À chaud
Visibilité et pérennité

Chloé Monget
-

Depuis des mois, Mickaël Tardivon attend des aides Pac. S'il doit les recevoir courant août, pour lui, cette expérience n'est que le haut de l'iceberg. 

Visibilité et pérennité
Mikaël Tardivon garde le sourire malgré une situation peu simple.

« 26 000 euros. Voilà ce que l'État me doit dans le cadre des aides Pac – sans parler d'une partie de ma DJA, que j'attends toujours mais passons » détaille Mickaël Tardivon, exploitant à Vitry-Lâche depuis 2019. « Cela fait 5 mois que je patiente… Je peux concevoir qu'il y ait des imprévus, mais pas qu'aucune information ne soit transmise sur le nouveau calendrier de paiement ou l'avancement de nos dossiers ». En effet, il développe : « j'ai appris il y a peu – en usant de mon réseau – qu'en fait mon dossier était bloqué depuis le début à cause d'un souci informatique. Pourquoi ne pas m'avoir informé dès le départ ? Avec cette visibilité, j'aurais pu m'organiser autrement, et éviter certaines déconvenues. Le pire, c'est que je ne suis pas un cas isolé ! ».

Blocage amer

Pour rappel, au 22 juillet, dans la Nièvre, une vingtaine de dossiers sont en attente (1) et 59 % d'aides MAEC ont été versées (2). Ainsi, même si la situation semble se débloquer, Mickaël Tardivon insiste sur les conséquences de ce retard. « J'ai dû piocher dans la trésorerie de mon autre entreprise (dédiée à la métallurgie) pour payer certaines factures de ma ferme ; ce qui fut insuffisant. En parallèle, grâce à des résultats toujours positifs ces dernières années et des relations de confiance établies depuis longtemps, j'ai pu faire patienter certains fournisseurs. Mais, la banque ou les autres organismes ne fonctionnent pas ainsi… C'est pourquoi du jour au lendemain, vous ne pouvez plus faire le plein de votre voiture ou vos courses, et que vous avez les huissiers chez vous… J'ai environ 2 000 euros de frais bancaires pour 4 mois environ à cause de la situation. Je me retrouve à 32 ans, double actif, à devoir emprunter de l'argent à ma mère… ce n'est pas normal. La charge mentale de notre profession nous savons la gérer, mais pas ce poids-là ». Actuellement animé par l'espoir d'enfin percevoir les aides, Michaël Tardivon précise : « Dans le courrier que j'ai eu on m'indique que je pourrais « prétendre à la somme de », je ne sais donc pas si je vais toucher l'intégralité du montant ou non. À cause de tout ceci, aujourd'hui, j'ai honte de passer la porte de certains fournisseurs, car je sais qu'eux aussi ont besoin d'être rémunérés ».

Un ensemble

Les ondes de cet effet papillon ne se cantonnent donc pas aux limites des exploitations agricoles : « Les exploitants font travailler une myriade d'autres métiers : transporteurs, mécaniciens, semenciers, etc. Si nous ne fonctionnons plus, eux non plus. En résumé, si nous mettons la clef sous la porte, c'est la disparition de tout un écosystème économique et social qui sera enterré. Cela n'est pas qu'une chimère lorsque l'on prend le temps de faire le compte du nombre de collègues qui arrêtent par manque de retours, financiers notamment ». Si cette problématique insuffle manifestement de nombreuses répercussions, le véritable problème est ailleurs : « Si nous avions des prix, nous n'aurions pas besoin d'aides que ce soit de l'État ou de l'Europe. Cela est vrai pour les conventionnels et encore plus pour les bios, puisque leurs rendements sont souvent très différents, surtout dans des terrains comme ici à Vitry-Lâche En effet, quand je me suis installé, on m'a indiqué qu'en bio, les rendements étaient divisés par deux, mais le prix était doublé. Aujourd'hui, le prix du blé bio en situation de surproduction en France peine à maintenir les 100 euros / t. d'écart. Cette année dans la Nièvre, c'est la première fois qu'il y a plus de déconversion que de conversion. C'est marquant. En parallèle, les consommateurs ont été habitués à manger pour peu cher… mais la qualité des produits français à un coût… Jusque-là, la profession faisait le gros dos, mais nous arrivons aux limites de l'acceptable et du vivable. La question en suspend étant : qu'est-ce que l'on veut ? Je pense que le monde agricole ne veut plus entendre de promesses comme celles faites durant les manifestations, car quelques mois plus tard, on peut le dire, nous avons été bernés. Nous voulons avancer sereinement, car, nous sommes nombreux à garder l'envie et la passion. En somme, on veut tout simplement vivre de notre métier, sans les béquilles (apparemment branlantes) que sont les aides »

(1) Source : JA 58. 

(2) Source : FDSEA 58