Forêts privées
Un état des lieux inquiétant

Propos recueillis par AG
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Le syndicat des forestiers privés de Côte-d’Or a tenu son assemblée générale le 14 avril à Selongey. Bon nombre de sujets ont été abordés : l’état sanitaire des forêts, le risque d’incendie, la chasse, les cours du bois ou encore la tenue d’Euroforest. Le président Joseph de Bucy fait le point dans cette interview.

Un état des lieux inquiétant
« La conjoncture économique est favorable depuis 18 mois, mais plusieurs sujets nous interrogent sur l'avenir de nos forêts », indique Joseph de Bucy.

Quelle est la situation sanitaire des forêts ?

Joseph de Bucy : « L’état des lieux que nous dressons est inquiétant. En raison du changement climatique, nous n’avons jamais rencontré autant de problèmes sur nos propriétés. L’épicéa, pour commencer, connaît une crise sans précédent avec les attaques de scolytes. Ces insectes, qui apprécient les températures plus élevées, sont responsables de plusieurs millions de m3 abattus dans le Grand-Est et dans notre région depuis 2019. Avec tous ces volumes sur le marché, les cours de l’épicéa ont forcément été tirés vers le bas, leur valorisation a été difficile. Dans certains cas, des forestiers ont même donné leur bois pour que celui-ci soit emporté… En effet, les insectes continuent à prospérer tant que les grumes ne quittent pas la forêt : il ne faut pas tarder pour les faire partir. Le problème des scolytes ne semble pas terminé : les épicéas situés en altitude, là où les conditions sont a priori moins favorables aux insectes, connaissent à leur tour des attaques… Le hêtre, lui, nous préoccupe tout autant : la sécheresse des sols et la chaleur l’impactent considérablement, certains spécialistes prédisent même sa disparition de nos forêts à l’horizon 2050. D’autres essences souffrent avec le changement climatique, je pense notamment au chêne. La maladie de la suie de l’érable commence à faire parler d’elle… Les inquiétudes sanitaires sont donc nombreuses. Que faire dans une telle situation ? Il n’y a pas grand-chose à envisager à part replanter. À ce titre, nous saluons le dispositif du plan de relance qui a permis d’octroyer 200 millions d’euros aux forestiers à l’échelle nationale. D’autres fonds importants sont désormais proposés dans le cadre du plan France 2030 ».

 


Le SDIS est intervenu lors de votre rendez-vous, pour quelle raison ?

Joseph de Bucy : « Le risque d’incendie préoccupe l’ensemble de nos adhérents, les départs de feu sont malheureusement de plus en plus fréquents chaque année. La vulnérabilité de nos forêts est un dossier sur lequel de nombreux acteurs s’activent depuis un petit moment. La sénatrice Anne-Catherine Loisier se montre notamment très investie dans le domaine, avec un projet de loi qui a été déposé au Sénat. La venue du SDIS lors de notre assemblée a été l’occasion d’échanger avec ses représentants et d’étudier les pistes à améliorer. L’une d’elles s’intéresse à l’intervention des pompiers : tout doit être mis en place pour faciliter leurs actions et leurs déplacements. Une cartographie remise entre leurs mains dès leur arrivée pourrait être source d’efficacité. Un réseau d’informateurs pourrait être aussi constitué en amont, pour gagner du temps sur cette même intervention. Sur un plan plus technique, certaines voies d’accès aux parcelles mériteraient sans doute d’être réaménagées pour faciliter le déplacement des pompiers, je pense notamment aux places de retournement. Un tas de choses sont à étudier et à imaginer tous ensemble ».

 


La chasse était aussi à l’ordre du jour. Quels sont les sujets d’actualité ?

