Loi d’Avenir
«Ce ne sont pas les lois qui font l’agriculture, mais les agriculteurs…»
Député de l’Yonne et Maire d’Avallon, Jean-Yves Caullet a été également rapporteur de la Loi d’Avenir à l’Assemblée, pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Pomouvoir un nouveau modèle agricole est l’objectif que s’est assigné Stéphane Le Foll au travers de la Loi d’Avenir, adoptée en première lecture le 14 janvier dernier par l’Assemblée Nationale. Un texte qui n’apporte pas toutes les réponses selon les responsables agricoles, qui ont de leur côté annoncé la tenue des États généraux de l’agriculture, le 21 février prochain. Agronome de formation, ancien sous préfet, député de la 2ème circonscription de l’Yonne et maire d’Avallon, Jean-Yves Caullet connaît bien le contenu de la Loi d’Avenir pour en avoir été le rapporteur à l’Assemblée, pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
[G]TdB : Certains voient dans cette loi d’Avenir un nouveau souffle vers l’agroécologie, d’autres, quelque chose de brouillon et d’inefficace, où se situe la réalité ?[g]
Jean-Yves Caullet : [I]«Je crois que l’aspect novateur du texte est dans les opportunités ouvertes qu’il apporte. C’est un texte dont on pourrait dire qu’il prend en compte le fait que ce ne sont pas les lois qui font l’agriculture, mais bien les agriculteurs. Et que, dans un contexte extrêmement compliqué, normatif, juridique, européen, financier etc., nous n’avons pas souhaité, en tout cas, en ce qui me concerne, député de zone rural, faire un texte donnant la «énième» recette pour répartir les crédits entre organismes (…) Cette loi a pour objectif de clarifier un certain nombre de choses et favoriser les exploitations, en tenant compte qu’aujourd’hui, on ne s’installe plus de la même façon qu’hier»[i]
[G]Quelle définition donnez-vous du mot «agroécologie» ?[g]
[I]«Ce que ce terme veut dire, c’est qu’aujourd’hui, le développement de la productivité agricole ne se fera plus comme il s’est fait ces 50 dernières années, par la levée de certains facteurs limitants, comme le temps de travail par la mécanisation, la qualité des sols par la chimie, la lutte contre les ravageurs et les maladies par les pesticides, etc. Des progrès considérables mais qui étaient déjà une forme de perception de l’écologie, sauf qu’on investissait dessus de façon brutale. Aujourd’hui, nous savons que les gains de productivité de demain ne pourront plus se faire en allant encore plus loin sur ces différents secteurs. Il faut revenir à ce qui nous a échappé et voir les auxiliaires nous permettant de nous passer d’un certain nombre d’intrants, de travaux, de traitements, tout en permettant une meilleure productivité économique. Et la productivité en agriculture, n’est pas de faire 110 quand on fait 105, mais bien de faire 95 en dépensant deux fois moins…»[i]
[G]Cette loi est-elle la reconnaissance du statut de «professionnel» de l’agriculteur ?[g]
[I]«Effectivement, je pense que l’on remet la compétence de l’agriculteur au centre des choses, par le fait qu’il ne travaille pas seulement pour son entreprise, mais aussi pour l’ensemble du secteur et la collectivité. D’où l’importance de la recherche/formation, parce que quelqu’un est responsable de ses choix, dès lors qu’on lui donne les outils pour choisir. En reliant la recherche et l’enseignements à tous niveaux et pas seulement supérieurs, on va aussi donner les clés des dernières modernités aux agriculteurs et pas seulement pré-digérer le moindre résultat en lui imposant une recette du style «fais comme ça !» C’est un truisme de dire que la diversité du secteur agricole est énorme et on ne peut prétendre par des règles et des textes régenter l’agriculture au travers des crédits apportés Ou alors, c’est se priver de l’inventivité et de l’innovation..»[i]
[G]Pour en revenir à un contexte plus local, où en est le projet de restriction du champ de prescription des antibiotiques par les vétérinaires ? Très mal perçu par les éleveurs de l’avallonnais notamment.[g]
