Les FDSEA de Côte-d’Or et de l’Yonne viennent de déposer un recours contre le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) de l’agence Seine-Normandie. Le Sdage Loire-Bretagne fait l’objet d’une action du même type, conduite par d’autres organisations agricoles.

Des Sdage contestés
Le Sdage Seine-Normandie concerne notamment les départements de l'Yonne et de la Côte-d'Or.

Les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) des agences Seine-Normandie et Loire-Bretagne (voir encadré), pour la période 2022-2027, ne passent pas auprès de la profession agricole. C’est le cas en Bourgogne-Franche-Comté : le Sdage Seine Normandie concerne les départements de l’Yonne et de la Côte-d’Or, quant à celui de Loire-Bretagne, il touche une partie de la Nièvre. Pour les organisations agricoles, le compte n’y est pas et les recours traduisent une inquiétude par rapport à des documents qui devraient se limiter à un rôle d’orientation, et qui paraissent en fait créateurs de nouvelles règles. Les FDSEA de Côte-d’Or et de l’Yonne ont déposé leur recours sur le Sdage de Seine-Normandie le 19 septembre, au côté de 23 autres organisations agricoles. Ce dépôt intervient après plusieurs tentatives de négociations. Les questions liées à l’encadrement renforcé concernant la possibilité de créer des stockages d’eau, ou encore l’approche des zones humides, avec l’apparition d’une notion de « milieu humide » élargissant encore les contraintes agricoles, sont des points de crispation pour la profession.

Nombreux points d’achoppement

Validé par le Comité de bassin le 23 mars dernier - contre l’avis de la profession agricole - et publié au Journal officiel le 6 avril, le Sdage Seine-Normandie comporte de nombreux points d’achoppement. Certains ont connu des évolutions favorables (la suppression des dates limitant les périodes de remplissage des retenues à l’échelle du bassin ainsi que la référence à l’article L101-3 du code de l’urbanisme qui précise que la prescription de l’occupation des sols par les documents d’urbanisme en vue de la protection des captages ne concerne pas les productions agricoles), mais d’autres persistent, selon des termes que la profession agricole juge trop restrictifs, voire prescriptifs. « La rédaction de ce Sdage, explique Damien Greffin, président de la FRSEA Île-de-France, est si détaillée sur certains points que nous avons toutes les raisons de craindre que ces préconisations soient reprises et appliquées en ces termes par des collectivités notamment. Nous ne partageons pas les orientations de ce Sdage qui sont éloignées de la science. Il s’agit d’une vision décroissante, impactante pour la production agricole et qui pourrait mettre l’agriculture en difficulté sur l’ensemble du territoire du bassin Seine-Normandie ». Les principaux points de désaccord sont les suivants :

- Plusieurs orientations sont centrées sur les cultures à bas niveau d’intrants dont l’agriculture biologique. Si les Chambres d’agriculture sont investies dans le développement de l’agriculture biologique, certaines cultures à bas niveau d’intrants n’offrent ni débouchés ni rémunération à l’agriculteur. Les élus agricoles ont demandé en vain la reconnaissance des systèmes à bas niveau d’impact, qui ont une approche globale et tiennent compte des différentes composantes environnementales et économiques de l’exploitation. La disposition visant à couvrir la moitié des aires de captage en cultures bas niveau d’intrants risque de déstabiliser les filières et ne pas correspondre aux demandes des consommateurs (la surface concernée par les Aires d’alimentation de captage (AAC) étant dans certains départements supérieure à 30 % de la SAU).

- L’encadrement des projets de réserves à usage irrigation est trop strict, et va à l’encontre des annonces gouvernementales. S’il est important d’optimiser la recharge des nappes, cela n’empêche pas que les retenues puissent être une solution dans certains cas.

- Les ratios de compensation surfacique prévus dans le cadre de la séquence Éviter, Réduire, Compenser (ERC), sont dans certains cas disproportionnés, d’autant plus que la loi ne fait référence qu’à des compensations fonctionnelles, sans notion de surface.

- Une incitation des SAGE à prendre des mesures sur la limitation des intrants voire l’interdiction de certaines molécules, ce qui n’est pas de leur ressort.

- Une confusion régulière entre le rapport de compatibilité et le rapport de conformité des textes avec le Sdage, qui est un document d’orientation et de planification. Cette confusion rendant trop prescriptives certaines dispositions du Sdage.

Un autre recours, sur le Sdage Loire-Bretagne

Les réseaux FNSEA et la coopération agricole ont annoncé avoir déposé, le 26 septembre un recours contentieux au tribunal administratif d’Orléans, contre le Sdage Loire-Bretagne. Il a été approuvé par arrêté de la préfète coordonnatrice de bassin le 18 mars. La profession agricole considère qu’il est inacceptable. Elle a déposé un recours gracieux auprès de la préfète, qui a été rejeté début août. Le nouveau recours du 26 septembre fédère une trentaine de structures qui considèrent qu’en l’état, le Sdage Loire-Bretagne 2022-2027 est en contradiction avec l’ambition de rebâtir une souveraineté nationale, en particulier dans le domaine alimentaire. Les FDSEA/FRSEA et les délégations régionales de la Coopération agricole du bassin Loire-Bretagne contestent toutes les parties du Sdage allant au-delà de la réglementation ou allant à l’encontre des objectifs de souveraineté alimentaire. Par exemple, la nouvelle notion « d’espaces périphériques aux zones humides » devant être préservés ou encore, la concentration guide en nitrates de 18 mg/L dans chaque masse d’eau douce superficielle qui, en plus d’avoir été ajoutée après la consultation, ne s’appuie sur aucun élément juridique ou scientifique. Une disposition prévoit également que le préfet détermine les pesticides dont il restreint ou interdit l’utilisation par arrêté, ce qui correspond à une violation directe de la loi en donnant au préfet une compétence qu’il ne devrait pas avoir. Concernant la gestion quantitative, le Sdage prévoit des analyses Hydrologie, Milieu, Usage, Climat (HMUC) comme fondement des décisions prises par les SAGE, ce qui ne respecte pas les procédures prévues par le code de l’environnement suite à la parution du décret du 23 juin 2021. Ces études étant longues et coûteuses, cela risque de freiner la détermination des volumes prélevables. Autre illustration avec la période de « basses eaux » qui est définie par le Sdage du 1er avril au 31 octobre. C’est une période fixe, quel que soit le contexte de l’année, alors que d’après le code de l’environnement elle devrait pouvoir être adaptée localement.