Entre production et apprentissage
Des difficultés très pédagogiques

Chloé Monget
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Suite aux conditions climatiques complexes depuis le début d'année, la taille de la vigne est impactée, mais l'apprentissage également. Exemple à l'EPL de Cosne, où l'on retire tout de même de ces difficultés un intérêt pour la formation des apprentis.

Des difficultés très pédagogiques
L'impact du gel sur les coursons des ceps situés dans la parcelle de Pinot noir à Cosne/Saint-Père. Prise de vue effectuée le 6 mai à 7 h du matin.

« La taille sera effectuée autour du 25 novembre comme d'habitude » détaille Adrien Coudrat, prestataire technique en viticulture auprès de l'EPL de Cosne/ Domaine des Athénées. Si cet élément n'a pas été modifié, tout le reste le sera. En effet, après les conditions climatiques particulières de cette année, l'intégralité du procédé a dû être adaptée pour les vignes du Domaine des Athénées. Pour comprendre cela, Adrien Coudrat revient sur les épisodes climatiques les plus problématiques pour la vigne, dont le premier : le gel. Le prestataire détaille : « C'est la seconde fois que le Domaine subit une attaque de gel, et donc la seconde fois où nous devons reformer les pieds, avec à chaque fois une diminution de la production puisque les bois fructifères ont été détruits par le gel. Avec une nuit de gelée, les conséquences se ressentent sur deux ans. Cela fait mal au cœur de voir tout le travail fourni réduit à néant, que ce soit pour nous, salariés, mais aussi pour les apprenants qui ont mis toute leur énergie pour que cela se passe bien. En 2024, nous avons eu une nuit de gel, le 22 avril, qui a impacté 80 % du Domaine, dont une parcelle touchée à 100 % vers Cosne/Saint-Père, et plus particulièrement sur le rouge ». Les conséquences pour la taille sont aujourd'hui là : « sur une année normale, nous taillons habituellement en guyot poussard donc deux coursons et une baguette fructifère. Mais, ceux-ci ont été détruits et les ceps ont refait des gourmands. Désormais, il faut choisir parmi ces derniers, ce qui complique tout, car il faut imaginer la physionomie du cep dans quelques années en gardant tels ou tels gourmands ».

Les plus

Il poursuit : « Pour un tailleur confirmé ce choix peut être un véritable dilemme, alors pour les apprenants, c'est encore plus complexe. Nous devons leur transmettre l'œil d'expert dès les premières manipulations, afin d'éviter de grosses erreurs qui auront forcément des impacts sur les productions futures. À cause de cette complexité accrue, nous accompagnons les apprenants sur chaque cep à tailler pour éviter les bavures. Nous devons faire une gymnastique mentale et prendre le temps de la réflexion avant d'user du sécateur. Au final, je pense que nous mettrons environ 40 % de temps supplémentaire pour cette opération cette année. Clairement ce ne sera pas une partie de plaisir, ni pour eux ni pour nous ». Même si cela demande un engagement supplémentaire, Adrien Coudrat du positif sur cette expérience : « les périodes de gelée à la reprise seront de plus en plus fréquentes avec le changement climatique. De ce fait, je pense que cela est un apprentissage très pertinent de commencer par ce qui se fait de pire en la matière. Si les informations de taille sur ceps gelés sont bien assimilées par les apprenants, la taille effectuée durant une campagne sans problème sera presque un jeu d'enfant pour eux. D'ailleurs, ils pourront éventuellement s'entraîner sur les simulateurs de taille de la vigne dont l'établissement dispose ». Dans tous les cas, Adrien Coudrat est catégorique : « Il n'y a pas de solution miracle pour tailler de la vigne gelée. Cette année, la taille sera à l'image du reste de l'année : triste ».

Une liste qui s'allonge

Si 2024 n'est pas très joyeuse, c'est qu'elle se résume à un amoncellement de problèmes : « En plus du gel, nous avons eu quelques grêlons, qui ont aussi un impact sur le bois et donc la production future. Il faut avoir conscience qu'une fois le bois écorché par un grêlon, il pourra potentiellement casser sous le poids des fruits… Là encore la taille a un rôle déterminant dans le choix des coursons à conserver. Il faut être très vigilant et bien repérer les bois infructueux, les impacts et autres défauts qui peuvent rendre la branche peu fiable ». En parallèle, l'appellation de l'AOC des Coteaux du Gienneois, dans laquelle se trouve le Domaine, a subi de grosses pressions sanitaires : « notamment de mildiou à cause des fortes pluies. Nous n'avons pas pu sauver les gros raisins. Heureusement que l'aoûtement a été correct, sinon la situation aurait été encore plus catastrophique ». Pour l'avenir, Adrien Coudrat reste d'un optimisme nuancé : « Si nous avons encore ce genre de situations, économiquement nous ne survivrons pas, car nous n'aurons rien à récolter et de facto rien à vinifier et donc à commercialiser. Face aux diverses problématiques de cette campagne, il est important de rappeler que même si nos pratiques sont les plus naturelles possibles, la vigne ne peut pas vivre sans produit phytosanitaire, que ce soit bio ou de synthèse… Pour plus de résilience et de résistance, l'implantation de ce genre de cep peut être une solution, mais ceux-ci ne sont pas autorisés, pour le moment, dans l'appellation… La vigne a un avenir, mais où et comment ? Voilà les grandes inconnues ». Il conclut : « en tout cas, au vu de l'année passée, nous ne pouvions pas faire pire ». Pour d'autres témoignages de viticulteurs, sur cette année singulière rendez-vous sur Terres de Bourgogne.

Solutions possibles ?

Afin de limiter l'impact du gel, Adrien Coudrat évoque des solutions possibles, comme les tours antigel ou les bougies. Seul problème pour l'exploitation du Domaine des Athénées : le coût et la main-d’œuvre nécessaire à leur mise en place ; EPL oblige. « Il y a aussi l'utilisation de lumière infrarouge (comme le système développé par Frolight pour n'en citer qu'un) qui peut servir ». En ce qui concerne la pluie ou la sécheresse, il est catégorique : « on ne peut rien faire ». Enfin, il pointe des essais réalisés au Domaine avec des filets anti grêle : « cela reste compliqué à installer surtout si on souhaite bien le faire. Pour l'instant, ça a l'air de fonctionner mais à voir si cela est efficace lors d'épisodes violents ».