail de Vin & Société a permis de clarifier la loi pour faire la différence entre publicité et information, notamment en matière d’œnotourisme et de terroirs, se félicitait François Patriat, sénateur et «futur ex-président» de la Région. Une région administrative qui rattrape les contours du bassin viticole Bourgogne-Jura, mais pas encore Savoie, ni d’ailleurs Beaujolais, vignoble avec lequel «c’est le statu quo». Mais Louis-Fabrice Latour concluait différemment sur ce rapprochement qui lui tient à cœur : «les conditions ne sont pour l’heure pas réunis, mais pourquoi pas dans les années qui viennent. N’ayez pas peur d’un président négociant, nous restons des gens vigilants»,  concluait-il avec une dernière fois sa casquette de négociant.