[I]«Un sujet très chaud effectivement. Je suis intervenu à l’époque très en amont, en avertissant le ministre de l’Agriculture, tout en comprenant les objectifs en la matière, liés au problème de résistance aux antibiotiques, du fait que vouloir séparer complètement la prescription de la délivrance, supposait qu’à 2 h du matin, sur une césarienne, on allait envoyer l’éleveur à la pharmacie de permanence, à 40 km de là, chercher l’antibiotique avant de recoudre la vache ! Ça peut très mal se terminer ! Aujourd’hui, on a su préserver le caractère opérationnel de la médecine vétérinaire d’élevage, tout en renforçant le contrôle et la lutte contre l’antibiorésistance. Je dirai qu’on a trouvé un point d’équilibre satisfaisant, autorisant la délivrance d’antibiotiques, mais avec un arsenal de dispositifs interdisant notamment toute démarche commerciale en matière de rétro commissions, de marges arrières, de tarifs dégressifs, de sorte que personne n’ait intérêt à multiplier les antibiotiques…»[i]
[G]Le texte prévoit aussi un suivi permanent de l’impact des pesticides sur l’environnement et la santé humaine…[g]
[I]«Cela aussi est nouveau et me semble très positif. Jusqu’à présent, quand on parlait pesticides, on avait d’un côté les «gentils» consommateurs qu’il fallait absolument protéger contre les «atroces» pesticides employés par des agriculteurs «inconscients» ! Grosso modo, on opposait les agriculteurs aux consommateurs sur le thème de la qualité. Ce qui ressort de la Loi d’Avenir, c’est que les premiers à mettre en danger la santé humaine du fait des pesticides, ce sont les agriculteurs et les salariés de l’agriculture. Ce sont eux qui les manipulent, sont exposés à leur contact.. Et là aussi, cette surveillance se mettra en œuvre car tout le monde y a intérêt. Si vous surveillez quelqu’un en le soupçonnant de porter atteinte aux autres, c’est toujours plus compliqué…»[i]
[G]Et sur la question des baux environnementaux ? [g]
[I]«Ce que la loi propose, c’est d’inclure des clauses environnementales, déjà existantes pour tout ce qui est zones protégées, à l’ensemble du territoire. Un dispositif qui ne concernera bien sûr que les nouveaux baux, mais on est bien dans un contrat, pas dans une loi ! Bailleurs ou fermiers, chacun est libre de ses choix. Là où le débat n’est pas clos et où j’ai émis un avis, c’est qu’aujourd’hui, vous avez une liste de clauses existantes pour tout ce qui concerne les zones protégées. Et si c’est bien, comme au restaurant, d’avoir une carte pour choisir tout l’arsenal du possible pour les zones protégées, en dehors de ces zones, faisons simple et en sorte que le catalogue de ce qui est possible, reste raisonnable…»[i]
[G]TdB : Certains voient dans cette loi d’Avenir un nouveau souffle vers l’agroécologie, d’autres, quelque chose de brouillon et d’inefficace, où se situe la réalité ?[g]
Jean-Yves Caullet : [I]«Je crois que l’aspect novateur du texte est dans les opportunités ouvertes qu’il apporte. C’est un texte dont on pourrait dire qu’il prend en compte le fait que ce ne sont pas les lois qui font l’agriculture, mais bien les agriculteurs. Et que, dans un contexte extrêmement compliqué, normatif, juridique, européen, financier etc., nous n’avons pas souhaité, en tout cas, en ce qui me concerne, député de zone rural, faire un texte donnant la «énième» recette pour répartir les crédits entre organismes (…) Cette loi a pour objectif de clarifier un certain nombre de choses et favoriser les exploitations, en tenant compte qu’aujourd’hui, on ne s’installe plus de la même façon qu’hier»[i]
[G]Quelle définition donnez-vous du mot «agroécologie» ?[g]
[I]«Ce que ce terme veut dire, c’est qu’aujourd’hui, le développement de la productivité agricole ne se fera plus comme il s’est fait ces 50 dernières années, par la levée de certains facteurs limitants, comme le temps de travail par la mécanisation, la qualité des sols par la chimie, la lutte contre les ravageurs et les maladies par les pesticides, etc. Des progrès considérables mais qui étaient déjà une forme de perception de l’écologie, sauf qu’on investissait dessus de façon brutale. Aujourd’hui, nous savons que les gains de productivité de demain ne pourront plus se faire en allant encore plus loin sur ces différents secteurs. Il faut revenir à ce qui nous a échappé et voir les auxiliaires nous permettant de nous passer d’un certain nombre d’intrants, de travaux, de traitements, tout en permettant une meilleure productivité économique. Et la productivité en agriculture, n’est pas de faire 110 quand on fait 105, mais bien de faire 95 en dépensant deux fois moins…»[i]
