La 15e édition du Trophée national des viandes d'excellence récompensera le 22 septembre prochain les bouchers particulièrement engagés en faveur des viandes label Rouge et IGP ; cette année un Nivernais est sélectionné. 

 

La qualité sinon rien
Raphaël Gaulier, 26 ans et employé à la Boucherie Dulat, ira à Pau le 22 septembre pour peut-être récupérer un prix au nom de l'établissement. À gauche en photo à côté d'Eric Dulat.

« Je ne sais pas encore si j’obtiendrai un prix, mais, ne serait-ce que faire partie de la sélection est une belle reconnaissance du travail de mon équipe et du mien ainsi que de celui des éleveurs qui nous fournissent » souligne Eric Dulat, boucher-charcutier-traiteur-restaurateur à Nevers (20 rue du 13e de Ligne) et sélectionné, pour la Bourgogne Franche Comté (en Porc Fermier Label Rouge Plein Air), au Trophée national des viandes d’excellence.

Rappel

Ce trophée récompense l’engagement les boucheries artisanales ainsi que de grandes et moyennes surfaces (GMS) impliquées dans la promotion et la commercialisation des viandes Label Rouges et/ou d’Indication Géographie Protégée (IGP) – bœuf, veau, agneau, porc.

Changement

Si Eric Dulat fait partie des élus de cette édition, il précise tout de même : « autrefois, je ne proposais pas à ma clientèle de Porc Fermier Label Rouge Plein Air. Mais, le porc de mes étals était de moins en moins qualitatif et les ventes s’amenuisaient au fur et à mesure sur ce produit. J’ai alors demandé à mes clients si un passage au Label, et donc forcément avec une augmentation du prix d’achat (de près de 50 %) et donc du prix de vente (25 %), ne les dérangerait pas. Pour moi, il était indispensable d’avoir leur avis sur la question afin de définir si un marché existait pour un tel produit. La réponse de leur part a été simple : si la qualité est meilleure, nous sommes prêts à payer plus cher. Depuis le passage au Label, nous avons eu une hausse du volume vendu ; force donc est de constater que si la qualité est au rendez-vous, les ventes aussi ». Actuellement, pour le porc, il se fournit auprès de Hassenforder près de Moulins (03),

Financement

Si l’augmentation du prix était donc un passage obligé, Eric Dulat est en accord avec cela : « les éleveurs doivent pouvoir vivre de leur métier. Comme nous autres bouchers, ils font ce métier par passion. Si cela ne peut pas les rémunérer, que deviendra cette filière. De plus, la qualité de leur production se détermine par divers biais : l’alimentation de leurs animaux, les conditions d’élevage, l’attention portée aux bêtes… autant de points qui méritent d’être rémunérés s’ils sont bien faits ». Cette exigence de qualité, Eric Dulat l’applique également au reste de sa marchandise.

Fournisseurs

« Je travaille avec une dizaine d’éleveurs réguliers, et une vingtaine plus ponctuellement. Je choisis ma viande sur pied. Je ne conçois pas mon métier autrement que de proposer un bon produit. Pour ce faire, il faut obligatoirement connaître sa provenance ou encore la manière dont il a été façonné ! ». Pour s’approvisionner (hors porc), Eric Dulat travaille avec des éleveurs nivernais car : « pourquoi aller chercher ailleurs ce que l’on a ici et qui est bien ? ». Une question simple mais qui résume l’état d’esprit de ce boucher multicasquettes.

Changement

En effet, si Eric Dulat est boucher de formation, il ne s’est pas arrêté là : « le métier de boucher s’est métamorphosé depuis quelques années. Désormais, nous sommes aussi charcutiers, afin de valoriser tous les morceaux de l’animal – comme nous les avons entiers. En plus de cette activité, nous proposons nos services de traiteur (pour les plats à emporter et les événements type mariage) et de restaurateur, pour un complément d’activité».

Le resto du boucher

« À la différence d’un restaurant qui passe par un chevillard pour s’approvisionner, nous n’avons pas d’animaux de réforme, car nous choisissons nos bêtes. Mine de rien, cela a une incidence sur la qualité de la viande proposée. Ceci dit, je ne voulais pas non plus faire du gastronomique, car cela n’est pas notre métier. Je voulais simplement proposer de la bonne viande dans un restaurant à un prix abordable ». Côté carte, les clients peuvent retrouver l’entrecôte, des burgers, la côte de bœuf, le tartare… « je change la carte en fonction de mes envies, car on ne va pas se mentir, la restauration est un monde égoïste » s’amuse Eric.

Rien sans rien

Pour en arriver jusque-là, Eric a suivi des opportunités : « J’ai commencé à travailler à 16 ans. Puis j’ai été employé dans presque toutes les grandes enseignes (Carrefour, Intermarché, Auchan, etc.) pendant environ 20 ans. Normalement, j’aurai dû reprendre la franchise d’un de ces magasins, mais aucun accord n’a été trouvé. À l’époque, j’ai appris que Monsieur et Madame Klein – les anciens propriétaires de la boucherie – souhaitaient vendre. J’ai réfléchi et avec environ 18 000 véhicules qui passent devant la devanture par jour, je me suis dit « si on n’est pas trop mauvais, on devrait pouvoir en arrêter quelques-uns ». Je me suis donc positionné. Au début, nous étions 2. Aujourd’hui, nous sommes 18 ! Tout cela ne s’est pas fait tout seul, puisque la boutique a entièrement été repensée l’an dernier, avec un total de travaux 1 700 000 euros ». Eric conclut : « À 55 ans, j’aurai pu laisser la boutique comme elle était et vendre ainsi. Mais, je ne voyais pas rester sur de l’acquis. On est entrepreneur ou on ne l’est pas ! Il faut toujours avancer ».

Un métier exigeant
« Il est important pour moi d'impliquer les employés dans la vie de l'entreprise notamment pour ce type de prix. Car même si mon nom est sur la devanture, c'est eux aussi qui travaillent pour la faire vivre ! » pointe Eric Dulat.

Un métier exigeant

« On ne devient pas boucher du jour au lendemain. Pour devenir un bon boucher, il faut à mon sens pas moins de 7 ans d'étude. On démarre avec un CAP boucher (2 ans), un CPF charcutier (1 an) qui permet de se former aux maniements des couteaux et obtenir une belle dextérité à ce niveau-là, un Brevet professionnalisant en boucherie (2 ans), puis un BTS (18 mois) et pour finir une licence (1 an). C'est un métier valorisant mais qui demande un engagement inconditionnel ainsi qu'une exigence de soi. Sans ces éléments, on peut être boucher, mais pas forcément un bon ; la différence est là, comme pour la viande »

IMAGE A METTRE
Les travaux ont commencé début mai 2021 après un an de préparation, pour se finir le 5 avril 2022. Ici, la salle de restaurant, avec une partie de la cuisine visible par les clients à droite.