Coopérative Bourgogne du Sud
Embarquement réussi, mais gare aux turbulences

Cédric Michelin
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Le 6 décembre à Beaune, Bourgogne du Sud donnait à son assemblée générale une ambiance d'aéroport, pour prendre de la hauteur sur une année 2024 difficile. La coopérative a aussi lancé le chantier du plan BDS 2030.

Embarquement réussi, mais gare aux turbulences
A Beaune, l'assemblée générale de Bourgogne du Sud prenait cette année des airs d'aéroport.

Plus de 500 adhérents étaient présents pour ce « vol inaugural » organisé le 6 décembre au palais des congrès de Beaune, avec pour pilote exceptionnelle, Virginie Guyot, première femme de l’histoire à diriger la patrouille de France en 2010. Mais avant de faire des loopings, des piqués acrobatiques ou se préparer à faire la guerre sur un Rafale de l’armée de l’air, la pilote de chasse assistait à une assemblée générale plus proche d’un vol civil en première classe. Il fallait même attacher sa ceinture selon une hôtesse de l’air virtuelle, produite par une intelligence artificielle (IA). Bourgogne du Sud et ses adhérents ont été bien secoués par de fortes turbulences sur l’exercice 2023-2024. Le directeur général, Bertrand Combemorel, ne cachait pas une baisse du chiffre d’affaires de 16 % à 278,40 M€. La faute à une collecte des céréales en diminution et à la chute des prix sur les marchés internationaux. Les chiffres de l’approvisionnement sont également en baisse de 7 % mais là, c’est une bonne nouvelle due à la baisse du coût des engrais. Les principales turbulences sont venues, comme l’expliquait le président, Lionel Borey, d’une année pluvieuse historique qui a « cumulé 1 200 mm d’eau de façon très régulière et même jusqu’à 1 500 mm, au lieu de 850-900 en année normale », impactant les trois métiers : la collecte estivale, en partie compensée par celle d’automne, la qualité des fourrages en élevage et une pression sur la vigne entraînant des niveaux disparates en quantité de vendanges. Résultat : le chiffre d’affaires phytos est en hausse. Pas une bonne nouvelle donc, amplifiant l'effet ciseau des charges pour les adhérents. 

12 euros/t en plus de charges

La coopérative fait face, elle aussi, à des hausses de charges. « 12 €/t qui ne sont malheureusement pas renvoyés à nos adhérents », regrettait Lionel Borey, qui saluait pourtant l’implication de tous les salariés pour les contenir et accompagner les agriculteurs. Dans le détail, ces charges représentent + 5 €/t d’électricité, + 5 €/t de charges financières et + 2 €/t pour le réglementaire. « Mais ce n’est rien par rapport aux difficultés de trésorerie de nos coopérateurs, quelle que soit leur production », relativisait Bertrand Combemorel, voyant par exemple la baisse des ventes du matériel de palissage ou de plantation en vigne, comme un retard irrattrapable pour les vignerons à l’avenir. La coopérative aura collecté 539 177 t, dont 226 454 t de blés et 167 146 t de maïs. Orges (62 446 t), colza (28 680 t), soja (24 221 t) et tournesol (19 076) suivent. L’activité élevage continue son développement (47 M€) tout comme l’activité grand public (Gamm Vert, marque Nous Autrement…) à 23 M€. À plein régime, la filiale Extrusel à Chalon-sur-Saône, fait le lien entre toutes ses activités, avec ses tourteaux non-OGM tracés en local et ses huiles alimentaires. 

500 nouveaux coopérateurs

2023-2024 aura aussi été marquée par une évolution du territoire de la coopérative. Lorsque le conseil d’administration a appris la liquidation judiciaire d’Avéal, coopérative basée à Charolles, Bourgogne du Sud avec ses consœurs de la Loire et de l’Allier, et son partenaire Nicot-Philicot pour la partie usine d’aliments, a proposé un projet de reprise économique, pour notamment optimiser les flux logistiques de chacun et conserver un maximum de salariés. Le tribunal de Mâcon a salué « l’expertise » de cette offre en un temps contraint et l’a acceptée, permettant l’arrivée de 500 nouveaux coopérateurs. En conséquence, Bourgogne du Sud s’est également réorganisé pour passer à neuf sections territoriales. Au-delà de cette reprise partielle du secteur d’Avéal, Lionel Borey élargissait la réflexion sur les investissements « stratégiques pour une base solide et pérenne de nos métiers dans la période actuelle ». En tant qu’administrateur Fop (association spécialisée des oléoprotéagineux de la FNSEA), il faisait un retour des négociations au plus haut niveau européen et mondial. En ce jour où la Commission européenne signait l’accord entérinant les négociations avec les pays du Mercosur, Lionel Borey attirait l’attention sur les négociations pour un élargissement de l’Europe visant à intégrer l’Ukraine. « L’Europe prépare le terrain pour 2035, mais l’impact serait, pour nous, dès la prochaine Pac en 2028 », alors que personne ne connaît l’issue de la guerre, et encore moins avec le retour de Trump à la tête des États-Unis. En termes de production, « cela changerait complètement la dimension agricole de l’Europe ». La crainte est de voir rentrer un redoutable concurrent avec de probables conséquences sur les aides surfaciques Pac. À côté, la révolution de l’intelligence artificielle fait moins peur. Car avec Alliance BFC (recherche), la collecte, le traitement et la valorisation des données nécessaires pour les programmes informatiques IA se font presque aussi naturellement que des céréales pour Cerevia, Logivia, Selvah et autres unions de coopératives « pour garder en compétitivité et gagner en efficience au quotidien » dans toutes les structures coopératives et chez les adhérents.

Embarquement pour le vol BDS-30

Filant la métaphore aéronautique, le président de Bourgogne du Sud lançait « l’embarquement immédiat » pour le vol BDS-2030 pour « prendre de la hauteur vers l’horizon 2030 » sans savoir s’il s’agira encore de vols « civils, militaires ou de loisirs ». Même si tous les agriculteurs aiment leur métier et préféreraient sans doute planer tranquillement, sans aléas climatiques, il sait qu’il y a toujours de la voltige qui met à rude épreuve les chefs d’exploitations. Lionel Borey veut donc construire un « gros-porteur pour embarquer tout le monde », sans être naïf, avec aussi « un porte-avions et des avions militaires pour être armé face à tout ce qui peut nous arriver ».