[G]Cette loi est-elle la reconnaissance du statut de «professionnel» de l’agriculteur ?[g]
[I]«Effectivement, je pense que l’on remet la compétence de l’agriculteur au centre des choses, par le fait qu’il ne travaille pas seulement pour son entreprise, mais aussi pour l’ensemble du secteur et la collectivité. D’où l’importance de la recherche/formation, parce que quelqu’un est responsable de ses choix, dès lors qu’on lui donne les outils pour choisir. En reliant la recherche et l’enseignements à tous niveaux et pas seulement supérieurs, on va aussi donner les clés des dernières modernités aux agriculteurs et pas seulement pré-digérer le moindre résultat en lui imposant une recette du style «fais comme ça !» C’est un truisme de dire que la diversité du secteur agricole est énorme et on ne peut prétendre par des règles et des textes régenter l’agriculture au travers des crédits apportés Ou alors, c’est se priver de l’inventivité et de l’innovation..»[i]
[G]Pour en revenir à un contexte plus local, où en est le projet de restriction du champ de prescription des antibiotiques par les vétérinaires ? Très mal perçu par les éleveurs de l’avallonnais notamment.[g]
[I]«Un sujet très chaud effectivement. Je suis intervenu à l’époque très en amont, en avertissant le ministre de l’Agriculture, tout en comprenant les objectifs en la matière, liés au problème de résistance aux antibiotiques, du fait que vouloir séparer complètement la prescription de la délivrance, supposait qu’à 2 h du matin, sur une césarienne, on allait envoyer l’éleveur à la pharmacie de permanence, à 40 km de là, chercher l’antibiotique avant de recoudre la vache ! Ça peut très mal se terminer ! Aujourd’hui, on a su préserver le caractère opérationnel de la médecine vétérinaire d’élevage, tout en renforçant le contrôle et la lutte contre l’antibiorésistance. Je dirai qu’on a trouvé un point d’équilibre satisfaisant, autorisant la délivrance d’antibiotiques, mais avec un arsenal de dispositifs interdisant notamment toute démarche commerciale en matière de rétro commissions, de marges arrières, de tarifs dégressifs, de sorte que personne n’ait intérêt à multiplier les antibiotiques…»[i]
[G]Le texte prévoit aussi un suivi permanent de l’impact des pesticides sur l’environnement et la santé humaine…[g]
[I]«Cela aussi est nouveau et me semble très positif. Jusqu’à présent, quand on parlait pesticides, on avait d’un côté les «gentils» consommateurs qu’il fallait absolument protéger contre les «atroces» pesticides employés par des agriculteurs «inconscients» ! Grosso modo, on opposait les agriculteurs aux consommateurs sur le thème de la qualité. Ce qui ressort de la Loi d’Avenir, c’est que les premiers à mettre en danger la santé humaine du fait des pesticides, ce sont les agriculteurs et les salariés de l’agriculture. Ce sont eux qui les manipulent, sont exposés à leur contact.. Et là aussi, cette surveillance se mettra en œuvre car tout le monde y a intérêt. Si vous surveillez quelqu’un en le soupçonnant de porter atteinte aux autres, c’est toujours plus compliqué…»[i]
[G]Et sur la question des baux environnementaux ? [g]
[I]«Ce que la loi propose, c’est d’inclure des clauses environnementales, déjà existantes pour tout ce qui est zones protégées, à l’ensemble du territoire. Un dispositif qui ne concernera bien sûr que les nouveaux baux, mais on est bien dans un contrat, pas dans une loi ! Bailleurs ou fermiers, chacun est libre de ses choix. Là où le débat n’est pas clos et où j’ai émis un avis, c’est qu’aujourd’hui, vous avez une liste de clauses existantes pour tout ce qui concerne les zones protégées. Et si c’est bien, comme au restaurant, d’avoir une carte pour choisir tout l’arsenal du possible pour les zones protégées, en dehors de ces zones, faisons simple et en sorte que le catalogue de ce qui est possible, reste raisonnable…»[i]