Afin de délier le vrai du faux concernant la prédation lupine, l'Association des médaillés de l'ordre du mérite agricole (Amona) organisait une conférence sur le sujet le 14 janvier à Parigny-les-Vaux.

Suite aux attaques dont la responsabilité du loup n'est pas écartée et aux informations circulant – parfois peu fiables – dans le territoire, l'Association des médaillés de l'ordre du mérite agricole (Amona) souhaitait remettre tout à plat en ce qui concerne le loup. Ainsi, et afin d'en apprendre plus sur cet animal, les membres ont fait appel à Robert Lemoine, président de l'association départementale des chasseurs de Grand gibier de la Nièvre, secrétaire de la Fédération départementale des chasseurs de la Nièvre (FDC 58) et président de la commission « Grand gibier - dégâts ».
Avant de démarrer la présentation, le président de l'Amona, Guy Marcher, présenta ses vœux à l'assemblée en félicitant les présents : « C'est un plaisir qu'à chaque rassemblement il y a une véritable motivation à participer. C'est un point à souligner d'autant plus lorsque l'on connaît la complexité à mobiliser les gens ». Après l'introduction par le président, Robert Lemoine prit donc la parole pour détailler les caractéristiques du loup.
Il débuta son intervention par préciser : « Tous les chiens descendent du loup. L'espèce de loup qui est majoritaire en France est le Canis Lupus Italicus, une branche provenant d'Italie ». Il détailla également que le loup a disparu dans l'Hexagone en 1930 et est réapparu en 1992 dans le parc du Mercantour avec une colonisation « diffuse sur le territoire français à l'heure actuelle ». Au niveau de ses caractéristiques morphologiques, il mit en exergue plusieurs points : « si tous les chiens descendent du loup, ce dernier se distingue par son œil e oblique à l'axe de la tête, et disposant d'une crête sagittale (crête osseuse) plus développée. Pour ses déplacements, il déporte ses pattes vers le centre formant une voie rectiligne. Son ouïe lui permet d'entendre ses congénères à environ 10 km. Enfin, seul le couple dominant d'une meute se reproduit ».
L'origine des maux
Après cet exposé, il bifurqua sur les liens entre le loup et l'imaginaire, en évoquant notamment la mythologie avec la création de Rome (dont les fondateurs sont Rémus et Romulus qui furent nourris par une louve). Robert Lemoine insista : « Malgré parfois des représentations attachantes, cet animal est mal aimé depuis de nombreuses années, et fut le point de départ de nombreuses légendes, comme celle de la très connue Bête du Gévaudan ». Robert Lemoine rappela que cette « bête » sévit dans le Gévaudan entre 1764 et 1767. Durant cette période, les morts ou disparitions ayant été imputés au prédateur lupin, plus d'une centaine de loups furent abattus. Le retentissement fut tel qu'en 1765 Louis XV envoya des troupes afin de piéger cet être. Malgré cela, c'est un chasseur du nom de Jean Chastel qui aurait tué la « Bête » en juin 1767… mais le mystère plane encore sur ce que fut véritablement cette dernière.
Cet imaginaire péjoratif gravitant autour de la population lupine fut également alimenté par la littérature, à l'image de Jean de La Fontaine (1621-1695) dans sa fable « Le Loup et les bergers » (livre X des fables) dit : « Le loup est l’ennemi commun » ou encore Alexandre Dumas, (1802-1870) dans « Le meneur de loup » ou le loup est carrément une nouvelle forme du diable : « Mais, si le loup noir est le diable, comme tu dis, Mocquet, il ne doit pas changer ». Cette relation se retrouve dans d'autres écrits ecclésiastiques avec par exemple la légende du Pas du loup (Puy de Dôme) impliquant la rencontre entre Saint Bonnet et un loup – en l'occurrence une manifestation du diable - ou encore ses représentations dans les sept péchés capitaux, comme avec la gravure de « l'Envie » dévorant un cœur accompagné par un loup, datant de 1541 de Georg Pencz (1500-1550).
Ce lien entre religion et représentation diabolique du loup est d'ailleurs encore d'actualité et s'affilie à une véritable menace puisque dans un discours de 2019, le Pape François stipulait : « annoncer l’Évangile aux petits et les protéger des loups avides ».
Au-delà de la simple représentation légendaire ou ecclésiastique, le loup est également le point de départ d'autres maux, comme la lycanthropie définie par le dictionnaire de l'Académie française (5e édition – 1798) comme « la maladie de celui qui est lycanthrope ». Pour rappel, cette même référence stipule pour ce dernier terme : « Homme qui a l’imagination blessée, et qui croit quelquefois être loup. C’est ce qu’on appelle vulgairement Loup-garou. La superstition populaire à ce sujet, vient de ce que le Lycanthrope fait des hurlements ». Le loup est donc associé à des maladies, dont celle de la mélancolie, et fut l'objet de nombreux procès en France, pour ces deux formes : diabolique (les lycanthropes étant des esclaves du diable) ou encore médicale (avec cette « insania lupa » ou « folie Louvière ») , mise en évidence par Jean Wyer (1515-1588) et reprise par Robert Burton (1577-1640) dans « Anatomie de la Mélancolie » (1621).
Entre réalité et imaginaire, la frontière est donc parfois fine, et pour acter la présence ou la responsabilité du loup dans une attaque, seules les preuves semblent légitimes. C'est d'ailleurs dans cette optique que Robert Lemoine insista : « Aujourd'hui, l'Office Français de la Biodiversité compte officiellement zéro loup dans la Nièvre, car il n'y a pas de preuve physique de sa présence (ADN notamment). Alors j'invite tous ceux qui le peuvent à prendre des photos ou vidéos, à sourcer ces dernières de manière précise et rigoureuse (dates, heures, lieux, nom de la personne) et à nous les transmettre afin de pouvoir, a minima, prouver sa présence dans notre département aux instances ».
Après cette mise en lumière, et Épiphanie obligeant, une galette fut partagée entre tous durant un instant convivial. Les prochains rendez-vous de l'Amona sont la remise des médailles pour les nouveaux entrants dans l'ordre le 6 février à Nevers, puis son assemblée générale le 20 mars à Saint-Saulge (horaire à définir).