Témoignages
« La conduite de projet est dans notre ADN »

Propos recueillis par Léa Rochon
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Pour encourager l’apprentissage de pratiques agricoles durables, le second Plan local Enseigner à produire autrement (PLEPA), impulsé par le ministère de l’Agriculture, a démarré en 2020. Les responsables des lycées professionnels Bel Air (Rhône), Le Valentin (Drôme) et Cognin (Savoie) expliquent en quoi il a changé l’enseignement au sein de leurs établissements.

« La conduite de projet est dans notre ADN »
Nicolas Chaffurin

Aviez-vous participé au premier « Plan local enseigner à produire autrement » (PLEPA) de 2014 à 2018 ?

Nicolas Chaffurin, directeur de l’exploitation viticole du lycée Bel Air : "À l’époque, l’exploitation avait quelques parcelles en bio, puisque le ministère avait demandé que 25 % des exploitations agricoles des lycées soient labellisées. Personnellement, je suis arrivé au lycée agro-viticole de Bel Air en septembre 2021 dans le cadre du PLEPA 2".

Guillaume Fichepoil, directeur de l’exploitation du lycée Le Valentin : "Lors du premier plan, nous avons travaillé sur le mode de production de l’exploitation agricole composée de vaches laitières, d’arboriculture et d’un peu de vignes. Nous avons notamment conforté le système de production qui est en bio depuis 2013 et nous sommes allés vers une valorisation des produits en circuit court".

Nelly Gherardi, proviseur du lycée agricole de Cognin : "Comme nous formons aux métiers des services à la personne, nous n’étions pas concernés par le premier projet, qui était centré sur les exploitations agricoles".

Comment se concrétise votre participation au PLEPA 2 ?

N. C. : "Il y a un an, nous avons intégré le réseau agriculture bio (ResAB) via la filière arboriculture. Nous avons choisi de développer trois axes. Tout d’abord, l’écopâturage avec des brebis du lycée agricole de Cibeins (Ain) qui sont dans la vigne durant l’hiver. Ensuite, nous avons planté des haies en lien avec la fédération des chasseurs du Rhône et de la métropole de Lyon et la communauté de communes Saône-Beaujolais. Enfin, nous plantons des arbres fruitiers dans les vignes pour produire également du jus de pomme et de poire. Nous avons déjà 1 ha de jus de raisin. Dans quinze ans, nous aurons des arbres qui stockeront du carbone et diminueront de fait notre impact environnemental".

G. F. : "Pour nous, PLEPA 2 est dans la continuité de PLEPA 1. L’objectif est de relever le défi nourricier en approvisionnant la restauration collective du territoire en produits de l’exploitation agricole. Nous allons nous doter d’outils de transformation pour le lait et les fruits de la ferme. Nos objectifs sont d’environ 100 000 l de lait, transformés ensuite en yaourts, crèmes dessert et riz au lait, soit 5 000 pots de yaourt par an. Côté arboriculture, 45 t de fruits devraient être transformées en purée. Les élèves du BTS Sciences et Technologies des Aliments ont participé au processus de fabrication, à la démarche qualité et à l’innovation en lien avec le passage d’un lait cru à un pot de yaourt. Ils ont proposé des recettes, confectionné les yaourts, calculé les prix de revient et de vente, évalué le marché local pour cibler les concurrents".

N. G. : "Lors du second plan, nous avons mis en place un premier volet sur la valorisation des espaces et la biodiversité. Les classes de 4e et de 3e s’orientent vers l’agriculture et l’environnement en valorisant la faune et la flore. Ils fabriquent des nichoirs à oiseaux pour le parc, font du compostage, plantent des arbres fruitiers… On travaille du fruit sur l’arbre jusqu’à l’assiette, pour que les jeunes découvrent tous les métiers de la filière. Apprendre à bien manger et à cultiver son jardin comme son esprit, cela fait également partie de la transition écologique. Enfin, nous avons une cuisine pédagogique où les élèves apprennent à cuisiner pour de l’aide à domicile. Le but, c’est d’utiliser des produits de saison et de cuisiner des aliments de second choix. Ce n’est pas parce qu’une pomme est un peu cabossée, qu’elle ne peut pas être consommée".

Voyez-vous une différence d’implication de la part des élèves ?

N. C. : "Les élèves viennent si les enseignants sont impliqués. Le ResAB nous a permis de mener des projets auxquels les enseignants se sont associés. Depuis, j’ai de plus en plus d’élèves qui viennent sur l’exploitation avec leurs professeurs. Après avoir installé des ruches, les élèves ont souhaité en démonter une vide. Ils ont aussi voulu des poules pour utiliser les déchets de la cantine, lors du tri et de la découpe des salades. Ce n’est pas juste une lubie ! "

G. F. : "L’enseignement agricole a toujours été composé de cours en pluridisciplinarité. La conduite de projets est dans notre ADN. Les PLEPA 1 et 2 donnent davantage de lisibilité aux équipes et ajoutent de l’enjeu. Nous n’apprenons plus seulement des recettes, mais nous outillons les élèves pour qu’ils répondent à des problématiques".

N. G. : "Nous voulons rendre nos jeunes acteurs et qu’ils prennent l’initiative de faire les choses. Nous travaillons sur l’économie sociale et solidaire et passons des commandes avec des partenaires extérieurs, notamment le Salon « Connectons-nous », bien connu au sein de l’agglomération du Grand Chambéry. Nos élèves produisent et servent des repas là-bas, nous les impliquons au cœur du projet".

Comment favorisez-vous le circuit court ?

N. C. : "Pour que le circuit court fonctionne dans la filière viticole, il faut créer une relation commerciale. C’est pourquoi nous organisons les premières portes ouvertes du château le 1er avril prochain. L’année prochaine, j’aimerais que les étudiants de Bac pro aillent à Copenhague pour la soirée des beaujolais nouveaux donnée à l’ambassade de France. Là-bas, ils devront effectuer des ventes en anglais. Dans le plan, il y a les notions de transition et de transmission. L’idée, c’est de leur montrer comment valoriser au mieux les produits".

G. F. : "Nous avons créé une synergie autour du restaurant scolaire de l’établissement, avec la volonté de faire consommer à nos élèves ce qui est produit ici et mettre en avant les produits locaux du territoire. L’action éducative est faite à travers des cours, mais aussi par notre façon de consommer. Notre établissement comporte les spécialités de production végétale, de transformation et de commercialisation des produits alimentaires. Le projet est donc totalement cohérent".

N. G. : "Les 4e et 3e font l’étude de la filière pomme. Une fois produit, le jus de pomme est mis en bouteille et les élèves de la classe de CAP Service aux personnes créent les étiquettes et vendent les jus sur le marché de Cognin".

Exergue : « De plus en plus d’élèves viennent sur l’exploitation avec leurs enseignants. »