Matériel
Une révolution en marche

Chloé Monget
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Pour certains, l'arrivée des robots autonomes dans les métiers de l'agriculture est péjorative, alors que pour d'autres cela est juste une évolution de ce milieu professionnel, comme le dépeint Johann Pajon, commercial ETS Méthivier. 

Une révolution en marche
Le temps de charge du Ted et du Jo est équivalent selon Johann Pajon et est de « 8 à 10 h pour une autonomie de 8 à 12 h ».

L'intégration de robots autonomes en agriculture peut sonner, selon certains, le glas de tel ou tel métier. Mais, il semblerait que d'autres perçoivent cette arrivée comme une métamorphose positive ; un peu à l'image des diverses révolutions industrielles qui ont eu lieu (pour la mécanisation, l'énergie, l'informatique, etc.). Pour comprendre ce point de vue, Johann Pajon, commercial ETS Méthivier, détaille les modifications engendrées par les robots comme ceux de Naïo Technologies, lors de la démonstration de deux appareils réalisée le 6 juin à Cosne-sur-Loire, dans le cadre d'une formation tractoriste du LEGTA de Cosne.

En démo 

Ainsi, étaient proposés en démonstration le Ted (enjambeur viticole autonome) et le Jo (chenillard autonome pour viticulture et pépinières). Johann Pajon détaille que : « ce type d'appareil autonome se développe de plus en plus, notamment en viticulture. La demande est motivée par la réduction des coûts*, la polyvalence de tâches possibles et aussi par une simplicité d'utilisation ». Et, c'est sur ce dernier point qu'il s'arrête : « Ces appareils autonomes ne sont pas destinés à remplacer le travail humain, mais plutôt à le rendre plus facile à effectuer. Ceci dit, une personne est quand même requise pour surveiller ces outils ».


*Johann Pajon avance que : « L'économie pour 150 jours de fonctionnement du Ted ou du Jo par rapport à du matériel plus traditionnel s'élève à 13 250 euros approximativement (représentant principalement des économies de carburant et aussi de temps) ». Il détaille son calcul : « Version robot : 150 jours à 5 euros la recharge = 750 euros. Version enjambeur : 150 jours de 8 heures à 10 litres à l’heure à 1 euros le litre de fuel = 12 000 euros + 2 000 euros de vidange et filtre ».

Un plus large panel 

Il stipule qu'un individu est nécessaire pour la mise en place et en fonction de l'appareil mais aussi pour suivre le bon déroulé de la mission à effectuer ou encore pour l'entretien de l'appareil (se limitant majoritairement à du nettoyage selon Johann Pajon) : « Les tâches à faire sont donc quasiment identiques à celles faites avec du matériel plus commun. Même s'il est possible de s'absenter (selon le parcellaire) durant le passage d'un Ted ou d'un Jo, ce qui est des outils lambda la plupart sont adaptables, la plus grande différence réside, selon moi, dans le fait qu'avec les robots aucune compétence particulière, et donc qualification spécifique, n'est obligatoire pour assurer les différentes tâches citées. Nous pouvons résumer ainsi : ils ne demandent pas moins de personnel, mais ce dernier peut être moins qualifié. À mon sens, cela ouvre le champ des possibles pour les exploitants en matière de main d'oeuvre d'autant plus dans un contexte où le recrutement est parfois compliqué sur des profils spécialisés ». Il indique que déjà quelques commandes sont passées pour ce type de matériel. Cela étant, il conçoit que le coût peut être un frein : « puisqu'il faut compter approximativement 115 000 euros pour le chenillard (Jo) et 225 000 euros environ pour l'enjambeur (Ted) ; des sommes non négligeables ». Pour plus d'informations sur l'intégration des systèmes robotisés, des études pluridisciplinaires sont effectuées comme celle financée par l'université de Clermont Auvergne et à laquelle Naïo Technologies a participé (voir : https://hal.inrae.fr/hal-03583404v2/document). 

