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Le miel ukrainien espère des jours meilleurs après la guerre

Actuagri
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Important producteur de miel au même titre que la Russie, l’Ukraine a vu ses exportations bouleversées par le conflit guerrier début en février 2022. Les professionnels ukrainiens du secteur font le dos rond face à la guerre et parient sur la qualité de leur produit pour l’avenir.

Le miel ukrainien espère des jours meilleurs après la guerre
Igor Liski, dirigeant de Beehive, un grand groupe de producteurs de miel ukrainien (Crédit BDDR)

Le Bassin de la Mer Noire n’est pas seulement le grenier de l’Europe, c’est aussi son rucher. Avant que le conflit ne les oppose, l’Ukraine (68 500 t – source FAO reprise par FranceAgriMer) et la Russie (64 500 t) étaient le 5e et le 7e pays producteur au monde de miel. Pour renforcer ses échanges commerciaux avec Kiev, l’Union européenne (UE) a accordé dès 2015 un quota annuel de 6 000 tonnes exempté de tout droit de douane. « L’Ukraine est alors devenue le troisième pays exportateur mondial de miel. 95 % de sa production est vendue à des pays tiers, et à plus de 80 % vers l’UE car le miel expédié satisfait les normes requises », explique Igor Liski. L’homme est à la tête de Beehive, l’un des trois groupes producteurs ukrainiens du secteur. « Mais en 2023, l’Ukraine n’exporterait qu’entre 45 000 et 50 000 tonnes de miel car 20 % de ses capacités de production ont été détruites depuis le début de la guerre », déplore-t-il. Par ailleurs, ce miel est vendu bien moins cher qu’en 2022. À cette date, le marché mondial du miel était tendu.

Stocks invendus

Le prix du miel ukrainien avait crû de 66 % en 2021 et il continuait de progresser jusqu’à ce que la guerre éclate. Loué pour ses vertus thérapeutiques, le produit avait été consommé en grandes quantités durant l’épidémie mondiale de Covid. Pour pourvoir à ses besoins, la France avait importé, à elle seule, 29 300 tonnes de miel dont 6 500 tonnes en provenance d’Ukraine, selon FranceAgriMer. Mais lorsque la Russie a envahi une partie de l’Ukraine en février 2022, cette dernière s’est retrouvée avec un stock important de miel invendu. Par ailleurs, l’épidémie de Covid vaincue, le produit a été moins demandé et l’été suivant, l’abondante récolte en Europe limitait ses besoins à l’import. « La guerre a brutalement stoppé le flux de miel ukrainien dirigé vers l’Europe, obligeant les conditionneurs de miel de l’UE à trouver dans l’urgence des solutions alternatives », souligne encore Bernard Saubot, contributeur au rapport Cyclope 2023 qui présente l’état des marchés mondiaux. Les seules possibilités se trouvaient en Amérique latine et en Asie. Mais comme l’ensemble des dirigeants ukrainiens des sociétés confrontées au blocus portuaire imposé par la Russie, Igor Liski a relancé la commercialisation de ses produits courant 2022 en les expédiant vers l’UE par camions ou par trains. « Or, des cargaisons de miel argentin et chinois approvisionnaient le marché européen pour compenser la rupture de livraison en miel d’Ukraine », souligne Bernard Saubot. Aussi, le marché s’est très vite engorgé.

Réorganisation des marchés

Les deux premiers pays producteurs au monde de miel sont la Chine (480 000 t – source FAO) et la Turquie (96 000 t). Les deux premiers pays exportateurs sont l’Empire du milieu (85 000 t ou 145 000 t selon les sources) et l’Argentine (56 000 t). Les États-Unis, l’UE et le Japon, structurellement déficitaires, concentrent à eux trois l’essentiel des échanges commerciaux de miel. Quant à la Russie, sa production de miel approvisionne le marché intérieur. Seules 3 770 t étaient exportées en 2022. « De toute façon, la qualité du miel russe ne répond pas aux normes européennes en raison, notamment, de la présence de traces d’antibiotiques », soutient Igor Liski. Avant la guerre avec la Russie, l’Ukraine avait pleinement participé à l’essor des échanges commerciaux mondiaux de miel. Ils avaient progressé de 54 % en onze ans et atteint 735 000 tonnes alors que la production mondiale était estimée à 1,8 Mt. Depuis le début de la guerre, une réorganisation des marchés de l’export est à l’œuvre. L’Europe représente 30 % des exportations du Vietnam, contre 3 % un an plus tôt, selon Bernard Saubot ! Mais « la grande qualité de notre produit naturel entraînera une forte demande de miel ukrainien à l’avenir », affirme Igor Liski.