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Production laitière

C’est encore compliqué

Une seconde campagne fourragère très décevante impacte de nouveau les élevages laitiers.
Par Aurélien Genest
C’est encore compliqué
Alysé et la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or ont organisé leurs traditionnelles rencontres Galacsy et fourrages dans trois fermes du département : l’occasion de faire un point économique après une seconde sécheresse de grande ampleur.

La situation reste très fragilisée avec des rendements fourragers en baisse de 50 % chez plus d’un éleveur sur deux. Les surcoûts engendrés par l’achat de coproduits, pulpes, maïs ou encore luzerne sont évalués entre 20 et 30 euros les 1 000 litres. Cette nouvelle récolte de mauvais calibre a également un impact sur la production de lait, la productivité des cheptels accusait un retard de 5 % il y a peu. «Cette baisse de volumes a débuté à l’automne 2018, suite à une récolte déjà été très inférieure aux potentiels, de l’ordre de 30 % en moyenne. Une légère reprise est toutefois constatée aujourd’hui, espérons qu’elle ne soit pas contrariée par des déficits en fourrages», fait remarquer Franck Lavédrine, expert en économie laitière chez Alysé. Le prix du lait, heureusement stable pour la troisième année consécutive, arrive «tant bien que mal» à sauver les meubles. «Le prix est à hauteur de 350 euros la tonne. Heureusement que nous ne sommes pas au plus bas. Ces aléas climatiques empêchent les éleveurs de tirer le moindre bénéfice de ce niveau de prix, meilleur depuis trois ans», poursuit Franck Lavédrine, qui annonce un regain de la production dans d’autres régions françaises : «ce regain semble plus marqué que chez nous. Si les volumes redeviennent plus importants, les prix pourraient logiquement en faire les frais».

Sécuriser les stocks
Ces rendez-vous organisés dans les secteurs de Losne, Baigneux-les-Juifs et Is-sur-Tille ont été l’occasion de remettre l’accent sur la nécessité de sécuriser le plus possible ses stocks fourragers : «valorisation de l’herbe, céréales immatures, méteils, sorgho, luzerne… Tout est bon à prendre… Il ne faut pas hésiter à accorder 20, 30, voire 40 % de ses surfaces supplémentaires en cultures fourragères. Cela se fait au détriment, bien entendu, des cultures de ventes, le temps de réaliser son objectif de stockage. Les agriculteurs s’y retrouvent toujours à l’heure de faire les comptes».

À chacun sa stratégie

Thibaut Barithel, responsable de la ferme de l’Abbaye de Cîteaux qui élève près de 90 vaches de race Monbéliarde, participait à la journée du 19 novembre organisée à Losne puis à Saint-Symphorien-sur-Saône sur la ferme de l’EARL Verne. Le Côte-d’Orien de 35 ans, comme tous les éleveurs présents, a partagé sa propre stratégie pour sécuriser au maximum ses stocks fourragers : «Notre exploitation a pris un tournant à partir de 2015, année au cours de laquelle nous avons eu une très mauvaise récolte de maïs. Il n’y avait pas d’épis, nous avons été contraints d’en acheter pour 25 000 euros à l’époque pour garantir des UF dans les rations. Nous avons pris les choses en main à partir de ce moment-là. Aujourd’hui, nous fauchons du ray-grass italien avant le maïs, puis du maïs ensilage plante entière, puis de la luzerne avec quatre à cinq coupes par an, nous récoltons ensuite du maïs plante entière en fin de saison, du maïs épis et du maïs grains en boudins ! Nous n’avons plus un seul levier pour piloter les rations, mais plusieurs. Au final, nous n’avons pas eu le moindre problème lors de ces deux dernières années de sécheresse. Nous sommes dans une démarche d’autonomie totale».
Présent à ces trois rencontres organisées en Côte-d’Or, Thierry Crespo, expert nutrition chez Alysé, a incité les éleveurs à diversifier au maximum leurs fourrages afin de se constituer des stocks suffisants : «Historiquement, le maïs était la plante idéale : il faisait systématiquement du rendement et permettait une bonne production laitière. Ce n’est plus totalement vrai aujourd’hui avec les trois années difficiles que nous avons eues lors des cinq dernières campagnes. Nous invitons les éleveurs à changer leurs habitudes en récoltant des fourrages sur les six premiers mois de l’année. Mieux vaut aussi prévoir des coupes d’automne pour pouvoir rattraper d’éventuelles lacunes. Il existe différentes options possibles, à adapter selon les systèmes et les besoins des animaux. L’herbe, bien sûr, mais aussi le sorgho, la luzerne, les méteils peuvent être des solutions. Pour ceux qui conserveraient uniquement du maïs : mieux vaut le cultiver avec des précocités différentes et avec des semis étalés dans le temps pour élargir les périodes de fécondation».