Betteraves
Il reste encore du chemin à parcourir

Christopher Levé
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Début avril, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Agriculture, a annoncé qu'une dérogation serait octroyée afin que les betteraviers puissent utiliser le produit Movento pour lutter contre les pucerons lors de trois traitements (contre deux jusqu'alors), avec la possibilité d'avoir deux passages supplémentaires d'autorisés si la situation le justifie. Cependant, alors que le risque de jaunisse est au plus fort cette année, la CGB estime que cette annonce est insuffisante.

Betteraves
Avec les retards dans les semis, le risque de jaunisse, à cause des pucerons, inquiète fortement les betteraviers cette année (photo : CGB Champagne Bourgogne).

Lors de son déplacement dans le Nord, le vendredi 5 avril, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Agriculture, a annoncé qu’une dérogation serait octroyée aux betteraviers pour qu’ils puissent utiliser le produit Movento (spirotétramate) pour lutter contre les pucerons lors de trois traitements (contre deux jusqu’alors), avec la possibilité d’avoir deux passages supplémentaires d’autorisés si la situation le justifie.
Cependant, la CGB, qui a alerté dès le 25 mars du risque de jaunisse très important pour 2024, estime que la réponse apportée est insuffisante.
Pour Sébastien Roger, vice-président de la délégation Yonne de la CGB Champagne Bourgogne, et planteur à Lixy, « c’est un premier pas que le gouvernement reconnaisse, et ça n’a pas toujours été le cas, qu’on a un réel problème avec les pucerons, qui sont de vrais nuisibles pour les betteraves, surtout dans le contexte de cette année avec une alternance entre les pluies et le beau temps qui a engendré beaucoup de retard dans les semis. Là, on a un mois de retard dans les semis et certains ne sont pas encore terminés. Il est prévu que les pucerons arrivent lors de la dernière semaine d’avril, le risque est donc que les betteraves soient toutes petites, sortent à peine de terre, et seront donc très sensibles aux pucerons et au développement de la jaunisse. Et si la plante est trop petite, les produits ne seront pas efficients ».
D’autant plus que le produit Movento, seul produit autorisé en France, a une efficacité de seulement de l’ordre « de 30 à 40 % », d’après les betteraviers, avec un coût assez élevé. Pour rappel, en 2020, trois traitements de Movento avaient déjà été autorisés avec des résultats plus que contestables puisque 30 % de rendements en moins, en moyenne, ont été constatés en France et jusqu’à 70 % de perte de rendement recensées pour les parcelles les plus touchées dans l’Yonne.
« Aussi, il faut compter environ 50 €/ha par passage », indique Sébastien Roger. « Si on fait cinq passages, cela fait 250 €/ha, ce qui représente l’équivalent, en termes de coût, d’environ 7,5 tonnes de betteraves récoltées ».
Sans compter qu’avec l’utilisation d’un seul produit, les betteraviers craignent que les pucerons développent une résistance au produit. « C’est pour cela qu’on demande de pouvoir utiliser plusieurs molécules pour éviter qu’à terme toute la population des pucerons devienne résistante au produit. L’alternance des produits permet d’éviter cela », assure Sébastien Roger.

Une concurrence déloyale dénoncée

Pour Didier Renoux, président de la délégation Yonne de la CGB Champagne Bourgogne, la demande du syndicat est simple : « C’est d’arrêter les distorsions de concurrence. On souhaite être traité comme l’ensemble des producteurs européens, à savoir pouvoir utiliser les deux molécules efficaces contre les pucerons (acétamipride et flupyradifurone) encore autorisées par l’UE (alors qu’elles sont interdites en France) ». « Aujourd’hui, on interdit à la France d’utiliser ces produits mais on continue d’importer du sucre d’autres pays européens produit avec ces mêmes produits. Ce n’est pas logique », ajoute Sébastien Roger.
Il continue : « Suite aux mouvements de contestation de la part des agriculteurs en ce début d’année, il y a eu un certain nombre de demandes qui ont été faites au gouvernement. Ce dernier avait annoncé : « Pas d’interdiction sans solution ». On considère que le retrait total en France de l’ensemble des familles de néonicotinoïdes (NNI) avant la fin de leur autorisation de mise sur le marché au niveau de l’UE constitue encore, pour les betteraviers français, une concurrence déloyale, puisqu’aujourd’hui on n’a pas de matière active et ou d’autres solutions alternatives aussi efficaces et économiquement viables que pouvait l’être les NNI ».
Didier Renoux reprend : « Nous ne demandons pas plus que de transformer les « belles » annonces du Président Emmanuel Macron et du Premier Ministre Gabriel Attal, tenues pendant les mobilisations agricoles, en acte concret. L’État devra assumer toutes les conséquences de son inaction en cas de crise majeure ».
Il faut rappeler que le jeudi 19 janvier 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait décidé de refuser toute nouvelle dérogation des États membres à l’interdiction des NNI en traitement de semences. Si la France, elle, était favorable à une troisième dérogation pour 2023, elle n’a cependant pas souhaité aller à l’encontre de la décision européenne.
Si aujourd’hui des recherches sont en cours pour trouver des alternatives aux NNI, avec une vraie efficacité, « les prémices de solutions n’ont pas encore les résultats attendus dans les champs », conclut Sébastien Roger.