Production porcine
Dans le cochon, tout est bon

AG
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Emmanuel Thiery, éleveur à Agencourt, dresse une conjoncture très favorable à l'instant t.

 

Dans le cochon, tout est bon
Le président de l'Interprofession porcine de Bourgogne évoque des prix de vente inédits, à 2,37 euros/kg.

L'année 2022 est déjà très loin pour les éleveurs porcins et tant mieux pour eux. « Nous avons passé la quasi-intégralité du temps à perdre de l'argent. Le décalage entre les coûts de production qui avaient bondi et les prix d'achat qui stagnaient était devenu beaucoup trop important », retrace Emmanuel Thiery, éleveur près de Nuits-Saint-Georges. Ces coûts de production, passés l'an dernier d'1,40 à plus de 2 euros/kg de carcasse à cause de la guerre en Ukraine, n'étaient plus du tout couverts : « le prix du cadran est longtemps resté à 1,40 euros/kg, rien ne bougeait... La majorité des éleveurs perdaient plus de 50 euros par cochon de 100 kg ! », illustre le président de l'Interprofession porcine de Bourgogne. Le prix du porc est heureusement remonté vers la fin d'année : « il a atteint la barre des 2 euros/kg, mais à ce moment là, cela ne faisait que couvrir les coûts de production. Nous ne gagnions pas d'argent pour autant et surtout, nous ne pouvions pas rattraper le déficit des derniers mois », tempère Emmanuel Thiery.

Revirement de situation

Depuis le début de l'année 2023, les coûts de production, étroitement liés aux cours des céréales, ont commencé de chuter et les prix d'achat, eux, ont poursuivi leur ascension : « nous arrivons aujourd'hui à un prix de base à 2,37 euros/kg de carcasse. C'est du jamais vu pour les éleveurs. Il faut remonter vers la fin des années 1980 pour voir des prix de vente similaires. Il faudrait vérifier, mais je pense que nous étions entre 12 et 12,50 francs/kg en 1988. Les prix actuels sont forcément intéressants et rémunérateurs, sachant que les coûts de production sont descendus entre 1,60 et 1,80/kg ». Emmanuel Thiery dresse donc une analyse conjoncturelle très positive. Sa vision structurelle est totalement différente : « nous assistons à une forte décapitalisation des bêtes au niveau européen. Oui, nous avons de moins en moins de porcs. C'est aussi pour cela que les prix ont augmenté... Beaucoup d'éleveurs n'ont pas supporté le fameux décalage entre les coûts de production et les prix d'achat. Beaucoup ont arrêté l'élevage porcin, sachant que les dernières années étaient déjà très difficiles avec les mises aux normes et la nécessité d'investir régulièrement. Cette décapitalisation inquiète les outils d'abattage et de transformation qui doivent travailler avec un minimum de volumes pour fonctionner et assurer leurs amortissements. C'est la raison pour laquelle ils n'hésitent pas à mettre le prix pour assurer leurs approvisionnements ».

Que voulons nous ?

L'homme de 55 ans, qui élève une quarantaine de truies à Agencourt, regrette les nombreux problèmes rencontrés par les éleveurs désirant créer, agrandir ou moderniser une porcherie : « les projets sont systématiquement attaqués et finissent souvent au tribunal, c'est vraiment dommage. Tout le monde se dit pourtant favorable à un retour de la production locale, mais toutes ces belles paroles ne sont jamais suivies par des actes. Il y aurait tout pour faire sur nos territoires... Parler d'élevages hors-sol n'est pas le meilleur qualificatif selon moi pour décrire nos systèmes de production. Au contraire, nos exploitations sont très liées au sol ! L'élevage porcin évolue en parfaites harmonie et autonomie avec le territoire, les synergies sont nombreuses entre les céréales qui sont transformées pour nourrir les animaux. De l'autre côté, les effluents sont ensuite revalorisés sur certaines cultures ».