La moisson des présidents
Une moisson correcte, mais bien en dessous des attentes

Christopher Levé
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Durant un mois, Terres de Bourgogne est allé à la rencontre des présidents d’organismes agricoles de l’Yonne, pour parler moissons. Rendements, qualité, prix… tous les sujets sont abordés. Pour ce quatrième et dernier volet, c’est à Avallon que cela se passe, avec Charles Baracco, président des JA 89.

Moisson
Une fois de plus, les moissons sont hétérogènes cette année.

Pour ce dernier volet de notre série « la moisson des présidents », Charles Baracco, président des JA de l’Yonne et agriculteur à Avallon, a accepté de partager avec nous son ressenti sur la récolte 2023. Et ce n’est un secret pour personne, une nouvelle fois, « les moissons sont très hétérogènes dans l’Yonne », affirme-t-il. « C’est aussi le cas dans l’Avallonnais. En blé, cela va de 40 à 75 q/ha (une moyenne à 65 q/ha pour ce dernier et son associé, ndlr). Au niveau du colza, c’est décevant. On est en dessous des moyennes des cinq dernières années, entre 20 et 30 q/ha. La bonne surprise porte sur les orges d’hiver, qui sont dans leur moyenne. J’ai l’impression que sur les terres à faible potentiel, la récolte n’est pas trop mal cette année, dans le secteur ».
Pour le polyculteur éleveur, la moisson est décevante, mais pas catastrophique. « Au vu des cultures qui étaient pour la plupart magnifiques, on s’attendait vraiment à mieux», assure Charles Baracco.
Désormais, les moissons sont terminées dans l’Yonne, en attendant les maïs et les tournesols. Qu’en est-il d’ailleurs de ces cultures à l’instant T ? « Elles ont besoin d’eau », constate-t-il. « Là, on est à la fleur pour le maïs et c’est ce qui va conditionner la quantité de grains. Pour l’instant, il n’y a pas d’eau et c’est assez inquiétant. C’est sensiblement la même chose pour les tournesols, qui ont du mal à lever. Dans le secteur, je ne connais pas de très jolies cultures de printemps. Au mieux, elles sont moyennes pour le moment ».

Des charges « démentielles »

Lors des trois précédents volets de notre série, nous demandions à Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne, Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne et Damien Renoux, président de l’UPVY, si l’inquiétude pour l’économie des exploitations pour les années à venir, exprimée il y a un an, avec les prix des intrants qui avaient flambé à la suite du conflit russo-ukrainien, était toujours d’actualité. Charles Baracco répond. « On savait qu’on allait acheter cher mais quid des prix de ventes des céréales ? Aujourd’hui, on est en plein dedans. Nos charges sont connues, elles sont largement plus élevées que la moyenne des cinq dernières années. En ce qui concerne les prix de vente, on est sur des moyennes hautes en prenant en compte ces cinq mêmes dernières années. Le seul souci, c’est qu’ils ne couvrent pas entièrement les charges », constate l’agriculteur. « Aujourd’hui, on a un blé à 220 €/t. Il y a trois ou quatre ans, tout le monde aurait engagé son blé à ce prix-là. Mais au vu des charges qui sont les nôtres aujourd’hui, il faudrait plutôt que le blé dépasse les 250 €/t voire qu’il frôle les 300 €/t. On serait beaucoup mieux. Car il n’y a pas que les charges d’approvisionnement qui ont augmenté. Les charges de structure dans leur ensemble sont démentielles. Les charges de mécanisation ont explosé, les taux bancaires également. C’est une année qui peut faire basculer encore plus dans le rouge une exploitation déjà fragilisée ». Pour Charles Baracco, « il va falloir suivre la gestion de nos exploitations au millimètre pour essayer de passer cette année compliquée, en vue d’une année 2024 où on commence déjà à connaître des charges qui ont diminué. L’objectif est de limiter la casse cette année et espérer que les cours restent hauts en 2024 pour équilibrer les comptes ».

Qu'en est-il du reste du département ?

Outre l’Avallonnais, Charles Baracco a demandé à ses présidents de canton (pour les JA 89) de lui donner une vision des récoltes sur l’ensemble du département. « Des retours que j’ai, il se dit que dans l’Auxerrois, la moisson est très moyenne, avec des colzas qui vont de catastrophique à moyen. Le blé est en dessous de la moyenne au niveau des rendements. Quant à l’orge de printemps, elle est catastrophique en qualité mais les rendements sont plutôt corrects. Pour l’orge d’hiver, c’est plutôt bon.
Dans le nord de l’Yonne, il y a une bonne surprise en orges d’hiver et en blé. Au niveau du colza, on est sur une année moyenne.
En Puisaye, les céréaliers sont plutôt contents en ce qui concerne les orges d’hiver où la qualité est au rendez-vous. La déception se porte sur les colzas. Quant aux blés, cela va de 50 à 80 q/ha. C’est donc très hétérogène. Cela varie suivant les profondeurs des terres, les réserves en eau, ceux qui ont eu les orages et ceux qui n’en ont pas eu.
Enfin, sur le Tonnerrois, les rendements sont là encore très hétérogènes selon les types de terre et les orages. La moisson avait l’air prometteuse mais on est plutôt sur une moyenne basse que ce soit en orges d’hiver, en colza et en blé ».