Intempéries
Retour sur un week-end très arrosé

Propos recueillis par AG
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Le département a connu de très importantes précipitations les 31 mars et 1er avril. De nombreux cours d'eau ont débordé, plusieurs Côte-d'oriens témoignent.

Retour sur un week-end très arrosé
illustrations pluies

Il faut de l’eau en agriculture mais là, c’était carrément trop ! « Le bon temps du paysan, c’est tous les temps, mais pas trop longtemps ! », rappelait d’ailleurs Rémy Cornet, agriculteur à Gomméville, dans une récente édition. La « situation » sera-t-elle revenue à la normale, à la publication de cet article ? Tout le monde l’espère. Les conséquences en agriculture pourraient toutefois durer encore un petit moment, comme le craignaient plusieurs exploitants contactés quelques heures seulement après le « déluge ».

Jean-Luc Gerbron (Benoisey, près de Montbard) : « C’est impressionnant ! Les dernières inondations de cette ampleur dataient de 2015 dans notre secteur, elles étaient déjà conséquentes à l’époque, mais peut-être pas si importantes par endroits. Ce 1er avril, je suis allé sauver trois chevaux d’un voisin : l’eau arrivait pratiquement à la cabine, je n’étais pas très serein… L’Armançon et la Brenne sont toutes les deux sorties de leur lit, de nombreuses parcelles agricoles sont sous l’eau. Les céréales vont y laisser des plumes, c’est certain. Leur potentiel de rendement va forcément diminuer avec l’oxydation et la perte d’éléments nutritifs. Trois jours sans respirer : les plantes n’aiment pas beaucoup… Dans les prairies, comme en 2015, l’eau a laissé beaucoup de dépôts et de corps étrangers : il va falloir que les éleveurs soient très vigilants pour leurs animaux. Cela nous rappelle la nécessité d’entretenir les cours d’eau ! D’ailleurs, si les agents de l’OFB ne savent pas quoi faire, ils peuvent venir enlever les déchets dans les prairies et les champs concernés. S’il ne vient pas une semaine chaude rapidement, la mise à l’herbe sera forcément retardée. La qualité du fourrage sera également impactée. Le rendement, lui, n’avait pas chuté en 2015 ».

Laurent Choubley (La Motte-Ternant, entre Saulieu et Précy) : « Chez nous, c’est le Serein qui a débordé. Cela avait déjà été le cas trois semaines plus tôt mais là, c’est encore plus important. C’est du jamais vu dans de telles proportions depuis 10, 12 ou peut-être même 15 ans, je ne me rappelle plus exactement… Beaucoup de prés ont été inondés, c’est le bazar ! La mise à l’herbe était imminente, j’avais dit que Pâques allait être le dernier week-end de travail en stabulation : eh bien je me suis trompé ! À mon avis, le lâcher est reporté d’environ trois semaines, selon la météo qui nous attend d’ici là. D’un certain côté, c’est une chance que les animaux n’étaient pas encore dehors car à mon avis, nous aurions dû en rentrer un certain nombre. C’est triste à dire mais il va falloir qu’il repleuve pour laver toutes les impuretés laissées par ces inondations… Quand nous réussirons à lâcher, l’herbe sera haute et les bovins ne pourront plus profiter des jeunes pousses, c’est dommage ».

Michel Baudot (Pont-et-Massène, près de Semur-en-Auxois) : « Tout le secteur de Semur s’est retrouvé sous l’eau, d’autant que les vannes du lac de Pont ont été ouvertes brutalement… En mars, nous aurons eu un total de 225 mm, soit environ un tiers de la pluviométrie annuelle ! Les terres n’absorbent plus rien puisqu’il pleut depuis le mois d’octobre. Avec ce nouvel épisode, tous nos travaux agricoles sont stoppés pour quinze jours, je pense aux semis de printemps, à l’entretien des clôtures, à l’apport d’engrais et aussi et surtout à la mise à l’herbe. Pour celle-ci, nous touchions pourtant au but… Malgré une très bonne récolte d’ensilage d’herbe, de foin et de paille l’an passé, les stocks seront réduits à néant d’ici quelques jours. Nous pensions pourtant avoir un quart ou même un tiers d’une année d’avance mais au final, il ne restera rien car nous donnons à manger aux bêtes depuis août dernier ».

Antoine Schmith (Châtillon-sur-Seine) : « La Seine était déjà montée à un niveau impressionnant en 2018, je m’en souviens bien, je travaillais à la Barotte. Aujourd’hui je suis agriculteur et je regarde ce phénomène d’une autre manière : c’est à la fois fascinant et désolant ! Toutes les terres en bordure de Seine sont inondées. Dans mon cas, j’ai un champ de colza que l’on ne voit plus, les fleurs sont sous l’eau. À mon avis, le devenir de cette parcelle est fortement compromis. J’ai également un champ de blé dans le même périmètre, celui-ci avait déjà eu du mal avec l’eau de l’hiver. Ce nouvel épisode ne va pas l’arranger, tout dépendra de la rapidité de la décrue… Mon orge de printemps n’est pas dans cette vallée, c’est une chance car il y aurait forcément eu de la casse. En ce qui concerne les éleveurs, heureusement, ils n’avaient pas encore lâché leurs animaux. L’herbe avait bien poussé et il aurait pourtant fallu lâcher là, en ce moment ».

Arnaud Guillien (Chivres, près de Seurre) : « La Saône est sortie de son lit, nous n’avons pas pu y échapper et tout est forcément inondé. J’avais déjà mis à l’herbe une quinzaine de vaches avec leurs veaux pour ne pas me faire dépasser par la pousse : tous ces animaux ont dû être rentrés ! J’ai aussi 13 ha de blé sous l’eau : pour les dégâts, tout dépendra du temps de la décrue… Il n’y a pas de bonne période pour les inondations, mais celle-ci est bien mal venue car le blé est en pleine montaison, quasiment au stade deux nœuds, avec les épis formés à l’intérieur des gaines : ils ne vont pas aimer cette eau pendant plusieurs jours. Ce week-end (ndlr : 6 et 7 avril), du soleil et du chaud sont annoncés, ce n’est pas bon du tout car, par expérience, rien ne survit par la suite, c’est comme un coup de Roundup ! Nous sommes plusieurs agriculteurs dans ce cas-là ».