Conférence régional agricole
Focus sur la gestion du risque dès l'installation

Berty Robert
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Économique, social, climatique, sanitaire… le risque en agriculture est partout, a fortiori lorsqu’on est en phase d’installation. La Conférence régionale agricole de Dijon s’est penchée sur la question. On y présentait également les résultats économiques de l’agriculture de BFC, pleins de paradoxes.

Focus sur la gestion du risque dès l'installation
Organisée le 13 juin au Conseil régional, à Dijon, la Conférence régionale agricole était, comme d'habitude, riche en informations.

« Parfois, il peut être utile de ne pas toujours être pleinement conscient des risques qui nous attendent, sinon, on ne s’installerait jamais… » Aurore Beaulieu, qui s’exprimait ainsi lors de la Conférence régionale agricole organisée le 13 juin au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) à Dijon, résumait assez bien la somme de risques (économiques, climatiques, sociaux…) auxquels un agriculteur qui s’installe doit se confronter. Elle-même s’est installée en Gaec avec son mari, dans le Doubs et son parcours professionnel montrait l’importance d’intégrer la notion de risque à chaque étape, et la possibilité de le diluer, en orientant son exploitation sur des diversifications. La jeune femme intervenait dans le cadre d’une table-ronde dont le thème était : « Gérer les risques sur l’exploitation dès l’installation ». C’était le fil rouge de cette Conférence régionale agricole, par ailleurs marquée par la présentation des résultats 2022 de l’Observatoire prospectif de l’agriculture en BFC (voir encadré), et par une action de JA BFC concernant les problèmes liés à la gestion par la Région du Feader (voir page 09 de ce même numéro).

Quelle capacité à prendre des risques ?

« Pour s’installer comme agriculteur, il faut avoir une certaine espérance et de la confiance en l’avenir, renchérissait Vincent Landrot, le président de Cerfrance BFC. On pourrait penser que celles et ceux qui se lancent aujourd’hui sont un peu fous mais ces « fous » sont mieux armés et mieux outillés qu’il y a vingt ans. Certains, qui ne viennent pas du milieu agricole, sont aussi plus motivés parce que l’agriculture est un métier qu’ils ont véritablement choisi Avec eux, il faut développer une culture collective du risque pour progresser sur sa compréhension, son anticipation et sa gestion ». Sur cette question du risque, l’intervention de Sébastien Mérat, consultant spécialisé sur la gestion des risques agricoles était aussi éclairante. Pour lui, le jeune agriculteur n’est pas forcément plus exposé aux risques. « Je ne fais pas de différence en termes d’analyse de risques, entre un jeune agriculteur et un exploitant installé depuis plusieurs années, soulignait l’intervenant. En revanche, la capacité à prendre des risques va être différente. Lorsqu’on a fini de rembourser ses prêts JA, qu’on est parvenu à mener son exploitation, qu’on s’est constitué une épargne de précaution, on a une capacité à prendre des risques qui est plus importante… ». Tout le défi de travailler sur le risque est de l’aborder de manière lucide, sans se laisser dépasser par son contenu inévitablement anxiogène.

Intégrer le risque à une stratégie globale

Pour structurer la gestion de risque, Sébastien Mérat utilise donc la norme ISO 31 000 qui formalise cette gestion de manière objective et moins émotionnelle. « On donne de la force à la gestion de risques, poursuit Sébastien Mérat, à partir du moment où on l’intègre à la stratégie globale du jeune agriculteur et aux objectifs qu’il poursuit. Cette gestion de risques repose sur un élément essentiel : l’anticipation. Elle est inutile pour corriger les effets d’erreurs déjà commises ». L’analyse du risque agricole est aussi une notion adaptative en fonction des profils d’agriculteurs, certains seront plus téméraires que d’autres. Autant de dimensions humaines à prendre en compte, surtout dans le climat d’incertitude devenu la norme, ces dernières années.

2022 : année paradoxale. C’est ainsi que Mathilde Schryve, analyste au sein de Cerfrance BFC, a introduit sa présentation des résultats de l’Observatoire prospectif de l’agriculture en BFC, réalisé grâce au travail d’une trentaine de personnes. Une année marquée par des résultats exceptionnels dans beaucoup de systèmes, mais aussi par une inquiétude croissante chez les producteurs, notamment nourrie par certains facteurs de changements. 2022 est l’année de tous les records : un colza qui passe les 1000 euros/t, l’engrais a dépassé les 1200 euros/t, il y a eu des craintes de pénurie pour l’engrais, la main-d’oeuvre, le matériel, le tout dans un contexte d’année la plus chaude du siècle… Tout cela a créé une sensation d’emballement et de panique. Du côté des résultats, les plus fortes augmentations ont été observées en grandes cultures (céréales) avec plus de 75 000 euros/Utaf et en viticulture, avec près de 120 000 euros/Utaf en appellations régionales. Deux systèmes portés par l’envolée des cours et la demande à l’export tout en étant relativement protégés de la hausse des intrants et des matières sèches, grâce aux stocks qu’ils avaient constitués. Cependant, ces derniers ont dû être reconstitués au moment où les matières premières étaient les plus chères, alors que les prix se tassaient, d’où un retournement de tendance, notamment sur les céréales. Pour les éleveurs laitiers (lait de plaine et AOP massif jurassien) et éleveurs porcins, les résultats dépassent les 40 000 euros (lait AOP) et 50 000 euros en porcs. L’impact des hausses des prix des aliments a été relativement contré par l’autonomie des exploitations. En élevage bovins allaitants et ovins, on note une amélioration sensible des résultats, mais plus modeste. En bovins viande, on passe les 30 000 euros/Utaf et en ovins spécialisés, plus de 15 000 euros/Utaf. Là aussi, la relative autonomie des élevages a été payante. Le secteur a aussi profité du déséquilibre entre offre française et demande du marché. En revanche, les systèmes en transformation-vente directe ont connu une année plus difficile, notamment les caprins. C’est aussi le cas des systèmes en intégration (aviculture) avec une légère déprise. Ils n’ont pas pu profiter de l’inflation sur les prix alimentaires. Le secteur du bio, enfin, a connu une deuxième année consécutive de diminution de la consommation de ses produits.

En complément de la présentation de l’Observatoire prospectif, Sophie Dubreuil, de la Chambre régionale d’agriculture de BFC, a listé quelques facteurs d’incertitudes. Les agriculteurs exercent dans un contexte de plus en plus mouvant. Six grands facteurs d’incertitude se dessinent pour 2023 :

-les aléas climatiques

-les possibles retournements de marchés et de débouchés

-les variations des cours et/ou la disponibilité des intrants

-le contexte sanitaire et la montée en puissance de la prédation en BFC

-l’évolution des réglementations qui impactent les pratiques et les stratégies sur les exploitations

-le facteur humain : renouvellement des générations, difficultés de recrutements, charge de travail, isolement social.