Assemblée générale de la FDSEA de l’Yonne
Coup d’œil dans le rétro
Ils ont chacun marqué de leur empreinte, leur passage à la présidence de la FDSEA de l’Yonne. Rencontre avec André Thomas et Marcel Huré.
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André Thomas et Marcel Huré, aujourd’hui retraités de l’agriculture, ont tous les deux été élus à la présidence de la FDSEA de l’Yonne. Au premier, qui occupa la fonction de 1983 à 1993, a succédé le second, de 1993 à 2000. Deux natures généreuses et passionnées, qui se sont chacun à leur manière, consacrées pleinement à leur mandat.
- Comment en arrive t-on à être élu président ?
André Thomas : «Porté par l’amour du métier, avec un souhait, une volonté, d’être acteur plutôt qu’observateur, avec bien sur, avant, une petite formation de militant»
Marcel Huré : «Je baigne dans le syndicalisme depuis toujours et c’est en fait un peu ma raison d’être, mais je n’avais pour autant jamais envisagé de devenir président. C’est André, qui m’a appelé un jour avec deux autres collègues. Eux avaient de bonnes raisons de dire non, moi je n’en avais pas ! (Rires) J’étais entré au bureau un an avant, en 1992 et André avait déjà insisté pour que je devienne 3e Vice-président, mais je n’avais rien vu venir. J’étais naïf et le suis resté d’ailleurs !»
- Quel était le contexte de l’époque ?
AT : «l’agriculture a subi pendant cette période, deux chocs assez violents, à savoir : les quotas laitiers en 1984 et la mise en place de la nouvelle Pac en 1992. La première fois que l’on demandait aux paysans, habitués à produire toujours plus pour améliorer leurs revenus, de régler et maitriser leurs productions, avec des aides pour compenser la baisse de revenus. D’un seul coup, on leur disait : stop ! Mettez 15 % de vos terres en jachère et je peux vous dire que ça a plutôt remué dans les campagnes»
MH : «Une époque marquée par l’arrivée de la Pac et les accords du Gatt. Des accords sur les tarifs douaniers et le commerce que nous dénoncions. Ce fut d’ailleurs ma première manif en tant que président, le 15 décembre 1993. On était tous un peu chaud et les grilles de la préfecture s’en sont souvenues ! Sur un plan plus départemental, l’Yonne s’est caractérisée par sa position sur les zones intermédiaires, qui nous a conduit à ne pas voter le rapport d’orientation du Congres national en 1997 et voté contre à celui de Clermont-Ferrand l’année suivante. Des moments particuliers dans l’histoire d’une fédération départementale»
-Si vous deviez garder un seul souvenir de cette époque passée à la tête de la FDSEA de l’Yonne ?
AT : «La Pac 92 assurément, avec toute la contestation, toutes les manifestations pour essayer de faire fléchir différemment les responsables européens. Je me souviens notamment de cette manif spectaculaire, déjà évoquée dans une édition précédente de votre journal, où, après que des collègues de Saône et Loire aient intercepté un camion de bovins étrangers, ils m’ont appelé pour me demander si on était partants pour aller les déposer chez le ministre de l’époque, Nallet, à Tonnerre. Un réveil brutal, d’autant qu’il n’était pas prévenu !»
MH : «Pour moi, c’est sans nul doute le «Dimanche des terres de France», à Paris, qui m’a le plus marqué pendant mon mandat. Plus de 400 000 paysans dans les rues de la capitale. Je n’avais jamais senti autant de lien et de proximité entre les personnes, entre le monde citadin et le monde paysan. Et pourtant, je m’en souviens, tout était bloqué partout !»
- Avez-vous au fil des années, vu le syndicalisme changer, que ce soit dans la forme ou dans le fond ?
AT : «Sur le fond, pas trop, à condition d’avoir des responsables qui se forment car il est important de toujours avoir une vision globale de l’agriculture. Sur la forme, ça évolue beaucoup, bien sûr, car notre outil principal, à l’époque, c’était la manifestation. Et puis politiquement, on pesait beaucoup plus lourd»
MH : «Dans la forme, les choses ont forcément changé, ne serait-ce qu’avec l’arrivée du numérique et les nouveaux moyens de communiquer, mais c’est tout. Les fondamentaux sont restés les mêmes : on défend les paysans, et on a toujours les mêmes valeurs de solidarité, avec l’Homme que l’on met au milieu et qu’on essaie de garder debout»
- Le syndicalisme a parfois du mal à mobiliser aujourd’hui, par rapport à hier, comment l’expliquez-vous ?
