La commande de graines de moutarde passée par les industriels devrait être honorée par les producteurs.

La récolte de graines de moutarde approche, les premières moissonneuses pourraient « attaquer » autour du 1er juillet. Pour rappel, cette moisson 2023 est marquée par un prix historique (2 000 euros la tonne) et un nombre record de producteurs, passé de 170 à 614 en un an. Un état des lieux des cultures a été dressé la semaine dernière lors de l’assemblée de l’APGMB (Association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne). « Nous envisageons une moyenne de 15 q/ha. Si tel est le cas, la commande de 15 000 tonnes passée l’an dernier par les industriels devrait être honorée », souligne Jérôme Gervais, technicien à la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or. Il faudra toutefois attendre la moisson pour en être certain. Tout peut aller vite, d’autant que les moutardes commencent à « avoir soif ». Les prévisions du 1er mai, par exemple, étaient bien plus optimistes : « le potentiel était de l’ordre de 18 q/ha, mais la floraison s’est mal passée par la suite. La période a été froide et il a plu au mauvais moment… Des fleurs ont coulé. Dans nos comptages, il manque environ 20 % de fleurs et de siliques », poursuit Jérôme Gervais. Le conseiller glisse un mot sur les ravageurs, problématique récurrente dans la culture de moutarde : « dans l’ensemble, les altises ont été plutôt bien maîtrisées, même si la donne a été plus compliquée pour ceux qui ont semé tôt. La plus grande difficulté est venue des méligèthes, qui ont beaucoup sévi en Saône-et-Loire, au nord de Dijon et au nord de la Nièvre, avec parfois 20 coléoptères ou plus par pied… Des baisses de rendements seront forcément à déplorer. Dans d’autres zones, heureusement, certains agriculteurs n’ont pas connu la moindre attaque ».
Quel tarif pour 2024 ?
Le prix de la tonne de moutarde pour la campagne à venir est annoncé lors de chaque assemblée de l’APGMB. Ce rendez-vous du 6 juin dans les locaux de Dijon Céréales à Longvic n’a pas dérogé à la règle. Le « verdict » est tombé : après le record de 2 000 euros signé en juin 2022 (effectif pour la récolte qui se profile), il faudra « se contenter » de 1 500 euros en 2024. « Il s’agit là d’un prix minimum. Un complément de 50 euros maximum pourra être versé au dernier acompte après avoir fait un bilan financier. Malgré tout, nos adhérents avaient bien en tête le tarif de 2 000 euros/t : nous pouvons comprendre une certaine déception », commente Damien Baumont, le vice-président de l’association, « le calcul du prix, je le rappelle aujourd’hui, se base pour moitié sur le Matif du colza. L’an passé, celui-ci flirtait avec les 900 euros/t. Aujourd’hui, il est retombé à 450, voire 430 euros/t.. Cela a forcément un impact… Le prix fixé l’an passé, il faut également le rappeler, avait été très bien négocié, dans un contexte où il y avait le feu dans la boutique des industriels, si j’ose m’exprimer ainsi… Nous en avions bien profité, sachant que le véritable prix du marché était plutôt autour de 1 700 euros/t. Le prix de 2024 sera certes moins élevé mais honnêtement, nous serons encore une fois bien au-dessus de la marge du colza, même si, je peux le concevoir, les risques agronomiques sont un peu plus importants ». La commande des industriels sera également un peu moins importante l’an prochain. « Tout n’est pas finalisé mais celle-ci devrait passer de 15 000 à 12 000 tonnes. Dans ce cas, nous devrions avoir besoin de 10 000 ha, au lieu de 12 000 », commente Jérôme Gervais.
Nous t’attendons !
Le plus important de cette assemblée était en réalité ailleurs. L’ensemble de l’APGMB a envoyé « beaucoup d’énergie » à Fabrice Genin, le président de l’association qui lutte actuellement contre la maladie. « Nous lui envoyons tous nos encouragements, nous pensons très fort à lui et attendons son retour au plus vite », insiste Damien Baumont.

Guillaume Gerbet (Blagny-sur-Vingeanne) : « Je ne m’attends pas à faire plus de 10 q/ha cette année, après avoir approché les 25 q/ha en 2022. Les grosses altises ont été plutôt bien contenues par le Minecto Gold, que j’ai utilisé pour la première fois en décembre. Mais pour les méligèthes, c’est autre chose… Ils se sont manifestés entre le 30 avril et le 6 mai : je suis aussitôt intervenu mais la pression était bien plus importante que je ne le pensais. Il y en avait parfois jusqu’à 30 par pied ! ».

Vincent Cartault, directeur de l’exploitation de Tart-le-Bas : « Nous avons de la moutarde en bio et en agriculture conventionnelle. Nous avons eu un rendement très correct de 10 q/ha en AB l’an passé. Cette année, nous devrions nous en sortir avec un rendement similaire malgré un salissement difficile à maîtriser. En conventionnel, nous ne referons pas les 24 q/ha de 2022 car les attaques d’insectes ont été plus nombreuses et la météo moins propice pour une bonne floraison ».

Damien Boudrot (Villy-le-Moutier) : « Difficile d’estimer un futur rendement tant que nous ne sommes pas dans le champ… Il serait bien de viser les 15 q/ha, moyenne des dernières années sur l’exploitation. Mais rien n’est toutefois acquis : si le sec perdure, nous n’y arriverons pas. L’année n’a pas été pleinement favorable ici avec des difficultés au désherbage, sans parler des nombreuses grosses altises qui n’ont pas été toujours parfaitement maîtrisées ».