Joseph de Bucy : « Nos rapports avec la Fédération des chasseurs sont parfois compliqués. En effet, les chasseurs aiment bien avoir beaucoup de gibier, mais ce n’est pas toujours le cas des forestiers, surtout lorsqu’il y a des plantations… Notre volonté est bien souvent de voir augmenter le nombre de bracelets attribués. Une espèce comme le cerf, il faut le savoir, est en capacité de faire d’énormes ravages dans nos forêts. Une harde de grands animaux est toujours très difficile à gérer. Le chevreuil, lui, est plus sédentaire et les problèmes qui lui sont attribués sont plus facilement maîtrisés. La question de l’agrainage du sanglier a été une nouvelle fois discutée : nos points de vue divergent sur ce dossier. Mais il est bon de rappeler que les forestiers, tout comme les agriculteurs et les représentants de l’État, se sont opposés au dernier schéma cynégétique proposé par la Fédération des chasseurs. Vouloir maintenir l’agrainage nous paraît illusoire, les populations n’ont fait qu’augmenter depuis que cette pratique s’est en quelque sorte démocratisée. Dans le même temps, les jeunes chasseurs se sont habitués à voir beaucoup de gibier… Je pense que nous continuons d’aller au-devant de grandes difficultés avec ce dossier de la chasse, d’autant que les populations de chasseurs, elles, ont tendance à diminuer ».

 


Quels ont été les autres sujets abordés ?

Joseph de Bucy : « Malgré tous ces sujets préoccupants, nous devons reconnaître que la conjoncture économique est très favorable en ce moment, avec notamment des prix du chêne qui ont nettement augmenté. Pendant des années, nous vendions nos productions à des prix dérisoires, mais la donne a bien changé. Les problèmes d’exportation des grumes ne sont qu’un des éléments d’explication, la demande grandissante venant de la tonnellerie en est un autre. Le prix du douglas et d’autres essences en profitent également. Sans être exhaustif dans l’actualité de notre syndicat, il y a aussi Euroforest qui se profile. Je profite de l’occasion pour donner rendez-vous ! Ce salon forestier fêtera sa huitième édition du 22 au 24 juin à Saint-Bonnet-de-Joux, dans le sud de la Saône-et-Loire. Pas moins de 400 exposants seront présents. Notre syndicat sera aussi de la partie. Un débat public avec des environnementalistes sera notamment au programme ».

 

Des missions multiples

Le syndicat des forestiers privés de Côte-d’Or compte 450 adhérents, propriétaires d’une superficie totale proche de 50 000 ha. Adhérer présente de nombreux avantages pour chacun, comme l’indique Joseph de Bucy : « nos adhérents sont tenus au courant des différentes orientations et décisions prises par l’État, la Région ou encore le Département, en faveur ou au détriment de nos forêts privées. Le syndicat défend bien entendu les intérêts de ses adhérents en cas de problèmes rencontrés sur le terrain. Dans ce même registre, nous proposons une assurance responsabilité civile de groupe : celle-ci permet d’être assuré à moindres coûts. Rappelons-le ici, il est très important d’être assuré. Un exemple parmi tant d’autres : si quelqu’un pénètre en voiture dans votre forêt et qu’un arbre lui tombe dessus, vous êtes responsable et ce, même si des panneaux sont installés à l’entrée… Un autre exemple, en lien avec l’actualité et l’installation de la fibre : si un arbre tombe sur les fils concernés et écrase tout, le remplacement sera très coûteux. Ce dossier est d’ailleurs compliqué à gérer et est actuellement étudié par notre fédération nationale ». Joseph de Bucy ajoute d’autres missions du syndicat : « nous jouons également un rôle de conseil et de vulgarisation auprès de nos adhérents, des journées de rencontres peuvent être organisées avec la participation du CNPF de Bourgogne-Franche-Comté. Notre syndicat intervient également au sein des CDCFS, les commissions départementales chasse et faune sauvage, en jouant un rôle dans les attributions de bracelets de gibier. Cette participation est très importante, elle l’est davantage quand des dégâts sont à déplorer dans nos forêts ».