AT : «On était déjà plus nombreux à l’époque et peut-être plus motivés, plus solidaires, ça commençait déjà, mais depuis, l’individualisme s’est fortement développé, ainsi que la spécialisation de l’agriculture. Mobiliser pour la viande bovine, l’ensemble des agriculteurs de l’Yonne, ce n’est pas évident. Mon souci permanent, quand j’étais président de la FDSEA et entouré de responsables qui connaissaient bien leurs dossiers, c’était justement d’essayer de bien faire coordonner les différentes sections, de manière à ne parler que d’une seul voix, face à nos administrations».
MH : «Une raison simple déjà, c’est que par rapport aux années 60 ou 70, nous sommes deux fois moins nombreux, même si ça n’explique pas tout. Il faut dire aussi qu’à l’époque, à chaque mobilisation, on obtenait quelque chose de concret, sonnant et trébuchant, que ce soit sous forme de rallonge sur les prix ou les aides. Maintenant, on se rend bien compte que ce n’est plus tout à fait le cas».
- Ce dont vous êtes le plus fier
AT : «D’avoir été acteur bien sur, avec le souci et je crois qu’on a réussi plus ou moins, d’assurer la formation et l’épanouissement des personnes, tout ça passant bien sûr, par le revenu, mais pas seulement le revenu. Il faut aussi que ça passe par la responsabilité personnelle. Le monde paysan a fait des efforts remarquables d’adaptation à toutes les évolutions qu’on a connues et demeure malgré tout une composante de la société, mais il a besoin de reconnaissance».
MH : «Que la fédé continue d’exister, avec ses valeurs de solidarité. On ne peut rien faire tout seul et on a toujours besoin d’un groupe pour construire de grandes choses. Sans lui, on n’est rien, c’est comme au rugby !»
- Si vous aviez un message à adresser aux jeunes générations
AT : «Par rapport à l’époque que j’ai connue, les jeunes savent que cela va être difficile de s’installer, mais je crois toujours à l’avenir. Je leur fais confiance et à mon avis, il y a des défis intéressants à relever, pour qui veut être entreprenant».
MH : «Par rapport au métier d’agriculteur : n’ayez pas peur ! Osez, ayez confiance et allez y ! Par rapport au syndicalisme, considérez que tout seul, on est tout petit mais qu’à plusieurs, on est bien plus fort !»
- Comment en arrive t-on à être élu président ?
André Thomas : «Porté par l’amour du métier, avec un souhait, une volonté, d’être acteur plutôt qu’observateur, avec bien sur, avant, une petite formation de militant»
Marcel Huré : «Je baigne dans le syndicalisme depuis toujours et c’est en fait un peu ma raison d’être, mais je n’avais pour autant jamais envisagé de devenir président. C’est André, qui m’a appelé un jour avec deux autres collègues. Eux avaient de bonnes raisons de dire non, moi je n’en avais pas ! (Rires) J’étais entré au bureau un an avant, en 1992 et André avait déjà insisté pour que je devienne 3e Vice-président, mais je n’avais rien vu venir. J’étais naïf et le suis resté d’ailleurs !»
- Quel était le contexte de l’époque ?
AT : «l’agriculture a subi pendant cette période, deux chocs assez violents, à savoir : les quotas laitiers en 1984 et la mise en place de la nouvelle Pac en 1992. La première fois que l’on demandait aux paysans, habitués à produire toujours plus pour améliorer leurs revenus, de régler et maitriser leurs productions, avec des aides pour compenser la baisse de revenus. D’un seul coup, on leur disait : stop ! Mettez 15 % de vos terres en jachère et je peux vous dire que ça a plutôt remué dans les campagnes»
MH : «Une époque marquée par l’arrivée de la Pac et les accords du Gatt. Des accords sur les tarifs douaniers et le commerce que nous dénoncions. Ce fut d’ailleurs ma première manif en tant que président, le 15 décembre 1993. On était tous un peu chaud et les grilles de la préfecture s’en sont souvenues ! Sur un plan plus départemental, l’Yonne s’est caractérisée par sa position sur les zones intermédiaires, qui nous a conduit à ne pas voter le rapport d’orientation du Congres national en 1997 et voté contre à celui de Clermont-Ferrand l’année suivante. Des moments particuliers dans l’histoire d’une fédération départementale»
-Si vous deviez garder un seul souvenir de cette époque passée à la tête de la FDSEA de l’Yonne ?
