Acétamipride : des fois oui, des fois non...
Hautement symbolique, l'action menée le 14 août par la FDSEA et les JA de Côte-d'Or voulait mettre en évidence un défaut de cohérence : interdit en agriculture, l'acétamipride est pourtant largement accessible au grand public par le biais d'insecticides domestiques.

Les opérations de contrôle des prix ou des provenances de produits alimentaires dans les grandes surfaces sont un « classique » de l'action militante agricole. Pourtant, jeudi 14 août, des agriculteurs de la FDSEA et des JA de Côte-d'Or en ont fourni une variante inédite : en fin de matinée ce jour-là, une poignée de tracteurs a fait irruption sur le parking d'une grande surface de bricolage de Quetigny, sur l'agglomération dijonnaise. Devant un public interloqué et relativement nombreux en cette veille du long week-end de l'Assomption, une délégation d'une quinzaine d'exploitants agricoles a pénétré dans le magasin et s'est dirigée tout droit vers le rayon des produits de jardinage, et plus particulièrement, celui accueillant les insecticides. Ces anti-fourmis que tout un chacun utilise contre les petites bébêtes envahissantes et qui, pour certains contiennent… de l'acétamipride. Ce produit qui a fait tant de bruit, ces dernières semaines, alors que le Conseil constitutionnel se penchait sur les différents articles de la proposition de loi Entraves des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville destinée à lever un certain nombre de contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur.
L'étiquette sous le nez
Le Conseil constitutionnel avait, le 8 août, censuré les articles 2 et 8 de cette loi, prévoyant notamment l'autorisation de l'usage de l'acétamipride. Si la loi a bien été promulguée le 11 août, elle ne prévoit donc pas la réautorisation de ce produit phytosanitaire. Un choix qui soulève l'incompréhension d'une bonne partie du monde agricole, alors que l'usage de ce même produit est autorisé ailleurs en Europe. Au-delà de cette distorsion, les manifestants voulaient insister sur le fait que cet insecticide est aussi en vente pour le grand public sans que cela ne choque personne. Il faut reconnaître qu'en tant que client lambda, on ne regarde pas toujours la composition des produits d'utilisation courante que l'on achète. Alors les agriculteurs ont choisi de nous mettre ces étiquettes sous le nez… et aussi sous les fenêtres du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (Marie-Guite Dufay, sa présidente, s'étant félicité de la censure partielle du texte de loi) et sur les façades des permanences de deux députées de Côte-d'Or, Océane Godard et Catherine Hervieu ayant voté contre la loi Duplomb.
Géométrie variable
C'est contre une indignation à géométrie variable que la FDSEA et les JA 21 ont voulu mobiliser ce jour-là, comme l'explique Antoine Carré, président de la FDSEA 21 : « la loi Duplomb a été instrumentalisée. En Côte-d'Or, il n'y a pas de betteraves, et pas de noisettes, donc on n'utilise pas d'acétamipride, sauf que, par principe, si ce produit est autorisé ailleurs en Europe, il doit l'être chez nous. PAC, ça veut dire Politique agricole commune, donc, les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. » Au-delà de l'acétamipride, certains produits collectés dans les rayons de la grande surface de bricolage comportaient aussi de l'imidaclopride, un insecticide interdit en agriculture depuis 2017…
Un ricochet sur la filière d'engraissement bovins
Josselin Laligant est éleveur bovin bio en Côte-d'Or. Lui aussi était de la manifestation du 14 août, pour une raison bien précise : « Sur cette question de l'acétamipride on pense aux cultures végétales, mais on oublie que l'impact que la suppression de cet insecticide pourrait avoir sur les productions de betteraves sucrières affectera aussi l'élevage bovin, notamment dans le grand Est qui est un bassin d'engraissement. Il y a de nombreux engraisseurs qui comptent sur la pulpe de betterave pour nourrir leurs broutards. Si on fragilise la filière betteravière, par ricochet, on atteint aussi la filière viande de tout le nord-est de la France ».


