Le 10 mai dernier, l'association de solidarité internationale, Agriculteurs français et développement international (Afdi) tenait son assemblée générale.

Afdi : une vision internationale
Durant la rencontre, de nombreuses interventions sont revenues sur la définition du mot « local » qui selon certains s'exprime en dizaine de kilomètres, par région pour d'autres ou encore par pays.

Durant l’assemblée générale de l’association de solidarité internationale, Agriculteurs français et développement international (Afdi), c’est une vision d’ensemble qui a été dépeinte par les différents intervenants à la table ronde ayant pour thème : Circuits courts au Nord comme au Sud, quels enjeux ?

Localement

Afin que ce sujet soit ancré localement, les élèves en BTS PA 2 du lycée Nevers-Challuy furent invités à présenter les résultats de leur enquête sur la viande bovine en circuits courts dans la Nièvre via des réponses collectées auprès d’éleveurs, de bouchers, de consommateurs, GMS ou encore de restaurateurs. S’ils regrettent de n’avoir pas eu autant de réponses que désiré, certains constats se sont tout de même dessinés. Ainsi, ont été mis en lumière l’opposition entre circuits courts et hard discount, l’importance de la communication pour que les circuits courts soient rentables, le circuit court synonyme de qualité en termes d’image ou encore de respect du bien-être animal, le retour aux habitudes d’approvisionnement en GMS après le confinement délaissant, de ce fait, les circuits courts, le caractère contradictoire des réponses, en particulier des consommateurs, par rapport à leurs actes d’achat et enfin la définition floue d’un produit dit « local ».

Des outils

Face à cela, les intervenants de la table ronde étaient conviés à réagir. Christelle Martin, responsable de pôle Diversification – Formation à la Chambre d’agriculture de la Nièvre a expliqué qu’en « France divers canaux de communication permettent de regrouper les informations pratiques des producteurs afin de leur offrir une bonne visibilité auprès du grand public, comme J’veux du local ou encore Bienvenue à la ferme ». Amélie Vincent, présidente du Drive Fermier 58 a insisté sur le fait que : « pour réaliser des projets communs, comme le Drive fermier, il faut une véritable volonté des participants et des consommateurs. Sans ces deux ingrédients, c’est souvent voué à l’échec ». De son côté Maxime Albert, chargé de mission Alimentation de proximité au Conseil départemental de la Nièvre, rebondit : « les ateliers de transformation, les outils d’abattage locaux ou encore les initiatives comme le Drive fermier sont une des clefs pour réussir le Plan Alimentaire Territorial (PAT) qui a pour but de développer la consommation des Nivernais en produits locaux en vue d’augmenter les productions agricoles et alimentaires ». Pour rappel, ce PAT est engagé depuis environ 4 ans dans la Nièvre.

Au Sud

La table ronde a également donné lieu à l’intervention de l’union de coopérative laitière Rofama, partenaire d’Afdi dans le Sud de Madagascar, qui valorise de lait de ses éleveurs membres à travers la transformation et la commercialisation locale de ses produits. C’est important de le mentionner pour parler d’une AG d’Afdi. Quelques éléments : l’objectif premier de Rofama est une meilleure rémunération des éleveurs via son activité et le lait étant un produit cher, l’union vise une clientèle assez aisée mais également la restauration et l’hôtellerie. Face à la prépondérance du lait en poudre dans les usages, Rofama table sur un lait local et authentique pour séduire la clientèle, friande de produits laitiers artisanaux. Les facteurs de réussites de Rofama sont sa cohésion coopérative grâce au suivi des éleveurs, le sens du collectif de ses dirigeants, son contrôle-qualité et ses campagnes de communication via des canaux variés (radio, TV, foires, brochures). Ses problématiques sont la faible productivité des vaches et le grand écart de collecte entre saison des pluies et saison sèche, faute de fourrage.

Définir ses désirs

Pour Joël Magne, retraité de l’enseignement agricole du lycée agricole Marmilhat (63370 Lempdes) et vice-président Afdi Aura (Agriculteurs Français et Développement International Auvergne Rhône-Alpes), « la grande question que ce soit au nord ou au sud reste : que désire-t-on vraiment ? Entre une sécurité alimentaire, une autosuffisance alimentaire ou une souveraineté alimentaire ? » avant d’ajouter : « La troisième impliquant les deux autres ainsi que la dimension socioculturelle propre à chaque nation, en préservant le patrimoine des terroirs et le dynamisme des territoires ». Il a ainsi rappelé « l’importance des agricultures familiales pour concourir à cette souveraineté alimentaire et les limites de l’agriculture de firme quand elle est synonyme de standardisation, de spéculation court-termiste et de domination économique ».

L’agriculture partout

Il poursuit : « il faut reconnaître que le paysan est noble partout et qu’il peut nourrir sa population. Si on met de l’agriculture dans chaque petite région du monde, dans chaque village, etc., il y aura forcément un circuit court qui se mettra en place. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de soutenir des projets de développement agricole, en France, ou dans les pays les plus pauvres, comme le fait le réseau Afdi depuis sa création. Aujourd’hui, nous allons nous heurter à une crise alimentaire mondiale, et il est nécessaire de repenser tout le système. Et, dans ce changement, le Sud a beaucoup à nous apprendre, sur le changement climatique notamment que les exploitants expérimentent depuis des dizaines d’années. Il y a une diversité d’agriculture qu’il faut mettre en avant afin de réfléchir, ensemble, aux problématiques qui s’imposent pour trouver des solutions ». Stéphane Aurousseau, animateur de la table ronde pour l’occasion, conclut : « Pour reprendre les mots d’André Valadier (qui s’est battu avec ses pairs pour la préservation et la mise en valeur des productions de l’Aubrac), il faut rassasier, réjouir, rassurer et j’irai plus loin en disant qu’il faut réparer… C’est-à-dire, réparer la relation du consommateur à son repas via l’éducation et la sensibilisation, à cette cérémonie du repas où l’on dégustait les aliments en prenant son temps. Une fois que ces quatre points seront remplis, on aura gagné un pari : nourrir tout le monde avec des produits du coin ».

Réflexions

Les échanges ont aussi porté sur la définition du terme « local », en termes de géographie ou de nombre d’intermédiaires mais également en termes relationnels : cette « proximité de coeur » et ce lien de confiance entre consommateurs et monde agricole que beaucoup recherchent dans les circuits-courts. Enfin, les échanges se sont intéressés aux perspectives d’évolution des circuits courts dans le contexte international actuel, où la souveraineté alimentaire réapparait comme un enjeux de sécurité nationale et communautaire. À quelles échelles territoriales penser la souveraineté et les échanges agroalimentaires et avec quelles logiques de production, d’approvisionnement et de commercialisation ?