AT : «La Pac 92 assurément, avec toute la contestation, toutes les manifestations pour essayer de faire fléchir différemment les responsables européens. Je me souviens notamment de cette manif spectaculaire, déjà évoquée dans une édition précédente de votre journal, où, après que des collègues de Saône et Loire aient intercepté un camion de bovins étrangers, ils m’ont appelé pour me demander si on était partants pour aller les déposer chez le ministre de l’époque, Nallet, à Tonnerre. Un réveil brutal, d’autant qu’il n’était pas prévenu !»
MH : «Pour moi, c’est sans nul doute le «Dimanche des terres de France», à Paris, qui m’a le plus marqué pendant mon mandat. Plus de 400 000 paysans dans les rues de la capitale. Je n’avais jamais senti autant de lien et de proximité entre les personnes, entre le monde citadin et le monde paysan. Et pourtant, je m’en souviens, tout était bloqué partout !»
- Avez-vous au fil des années, vu le syndicalisme changer, que ce soit dans la forme ou dans le fond ?
AT : «Sur le fond, pas trop, à condition d’avoir des responsables qui se forment car il est important de toujours avoir une vision globale de l’agriculture. Sur la forme, ça évolue beaucoup, bien sûr, car notre outil principal, à l’époque, c’était la manifestation. Et puis politiquement, on pesait beaucoup plus lourd»
MH : «Dans la forme, les choses ont forcément changé, ne serait-ce qu’avec l’arrivée du numérique et les nouveaux moyens de communiquer, mais c’est tout. Les fondamentaux sont restés les mêmes : on défend les paysans, et on a toujours les mêmes valeurs de solidarité, avec l’Homme que l’on met au milieu et qu’on essaie de garder debout»
- Le syndicalisme a parfois du mal à mobiliser aujourd’hui, par rapport à hier, comment l’expliquez-vous ?
AT : «On était déjà plus nombreux à l’époque et peut-être plus motivés, plus solidaires, ça commençait déjà, mais depuis, l’individualisme s’est fortement développé, ainsi que la spécialisation de l’agriculture. Mobiliser pour la viande bovine, l’ensemble des agriculteurs de l’Yonne, ce n’est pas évident. Mon souci permanent, quand j’étais président de la FDSEA et entouré de responsables qui connaissaient bien leurs dossiers, c’était justement d’essayer de bien faire coordonner les différentes sections, de manière à ne parler que d’une seul voix, face à nos administrations».
MH : «Une raison simple déjà, c’est que par rapport aux années 60 ou 70, nous sommes deux fois moins nombreux, même si ça n’explique pas tout. Il faut dire aussi qu’à l’époque, à chaque mobilisation, on obtenait quelque chose de concret, sonnant et trébuchant, que ce soit sous forme de rallonge sur les prix ou les aides. Maintenant, on se rend bien compte que ce n’est plus tout à fait le cas».
- Ce dont vous êtes le plus fier
AT : «D’avoir été acteur bien sur, avec le souci et je crois qu’on a réussi plus ou moins, d’assurer la formation et l’épanouissement des personnes, tout ça passant bien sûr, par le revenu, mais pas seulement le revenu. Il faut aussi que ça passe par la responsabilité personnelle. Le monde paysan a fait des efforts remarquables d’adaptation à toutes les évolutions qu’on a connues et demeure malgré tout une composante de la société, mais il a besoin de reconnaissance».
MH : «Que la fédé continue d’exister, avec ses valeurs de solidarité. On ne peut rien faire tout seul et on a toujours besoin d’un groupe pour construire de grandes choses. Sans lui, on n’est rien, c’est comme au rugby !»
- Si vous aviez un message à adresser aux jeunes générations
AT : «Par rapport à l’époque que j’ai connue, les jeunes savent que cela va être difficile de s’installer, mais je crois toujours à l’avenir. Je leur fais confiance et à mon avis, il y a des défis intéressants à relever, pour qui veut être entreprenant».
MH : «Par rapport au métier d’agriculteur : n’ayez pas peur ! Osez, ayez confiance et allez y ! Par rapport au syndicalisme, considérez que tout seul, on est tout petit mais qu’à plusieurs, on est bien plus fort !»