Positionnement tranché

Si les exploitants ne sont pas tous prêts à passer aux robots (pour des raisons diverses : coûts, envies, etc.), l'Etat, lui, mise dessus pour « accélérer la troisième révolution agricole, fondée sur le vivant et la connaissance »(voir annexe 1). Pour réaliser cela, il a lancé, le 6 janvier, le Programme et Equipements Prioritaires de Recherche (PEPR) sur l’agroécologie et le numérique. Doté de 65 millions d’euros de France 2030 sur 8 ans, il s'articule autour de quatre axes : « 1. l’accompagnement des changements de pratiques (en étudiant la place et le rôle des technologies, leurs impacts, et les politiques publiques), 2. la caractérisation des ressources génétiques animales et végétales, (afin d’évaluer leur potentiel en faveur de l’agroécologie et favoriser leur déploiement), 3. le développement des nouvelles générations d’agroéquipements (grâce aux technologies numériques et à la robotisation, elles assisteront les agriculteurs dans leur travail et permettront par exemple d’améliorer la santé des animaux et leur bien-être grâce à des bâtiments d’élevage connectés où de réduire l’usage de produits phytosanitaires par une agriculture de précision), 4. le développement des outils numériques d’aide à la décision (en particulier d’intelligence artificielle pour la collecte puis l’analyse des données en agriculture, au service de pratiques agricoles plus efficaces) »

Pour rappel, ce programme est intégré dans la stratégie d’accélération « Systèmes agricoles durables et équipements agricoles contribuant à la transition écologique » (datant de 2021 voir annexe 2). Ce dernier regroupe diverses mesures - certaines pilotées par l'INRAe et l'INRIA - pour parvenir à cette révolution agricole comme le « Grand défi robotique (3)» qui soutient les entreprises engagées dans les innovations techniques autour de l'alimentaire et de l'agricole. Dans un communiqué, l'Etat stipule : « 200 millions d’euros du 4ème Programme d’investissements d’avenir seront ainsi mobilisés seront ainsi mobilisés pour les start-ups, PME et ETI des secteurs FoodTech et AgriTech ». Dans ce cadre, Naïo Technologies a perçu approximativement 15 millions d'euros - répartis sur plusieurs années – via des subventions provenant notamment de l'ADEME et du Plan d'investissement pour l'avenir. Sans s'arrêter là, l'Etat épaule aussi les associations en lien avec cette vision, comme RobAgri. Créée en 2017 : RobAgri se présente comme « représentant la filière robotique agricole française » (4). Elle réunit environ 80 membres dont « industriels et start-up (Kuhn, AGCO, AgreenCulture, Manitou, Naïo, Vitibot…), équipementiers, instituts de recherche (ACTA, INRAE, Institut Pascal, ISIR…), mais aussi pôles de compétitivité et plusieurs écoles agricoles (UniLaSalle, INP Purpan, Vesoul AgroCampus…) » selon le site du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire avant d'insister que RobAgri « «collabore de façon étroite avec l’État » (5). La 3e révolution agricole semble donc être en marche, reste maintenant à connaître l'adaptabilité de ces nouveaux outils dans les territoires et les conséquences réelles de l'intégration de ces technologies dans les systèmes agricoles français. 

1: https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/agroecologie-et-numerique-l-etat-investit-65-millions-d-euros-dans-un-nouveau-programme-de-recherche-88816


2: https://www.gouvernement.fr/systemes-agricoles-durables-et-equipements-agricoles-contribuant-a-la-transition-ecologique


3 : Ces Grands défis sont des programmes publics d’investissement qui visent à développer des technologies et innovations de rupture à fort impact social et économique. Voir : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2021-11/dossier-de-presse---pia4-deux-strat-gies-d-acceleration-au-service-de-la-3e-revolution-agricole-et-de-l-alimentation-sante-14869_0.pdf

4 : https://www.robagri.fr/

5 : https://agriculture.gouv.fr/robagri-lassociation-qui-regroupe-les-acteurs-de-la-robotique-agricole-en-france

 

IMAGE A METTRE
Il faut compter approximativement 225 000 euros pour l'enjambeur (Ted) et 115 000 euros pour le chenillard (Jo).