Vente des vins de Beaune
Retour sur la vente des vins de Beaune

Florence Bouville
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Les Hospices de Beaune ont accueilli leur 163e vente des vins. Au-delà des fonds récoltés, cet événement met en avant une cause sociétale. Cette année, il s’agissait du « bien vieillir ». Un thème en résonance avec la question de la pérennité des vignes…

Retour sur la vente des vins de Beaune
François Labet, président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).

La valeur patrimoniale des Hospices de Beaune dépasse nos frontières, mais connaissons-nous l’histoire du domaine viticole ? Issu de legs et de donations, il a connu des périodes troubles, notamment à la Révolution, où bon nombre de surfaces ont été perdues. Aujourd’hui étendues sur 60 ha, 85 % des vignes cultivées s’inscrivent dans des premiers et grands crus. « Le millésime 2023 achève la conversion bio », introduit Ludivine Griveau, régisseuse du Domaine, accompagnée de son adjoint et œnologue Sébastien Lecomte. Alain Suguenot, maire de Beaune, rappelait pour sa part que « la vente de charité ne constitue pas le baromètre du vignoble », comme certains pourraient parfois le penser. De même qu’à l’échelle de la Bourgogne, il n’y a « pas forcément de corrélation entre volume et qualité des millésimes », indiquait Laurent Delaunay, président délégué du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). Le secteur étant dernièrement marqué par un « blanchissement », accompagné d’une montée en gamme des crémants.

« Tout n’était pas gagné »

Conséquence des conditions météorologiques, « mildiou et oïdium se sont donné le relais toute la saison », précisait Ludivine Griveau. Ces difficultés ont donc conduit à des « prises de décisions complexes, poursuit-elle. Au vu de tout ce qui était sur les pieds, nous avons décidé de ne garder que les meilleurs raisins ». Même s’il est toujours compliqué de dire qu’on jette des raisins, il s’agissait d’une « action nécessaire, par respect pour tous les acheteurs ». Résultat : « les cuves sont remplies de raisins d’exception », affirmait-elle. Finalement, malgré un « contexte climatique très chamboulé, les raisins ont répondu présents ». Il semble que « grâce à ce bouleversement, les vins soient devenus plus gourmands », ajoutait Laurent Delaunay. D’ailleurs, c’est un fait, « le cépage chardonnay supporte mieux les rendements, tandis que le pinot noir, davantage sensible à la chaleur, doit être poussé dans ses retranchements », expliquait Ludivine Griveau. Cette année, les vendanges du chardonnay ont débuté le 8 septembre, suivies de celles du pinot, le 11. Ainsi, 753 pièces ont été proposées aux enchères, dimanche 19 novembre, contre 817 en 2022. Parmi les 51 cuvées, 33 comportaient du vin rouge et 18 du vin blanc.

Maintien de la force du terroir

Tous les intervenants soulignaient le caractère exceptionnel de ce millésime. Autre qualificatif cité à plusieurs reprises, celui de « généreux », que ce soit en chardonnay ou en pinot noir. Pour la régisseuse du domaine, les appellations sont reconnaissables et distinguables au sein des cuvées, synonyme d’un travail réussi et du maintien de la force du terroir. Tel est donc le « plus beau compliment que l’on puisse faire à un vinificateur ». Via un pressurage des blancs réalisé sans encombre, ont été obtenus des « vins blancs équilibrés, malgré de très grandes maturités ». Au niveau des rouges, « les tanins évoquent des fruits purs qui apportent plus de netteté ». Du côté de Sotheby’s wine, société gérant la vente aux enchères, la tournée de promotion des vins dans les autres continents (à Mexico, Hong Kong, Los Angeles…) ne compte pas s’arrêter ; « il y a encore du savoir-faire à faire connaître », déclarait sa directrice générale, Marie-Anne Ginoux. L’alliance entre patrimoine historique et vins continue de faire bon ménage puisque l’Hôtel-Dieu reste le site touristique payant le plus visité de Bourgogne-Franche-Comté.

La récolte 2023 s’annonce très belle, approchant les deux millions d’hectolitres (1,9). « Les chiffres définitifs arrivent en même temps que les déclarations de récolte », rappelait Philippe Longepierre, directeur du pôle Marchés et développement du BIVB. En comparaison, la récolte 2022 était d’environ 1,75 M hl. Tous les ans, de manière raisonnée, de nouvelles vignes sont plantées : +300 ha en 2023, pour un total actuellement de 32 000 ha en production. Avec des possibilités d’extension dans les Hautes Côtes. Le Chablisien ayant désormais atteint son maximum, après avoir bien progressé. « En Bourgogne, on a besoin de stock ; les produits amenés à maturité ont un cycle long, indiquait Laurent Delaunay. Même si on a pu reconstituer des stocks […] il n’y en a pas encore assez », poursuivait le négociant beaunois. « L’espoir est là, grâce à 2023 ». Tous les acteurs de la filière notent de ce fait, « plus d’apaisement au sein de la profession ». Il n’empêche que « les marchés extérieurs manquent de disponibilités et de volumes à commercialiser ». En moyenne, l’export connaît une baisse de 5,9 % en volume et une hausse de 4,8 % en valeur. Surprise générale : le Royaume-Uni se place en deuxième position, juste derrière les États-Unis, avec un bond de 14 % en valeur. Suivi par le Japon, le Canada et la Belgique. Le recul du Canada (-22,7 % en volume et -19 % en valeur) est dû à des problèmes de logistique (abondance de stocks à écouler post-Covid). Regardé de près, le marché australien arrive, quant à lui, en 11e position. Le pays ayant beaucoup misé sur l’éducation des consommateurs, « la Bourgogne en profite », soulignait Laurent Delaunay. François Labet, président délégué du BIVB pour la famille viticulture, ne cachait pas sa « grande peur des accidents climatiques » et au même titre que d’autres interprofessions, le BIVB prépare l’avenir, en visant la neutralité carbone d’ici 2035.