Dégâts de gibier
Dégât de gibier en Côte-d'Or

Berty Robert
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Problématique récurrente de l'agriculture, la question des dégâts de gibier se heurte aujourd'hui à la limite des réponses « traditionnelles » apportées. En Côte-d'Or, on estime qu'il faut passer à la vitesse supérieure en testant d'autres voies. C'est la volonté exprimée par la FDSEA 21. 

Dégât de gibier en Côte-d'Or
Yann Frelet (en rouge, au premier plan) devant les dégâts de sangliers qui ont ravagé une bonne partie d'une parcelle ensemencée en blé fin octobre.

Entre 50 et 60 % de dégâts constatés sur une parcelle de 7 hectares : au nord-ouest de Dijon, Yann Frelet dresse ainsi la conséquence des ravages dus aux sangliers. Ce n’est pas nouveau, reconnaît ce polyculteur-éleveur dont la ferme est à Saint-Seine-l’Abbaye et qui cultive 200 hectares auxquels s’ajoutent des prairies pour ses vaches charolaises. En vingt ans, il a eu le temps d’intégrer les dégâts de gibier dans son quotidien. Cela ne signifie pas qu’il les banalise et même s’il est conscient que travailler en milieu naturel impose un certain niveau de cohabitation avec ces autres « habitants », l’alerte qu’il lance résume ce constat : le nombre de sangliers devient aujourd’hui ingérable et dans le milieu agricole départemental l’irritation monte sur ce sujet. C’est ce niveau de population de gibier qui a incité la FDSEA de Côte-d’Or à convier la presse départementale, le 21 avril, sur les terres de Yann Frelet, afin de rendre concrète l’épreuve que ces dégâts représentent. Pour Fabrice Genin, président du syndicat et Thierry Besançon, en charge de la commission Dégâts de gibier au sein de la structure, il est évident qu’on ne peut plus agir face à ce fléau de manière timorée.

Des pertes substantielles

Selon Yann Frelet, d’une année sur l’autre ces dégâts – dus en majorité aux sangliers, mais aussi aux cervidés- représentent des pertes comprises entre 5 000 et 15 000 euros. Il faut faire bouger les lignes, face à l’interlocuteur central de cette problématique : la Fédération des chasseurs. Les indemnisations de dégâts pèsent de plus en plus sur ses finances et l’on est proche, aujourd’hui, d’une situation de blocage. Il faut donc avancer et pour cela, briser les cadres traditionnels qui structurent les tentatives pour trouver des solutions à ces problèmes récurrents. Dans ce contexte, la FDSEA 21 n’était pas venue les mains vides. Elle avait la volonté de médiatiser et ainsi de soumettre à débat des propositions, détaillées par Thierry Besançon : le recours à des stratégies de piégeage, l’autorisation de tirs de nuit, l’élimination de laies… « En temps normal, précisait-il, on peut parvenir à gérer, mais là, les populations de sangliers ont atteint un tel niveau que ce n’est plus possible et comme les fédérations de chasse ont de plus en plus de mal à assurer le paiement des indemnisations, à terme, c’est le contribuable qui risque de payer. Le but n’est pas d’exterminer les sangliers, mais de ramener la population à un niveau gérable ». Sans compter qu’au-delà des dégâts dans les cultures, ces animaux, qui s’introduisent parfois dans les exploitations, représentent un risque sanitaire potentiel pour les troupeaux.

Des pistes émergent

La visite de terrain du 21 avril a été suivie de plusieurs réunions, avec la DDT et la préfecture. Il en est ressorti des choses intéressantes. « Nous avons réclamé, poursuit Thierry Besançon, une plus grande vigilance sur les « points noirs » du département où les chasseurs devraient agir plus efficacement et accentuer la pression de la chasse. Nous n’avons pas à nous mêler des modes de gestion de la chasse interne à la fédération, mais nous en subissons les conséquences ! Nous avons le soutien du préfet sur nos demandes. C’est d’autant plus important dans le contexte actuel ou la destruction de matière première par du gibier va à l’encontre des besoins d’augmentation de production qui s’expriment ». Animés par la volonté d’être constructifs, les représentants syndicaux ont avancé plusieurs propositions innovantes qui ne semblent pas avoir éveillé trop de réticences chez les chasseurs : « il y a le piégeage par filet, qui fonctionne dans les Landes. Il y a aussi les tirs de nuit, par des agriculteurs chasseurs, ou délégués à d’autres personnes, soumis à arrêté préfectoral et qui se pratiquent chez nos voisins de l’Yonne ou de la Haute-Marne. La fluidification de l’attribution des bracelets pour les sangliers est actée, et enfin, il y a la possibilité de tuer les laies ». Seule la question de l’agrainage reste encore la pierre d’achoppement entre chasseurs et agriculteurs : les premiers y voient le moyen de fixer le gibier, et donc de l’empêcher d’aller saccager les cultures, quand les seconds considèrent que ce n’est ni plus ni moins qu’une forme d’élevage ne fait faisant qu’amplifier les menaces sur leurs champs. Néanmoins, les rencontres de ces derniers jours laissent penser qu’une amélioration de la situation est possible. La FDSEA21 ne veut pas perdre une minute sur la question, souhaitant que les solutions alternatives évoquées puissent être mises en place très tôt, avant les moissons ou, au pire, à l’automne.