Légumerie de la métropole dijonnaise
La légumerie de Dijon Métropole veut retisser le lien ville-campagne

Berty Robert
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En mai, la métropole dijonnaise va disposer de sa propre légumerie. Un outil indispensable pour alimenter les cantines des écoles en produits locaux de qualité. Cette ambition se révèle assez complexe à concrétiser mais elle est aussi le moyen de réaffirmer le lien entre ville et campagne, entre consommateurs et producteurs.

La légumerie de Dijon Métropole veut retisser le lien ville-campagne
Situé sur la zone d'activités Beauregard d'Ouges-Longvic, au sud de Dijon, le bâtiment de la future légumerie est en voie de finalisation. Il devrait être opérationnel au mois de mai.

Jeudi 24 novembre 2022 : dans une salle du pôle régional d’innovation en agroécologie Agronov, à Bretenière, ils sont nombreux à s’être déplacés pour une réunion initiée par Dijon Métropole et la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Ces exploitants agricoles, en maraîchage ou en grandes cultures, sont venus écouter les porteurs du projet de légumerie lancé par la métropole dijonnaise. Un projet qui n’en est d’ailleurs plus un puisque le bâtiment prévu pour abriter l’équipement est en cours de construction, à Ouges-Longvic, sur la zone d’activités de Beauregard et qu’il devrait commencer à fonctionner en mai. Mais en cette fin novembre, le but était de sonder le niveau d’intérêt de celles et ceux qui, par leurs productions, pourraient alimenter cette légumerie et, par extension, les assiettes d’un grand nombre d’enfants de la métropole. Fabrice Genin, président de la FDSEA de Côte-d’Or et élu de la Chambre d’agriculture, rappelle que « les représentants de la métropole nous ont sollicités pour les mettre en relation avec des agriculteurs. 400 courriers avaient été adressés à des irrigants, maraîchers et producteurs de légumes de plein champs. Cette légumerie peut effectivement en séduire plus d’un. Il y a un train à prendre, un nouveau débouché à saisir. C’est une occasion de valoriser un certain nombre d’hectares de production ».

Une pièce maîtresse

Avoir une connaissance précise du potentiel de production existant à proximité, c’est le cœur du défi qui est à relever par la métropole dijonnaise sur ce dossier. Il traduit l’ampleur du pas à franchir entre la volonté de privilégier la ressource locale pour alimenter une part importante de la restauration collective, et la réalité de la mise en œuvre. Cette légumerie, c’est une pièce maîtresse de la démarche de transition alimentaire locale : « L’origine du projet, explique Fabrice Chatel, directeur général délégué à la cohésion sociale pour la ville et la métropole, c’est la volonté de François Rebsamen de mettre l’accent sur l’offre éducative en direction des familles, dès sa première élection en 2001. Dans ce cadre, on a voulu instaurer la restauration scolaire partout. La première décision importante a été de créer une cuisine centrale en liaison froide, qui est sortie de terre en 2005 ». À la suite de quoi le nombre de repas réalisés quotidiennement pour les écoles de Dijon est passé de 2 500 à 8 000 aujourd’hui. « Lorsqu’en 2013, poursuit Fabrice Chatel, on a voulu s’inscrire dans la logique des Territoires d’innovation et de grande ambition (Tiga), nous avons réfléchi à l’idée d’une légumerie. En creusant le sujet de la production de légumes nous avons réalisé à quel point il y avait un problème de connexion entre les producteurs locaux et nos cuisines collectives ». Sur les 15 millions de repas qui sont faits chaque année dans les cuisines collectives de la métropole, les produits locaux ne représentent pas plus de 8 % aujourd’hui. « Mais cette production locale, elle ne nous attend pas, elle fonctionne autrement et parvenir à la connecter avec des cuisines centrales qui ont leurs spécificités n’est pas aussi simple ».

