Syndicalisme
Dossier du GNR : les compensations devront revenir au monde agricole

Damien Brayotel, président de la FDSEA de l’Yonne, Emmanuel Bernard, son homologue de la Nièvre et Samuel Bulot, secrétaire général de la FDSEA de Côte-d’Or, réagissent sur le dossier du Gazole non routier (GNR).

Dossier du GNR : les compensations devront revenir au monde agricole
Damien Brayotel, président de la FDSEA 89.

Damien Brayotel, président de la FDSEA 89 : « Cela fait longtemps que le gouvernement menace de supprimer la détaxation du GNR agricole, pour financer la transition énergétique et maintenir la note financière de la France en AA. Aujourd’hui, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est de 59,40 €/hl pour chaque consommateur de gazole. Le monde agricole a toujours bénéficié d’une exonération de cette TICPE conduisant à un reste à charge de 3,86 €/hl. À partir de 2024 et jusqu’en 2030, le reste à charge pour l’agriculteur augmentera de 2,85 €/hl par an, soit une hausse à terme de 20 €/hl (ce qui correspond à 20 cts d’euros par litre de GNR). Le monde agricole conservera malgré tout à terme une exonération de 35,60 €/hl via le portail Chorus pro. La FNSEA était totalement opposée à cette suppression de la détaxation du GNR agricole, car elle se traduit par une baisse des revenus. Nous avons été force de proposition : alternative avec des biocarburants détaxés, utilisation d’hydrogène et de bio gaz… sans écoute de la part du gouvernement. Comme chaque secteur d’activité, l’agriculture doit entamer sa décarbonation de l’énergie, tout en sachant que nous sommes le seul secteur à piéger du carbone. Nous sommes donc entrés en négociation afin que cette réforme ne pénalise pas la compétitivité de nos exploitations. La FNSEA a obtenu des mesures de compensation dès 2024, chaque euro prélevé sera redistribué à l’agriculture à travers des mesures fiscales : hausse des plafonds d’exonération des plus-values professionnelles, augmentation du plafond du micro-Bénéfice agricole (BA), augmentation du plafond maximum de la Déduction pour épargne de précaution (DEP). Au-delà de ces mesures purement fiscales, chaque agriculteur peut raisonner son bilan carbone à l’échelle de l’exploitation, notamment en réduisant sa consommation de GNR. Rappelons aussi qu’à travers les commandes groupées de GNR, organisées par la FDSEA de l’Yonne, nous économisons environ 50 €/1 000 litres. Nous reviendrons en détail sur ces mesures lors de nos réunions cantonales d’automne ».

Emmanuel Bernard, président de la FDSEA 58 : « La FNSEA a été complètement mobilisée. Depuis 4 ans, ce sujet est tendu à chaque négociation du projet de loi de finance. Aujourd’hui, les négociations nous conduisent vers une hausse du reste à charge de la TICPE pour les agriculteurs d’un peu plus de 2 centimes par an jusqu’en 2030. Ce n’est pas parfait, mais nous aurions aussi pu perdre la totalité. On aurait peut-être pu gagner une année de plus mais dans ce cas nous n’aurions pas pu obtenir les compensations que nous avons obtenues. En fait, tout ce que va être perdu sur la TICPE va revenir sur la ferme France au travers d’autres mesures fiscales. La difficulté que nous allons cependant rencontrer sera la répartition qui ne sera pas parfaite. Ces compensations sont aujourd’hui de plusieurs natures : relèvement du plafond des plus-values, augmentation du plafond du micro-BA et celui de la DEP (épargne de précaution). Ce que je regrette c’est la manière : Bruno Lemaire explique que l’objectif est d’enclencher des transitions sauf que cela ne peut se faire qu’à la condition qu’il existe des solutions alternatives. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La FNSEA travaille encore sur ce sujet. En effet, l’idée est que dès 2025, on puisse avoir accès à des crédits d’impôt « transition » qui viendraient accompagner des actions déjà mises en place par les agriculteurs. Enfin j’ajouterai que l’alimentation à un prix, un prix plus élevé à chaque fois qu’une décision comme celle-ci vient à se prendre. Aujourd’hui pour le GNR ce sera compensé, mais quid du reste (durcissement de la PAC, augmentation des impôts fonciers…) ? »

Samuel Bulot, secrétaire général de la FDSEA 21 : « L’accord conclu avec le ministre de l’Économie a débouché sur un engagement de sa part : que chaque euro prélevé soit redistribué au monde agricole, par le biais de mesures fiscales différentes, mais on peut se poser la question du caractère équitable de la redistribution des compensations. Il va falloir qu’on reste vigilant sur ce point. Retaxer des carburants pour promouvoir des énergies propres, pourquoi pas, mais les solutions de rechange, pour l’instant, on ne les a pas. Celles qui émergent ne seront pas totalement opérationnelles avant quelque temps, et puis elles vont coûter cher ! En attendant, c’est encore un risque de perte de compétitivité pour nous. Des choses ont été obtenues : hausse des plafonds d’exonération des plus-values professionnelles des petites et moyennes entreprises pour le secteur agricole de 40 %, soit 350 000 € pour l’exonération totale et 450 000 € pour l’exonération partielle. Hausse du plafond du micro-BA et de celui de la DEP. Il y a aussi L’engagement de la mise en place pour 2025 d’une aide fiscale, dont le format reste à définir (crédit d’impôt), afin d’accompagner les transitions des exploitations agricoles. En ce sens, le ministre a rappelé que « pas un euro » de la suppression de la détaxation partielle des agriculteurs n’ira à l’État. « Ces sommes seront réinvesties dans l’accompagnement à la transformation écologique pour l’agriculture ». Mais encore une fois, c’est le caractère équitable de la redistribution des compensations qui pose question aujourd’hui… »