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Attaques de prédateurs

Comment déterminer la responsabilité du loup ?

Lors d’attaques de troupeaux par un prédateur, comme ces derniers jours dans l’Avallonnais, la suspicion autour du loup, dont la présence dans l’Yonne est avérée, émerge. L’ONCFS, à travers son experte dans le département, saisi par la DDT, est chargée de déterminer si la responsabilité du loup est engagée ou non.
Par Christopher Levé
«Dans le cadre du plan loup, l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) s’est vu confier, par le Ministère, la gestion du suivi de l’évolution des populations, dont le volet dégâts et suivi, analyse, expertise des dégâts», indique Jean-Luc Grandadam, chef de service de l’ONCFS de l’Yonne.
Lors d’une attaque d’un troupeau, par un prédateur, l’éleveur doit avertir le plus rapidement possible le service départemental de l’ONCFS, pour procéder à un premier constat. «Sur les animaux tués, on va mener une première autopsie qui va nous permettre de relever un certain nombre d’éléments qui sont transmis à la DDT (Direction départementale des territoires), qui saisit ensuite l’experte de l’ONCFS. Car c’est la DDT qui instruit le dossier et permet l’indemnisation de la victime», explique Jean-Luc Grandadam.
Puis, l’experte rend ses conclusions à la DDT. Trois cas de figure sont possibles. Dans le premier cas, la responsabilité du loup est écartée. «Si l’éleveur ou des témoins ont vu des chiens attaquer le troupeau. Aussi par l’identification à travers des pièges photos», complète le chef de service de l’ONCFS de l’Yonne. Seconde possibilité, la présence du loup est constatée. «On va avoir des éléments visuels, photographiques, des témoignages… Ou des prélèvements biologiques qui permettent une recherche ADN (comme à Mélisey lors des attaques en juin 2018, ndlr) à travers des poils ou des excréments. À Mélisey, l’expertise ADN a été très claire : c’est un loup, mâle, d’origine italienne. Dans ce cas-là, la responsabilité du loup est assurée», détaille-t-il.
Enfin, le cas le plus fréquent, la responsabilité du loup est non écartée. Car aucun élément biologique ne permet une recherche ADN et il n’y a ni d’image ni de témoignages. «Mais, les animaux tués ou blessés présentent des morsures, des lésions qui n’écartent pas l’hypothèse d’un loup. C’est aussi le cas lorsqu’on a des attaques depuis un certain temps sur un secteur relativement restreint et où on a, sur l’une des attaques précédentes, la quasi-certitude qu’elle a été causée par un loup».

Des indemnisations possibles
Dans ce cas, comme celui où la responsabilité du loup est avérée, l’éleveur peut entrer en voie d’indemnisation. Seulement, celle-ci ne se fait uniquement que sur une exploitation qui est conforme. «Dans le cas où des animaux ne seraient pas marqués et feraient l’objet d’une prédation, l’éleveur ne pourrait pas être indemnisé dans le cadre de l’expertise loup», assure Jean-Luc Grandadam.
Alors, si la responsabilité du loup est exclue lors d’une attaque, comment cela se passe-t-il ? «C’est le droit commun qui va s’appliquer», répond Jean-Luc Grandadam. «Si l’éleveur arrive à mettre en évidence qu’il s’agit d’un chien, il y a deux possibilités : soit le propriétaire du chien est identifié, alors c’est sa responsabilité civile qui va être engagée. Soit le propriétaire n’est pas identifié, alors si l’éleveur est couvert par une assurance il rentrera en voie d’indemnisation. S’il n’est pas couvert, il ne pourra pas être indemnisé du préjudice».

Seul l’ADN peut certifier à 100 % la présence d’un loup
Quant aux moyens d’identifier un loup ? «Le seul cas où l’on peut être certain que c’en est un, c’est par une recherche ADN», affirme Jean-Luc Grandadam. «C’est pour ça que l’arrêté ministériel dit que lorsque la responsabilité du loup n’est pas exclue, l’éleveur peut être indemnisé. Car dès le départ, on savait que dans la majeure partie des cas il y aurait une suspicion mais pas de responsabilité avérée. Alors les Pouvoirs publics ont décidé d’indemniser lorsque l’on a un doute certain».
Car les pièges photos ne permettent pas toujours une identification certaine. «Les photos sont de nuit, l’animal se déplace, alors elles ne sont pas de très grande qualité», confie-t-il. «Elles font l’objet d’une expertise. Si l’experte est en capacité de donner un avis, elle le fait. Mais s’il a un doute, elle va interroger d’autres experts. À l’ONCFS, on a des gens qui travaillent sur le loup dans les Alpes depuis parfois dix ans, alors ils ont un œil beaucoup plus aguerri».
Les photos ne permettent pas toujours de faire la différence entre un loup et un chien errant. «Il faut être prudent sur l’interprétation des photos. Si on dit que l’on n’est pas sûr que ce soit un loup, même s’il y a une image, c’est parce que l’on ne peut pas le certifier. Même s’il y a des caractéristiques physiques correspondantes, la biologie n’est pas une science exacte», conclut Jean-Luc Grandadam.

Les hypothèses de l’arrivée du loup dans l’Yonne

La présence du loup dans l’Yonne ne fait plus aucun doute. Mieux, elle a été prouvée, à Mélisey par exemple. Alors, comment ce prédateur est-il arrivé ? «Le département connaît la même situation que d’autres ont connue : les experts appellent cela le front de colonisation», commente Jean-Luc Grandadam. «Il y a une population souche issue des Alpes italiennes. C’est à partir de cette souche que les animaux se sont développés. On a eu un mouvement vers le nord, un autre vers le sud». Deux hypothèses émergent. «Des loups se sont dirigés vers les Vosges, où il y a très régulièrement des attaques, depuis plusieurs années, dans la région de Neufchâteau. Il y a des animaux, qui sont exclus des groupes et que l’on appelle des subadultes, qui se déplacent et peuvent très bien arriver dans l’Yonne. Il y a d’ailleurs eu des attaques dans l’Aube et en Haute-Marne avant d’y en avoir dans l’Yonne». Deuxième hypothèse, des loups venant du sud. «Depuis les Alpes, ils traversent le Rhône, le Massif Central et arrivent dans le Morvan puis l’Yonne. Il y a quelques années, on a eu des attaques dans le nord de la Nièvre. Avant d’en avoir dans l’Aube, à la limite de l’Yonne, puis dans l’Yonne», poursuit-il. Quant à savoir si les attaques dans le département sont l’œuvre d’un seul et même loup ? «On remarque que depuis les récentes attaques dans l’Avallonnais, il n’y en a plus dans le Tonnerrois. Alors on peut penser que c’est le même animal. À aucun moment, sur l’historique récent, on est en mesure de dire qu’il y a plus qu’un animal», précise le chef de service de l’ONCFS de l’Yonne.