La terre impose son rythme

De multiples questions se posent : conditionnement, changement d’habitudes de travail, élaboration des menus : « il faut adapter la façon de cuisiner de la restauration collective. Un poireau congelé ou un poireau frais ne se cuisinent pas de la même façon. La terre ne donne pas tout ce qu’on veut, comme on veut et quand on veut : elle a son rythme propre qui n’est plus celui des cuisines collectives. Avec la légumerie, nous voulons reconnecter ces rythmes différents ». Comme le rappelle Philippe Lemanceau, vice-président de Dijon métropole en charge de la transition alimentaire avec sa marque, ProDij, le vote actant la création de la légumerie a eu lieu en décembre 2021. « Nous travaillons, explique-t-il sur les aspects amont et aval de l’approvisionnement et des clients. Pour l’instant, la clientèle c’est le secteur de la restauration collective des enfants mais notre objectif, à terme, c’est de couvrir l’ensemble des besoins de la restauration collective de Dijon métropole ». Cet objectif, traduit en chiffres, c’est 2 000 tonnes de légumes par an pour assurer les 15 millions de repas de la restauration collective publique et privée de Dijon métropole. À terme, d’autres clients pourraient s’ajouter : le CHU, le Crous, les lycées qui dépendent de la Région, les collèges qui dépendent du Département, des acteurs de la restauration collective privée… Dans un premier temps, pour 2023, l’objectif est plus modeste : 70 tonnes de légumes. La réunion de fin novembre s’inscrivait donc dans une perspective de construction d’une filière, « avec relocalisation de la production locale de qualité, poursuit Philippe Lemanceau. C’est aussi le moyen d’ouvrir une perspective pour des producteurs, contribuer à l’amélioration de leur rétribution, ainsi qu’à une meilleure considération sociale. Nous voulons replacer ces producteurs au cœur du dispositif, rappeler qu’ils nous nourrissent ».

Gros travail juridique

Une ambition honorable mais complexe dans sa mise en œuvre. Il faut synchroniser tous les maillons de la chaîne : les producteurs, qui doivent composer avec les délais propres à leurs conduites culturales, les cuisiniers de restaurations collectives, qui devront modifier leurs habitudes de travail, voire adapter leurs outils. Il faudra aussi définir les surfaces dédiées à ces productions, pour quelles quantités et à quel prix… « L’équation à résoudre, précise Philippe Lemanceau, c’est de parvenir à des produits de qualités à des prix acceptables. Pour cela, on bénéficie de l’appui de l’Inrae qui travaille sur le développement de systèmes de cultures agroécologiques, en particulier dans le cadre du projet Territoire d’innovation « Dijon, Alimentation durable 2030 ». Nous sollicitons les filières bios, en particulier le Groupement d’agriculteurs biologiques à travers sa plateforme Manger bio BFC, mais aussi les conventionnelles, avec une volonté de privilégier les modes de productions les plus vertueux et agroécologiques ». Et tout cela doit s’inscrire dans les règles propres aux marchés publics. La métropole a lancé sa procédure de consultation, à laquelle les agriculteurs intéressés répondent actuellement. « Nous réalisons un énorme travail, précise Fabrice Chatel, pour donner une place aux producteurs locaux dans un contexte juridique propre aux marchés publics qui n’est pas adapté à cette ambition ». « C’est un vrai combat à mener, ajoute Élise Renaud, en charge de l’alimentation durable et de la restauration municipale à la métropole, et cela permet de comprendre pourquoi les légumeries sur le modèle de celle que nous sommes en train de lancer sont rares en France ». S’il parvient à reconnecter citadins et agriculteurs, cet équipement pourra se vanter d’avoir été défricheur dans de multiples domaines.

 

Une légumerie au statut évolutif

Dans un premier temps, la légumerie fonctionnera sous régie municipale avant, si possible, d’évoluer vers une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Ce passage en SCIC pourrait se produire quand la structure traitera entre 300 et 400 tonnes de légumes bruts par an. Cela correspond à la capacité du bâtiment actuellement en construction, mais ce bâtiment est aussi conçu pour préserver des capacités d’extension. À terme, elle devra prendre son autonomie. Avec le statut SCIC, les producteurs pourront être impliqués, au même titre que le gestionnaire ou les acheteurs. « Un vrai partenariat territorial dans une structure à vocation économique » souligne Fabrice Chatel. Les légumes que recevra la structure seront épluchés, lavés, désinfectés et conditionnés sous vide ou sous atmosphère modifiée. Un atelier de prétrempage de légumineuses sera aussi créé afin d’apporter à la cuisine centrale des pois chiches, des haricots blancs et rouges. « La légumerie, précise Philippe Lemanceau, représente un investissement de 2,5 millions d’euros pour la métropole, avec un soutien de l’État via le Projet alimentaire territorial (PAT), et une subvention de la Région BFC. L’ambition est de faire de la légumerie et du fonctionnement global qu’elle génère, une vitrine de la politique de transition alimentaire conduite sur la métropole dijonnaise ».