Céder son exploitation
Un long chemin à bien préparer

Berty Robert
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Comment se préparer à céder son exploitation agricole ? La réponse à cette question est souvent bien plus complexe qu’on ne le pense. D’où l’intérêt des ateliers que le service Installation-Transmission de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or organise sur ce thème.

Un long chemin à bien préparer
L'atelier ACTE de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or offre la possibilité aux participants d'aborder la question de la cessation d'activité et de la cession de son exploitation sous une multitude d'angles.

En ce jour de décembre, ils sont onze dans la salle de la Maison de l’agriculture, à Bretenière. Des agriculteurs qui se préparent à céder leur exploitation. Certains sont venus en couple, d’autres seuls, mais tous se posent la même question : préparer la suite d’une vie professionnelle bien remplie, en faisant les bons choix. Entre l’envie de céder son exploitation et le faire concrètement, il y a parfois une distance qu’on n’évalue pas toujours avec justesse. Tout cela ne se décrète pas d’un claquement de doigts. Il importe d’être bien accompagné et c’est le travail du service Installation-Transmission de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Il propose aux cédants des ateliers ACTE (Agir pour ma cessation et la transmission de mon exploitation) qui abordent cette question sous tous les angles possibles (économique, humain…). Ce jour-là, aux manettes de l’atelier, on trouve Amélie Fercoq et Alexis Parent, qui rappellent que l’enjeu du renouvellement des générations est central et ne peut pas être pris à la légère. Les cédants doivent donc travailler leur projet, avoir une vision claire de ce qu’ils en attendent et faire de vrais choix.

« Autant de valeurs que d’experts »

Les animateurs déploient beaucoup d’énergie pour ouvrir la réflexion, donner d’autres perspectives, conduire à penser au-delà des idées préconçues et élargir les horizons. Organisé de manière ludique, l’atelier pousse à s’interroger sur les critères de réussite d’une transmission mais aussi sur la capacité à se projeter des cédants. Ce jour-là, les participants ont été confrontés à plusieurs questions : qu’est-ce qui pourrait faire échouer votre projet de transmission ? Comment vous voyez-vous après votre cessation d’activité ? Quelle est la bonne valeur d’une entreprise ? Cette dernière question suscite beaucoup de débats parmi les cédants réunis. « Des valeurs, il y en a autant que d’experts… » remarque l’un d’eux, et de fait, les animateurs poussent les participants à en dresser la liste : valeur patrimoniale, économique, valeur de reprenabilité, sentimentale ou de rentabilité… « on n’achète pas une exploitation pour les beaux yeux de la patronne, réagit une participante, ce qui compte c’est si le repreneur va pouvoir en vivre ». « Nous travaillons avant tout, précise Amélie Fercoq, pour le renouvellement des générations mais on sait aussi qu’il y a des cédants qui veulent valoriser au maximum parce qu’ils ont un projet derrière. On ne porte pas de jugement là-dessus ». Alexis Parent, pour sa part, sensibilise à la différence à faire entre une ferme qui tourne bien, et une ferme qui a du patrimoine, dans la définition de cette valeur. La thématique de l’équilibre entre les possibilités du repreneur et les attentes du cédant est au cœur de tout mais les animateurs savent recentrer les priorités : « même sur une valeur sentimentale, il faut mettre des euros ! En fait, la construction de la valeur de votre exploitation, c’est un peu un mélange de toutes les valeurs citées ».

« Être clair sur ce qu’on veut faire »

Se projeter dans l’après activité est un autre défi. Certains y sont prêts, d’autres moins. Amélie Fercoq insiste sur la nécessité d’aborder ce point bien en amont : « Plus vous serez en mesure de planifier ces choses et mieux la transition se passera. En préparant tout cela, vous pourrez argumenter clairement auprès des interlocuteurs que vous aurez à rencontrer au cours de votre démarche de cession (notaire, juristes…). Vous devez être au clair sur ce que vous voulez faire ». Se projeter reste difficile mais le groupe présent ce jour-là se montre très productif. L’important, pour certains et certaines d’entre eux, c’est à la fois d’ouvrir une perspective sur la vie d’après, libéré des contraintes professionnelles, mais aussi, parfois, de se réserver la possibilité de garder un pied dans le métier, en aidant ponctuellement celui ou celle qui aura repris. Et si le projet de transmission échouait ? Cette possibilité-là est aussi envisagée. Impossibilité de trouver le repreneur, exploitation touchée par un sinistre, instabilité du contexte réglementaire, mésentente sont autant d’écueils potentiels. L’idée, lors de l’atelier, c’est de tenter, autant que possible, de prévenir ces écueils pour les éviter. Il importe de réfléchir à la forme sous laquelle on veut vendre sa ferme. Certains souhaitent qu’elle reste comme elle a toujours été, d’autres, au contraire, considèrent que la céder en plusieurs parties la rendrait plus accessible à des repreneurs aux moyens financiers limités. Là encore, les discussions sont animées. Le but n’est pas de dire qui a tort ou qui a raison, mais de cheminer dans sa réflexion, en la confrontant au point de vue des autres. Là aussi, l’important est de savoir vers quoi on veut aller. Quant au repreneur, qui est-il, finalement ? La majorité des participants à l’atelier dit ne pas le connaître pour l’instant mais même dans ce cas de figure, les deux animateurs préviennent : il faut faire attention au risque de transposer ses propres attentes sur un repreneur. Il faut ajuster les valeurs aux éventuels repreneurs. C’est l’intérêt du travail en groupe, qui permet d’échanger les points de vue, et de faire évoluer les perspectives. La chose n’est pas simple mais, comme conclut Amélie Fercoq, « ce qu’on vous fait faire est inconfortable, mais c’est exprès : c’est ce qui permet d’avancer… »