Moutarde
Les feux sont au vert

AG
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L'association des producteurs de graines de moutarde de Bourgogne (AGPMB) espère une belle moisson 2022. Une bonne nouvelle est d'ores et déjà actée : les prix et les commandes augmenteront la prochaine campagne.

Les feux sont au vert
Thierry Guinet (sélectionneur), Fabrice Genin (président), Andréa Gueury, Laure Ohleyer et Jérôme Gervais (conseillers à la Chambre d'agriculture), la semaine dernière à Barges.

Une moisson digne de ce nom, enfin ! Il ne faut jamais crier victoire trop vite, mais à l'exception de la grêle, bien peu d'aléas peuvent désormais compromettre la récolte des 4 000 ha de moutarde d'automne des adhérents de l'APGMB. Les cultures devraient normalement « aller au bout » et tirer leur épingle du jeu. Jérôme Gervais, technicien à la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, vise une moyenne comprise entre 17 et 18 q/ha : « Les champs n'ont pas été aussi prometteurs depuis quatre ou cinq ans. Si les prévisions se confirmaient, nous retrouverions une année tout à fait dans les normes, après les 11q/ha de moyenne en 2019 et 2020, suivis des 12q/ha de l'an passé ». Les 260 ha de moutardes semées au printemps présentent plutôt bien elles aussi, à un détail près néanmoins : l'eau était attendue avec impatience la semaine dernière, les plantes arrivant au stade floraison. 

En dérobées

Près de 300 autres hectares de moutarde seront également récoltées cette année, avec celles semées ces toutes dernières heures en dérobées, comme l'indique Jérôme Gervais : « c'est la troisième fois consécutive que nous semons de la moutarde de cette manière, nous en avions 120 ha il y a deux ans et 150 en 2021. La récolte interviendra fin septembre-début octobre. Ces moutardes ont été principalement semées après des Cive, des cultures intermédiaires à vocation énergétique, qui se font de plus en plus nombreuses avec la méthanisation. Avec les dérobées, c'est donner l'occasion aux agriculteurs de semer une seconde culture. Une dizaine d'adhérents ont tenté l'expérience ces derniers jours, principalement au nord de Dijon mais aussi autour de Bretenière ».

2000 euros/t pour 2023

La commande de 7 800 tonnes passée par industriels pour 2022 devrait être honorée, chose qui n'était plus arrivée depuis 2018. Le prix payé aux producteurs, à hauteur de 1300 euros la tonne, est une autre satisfaction pour les adhérents, après plusieurs exercices particulièrement décevants. « Les feux sont effectivement au vert », reconnaît Jérôme Gervais, qui observe aussi une bonne tenue des nouvelles variétés tolérantes aux altises, testées en grand nombre cette année : « elles ont démontré de belles capacités dans les mélanges semés par nos adhérents, même si la pression de ces altises a été moindre que les précédentes campagnes ». Réunis en assemblée générale le 31 mai à Barges, les adhérents de l'APGMB ont évoqué tous ces sujets et bien évidemment la prochaine campagne. De bonnes nouvelles sont là aussi au rendez-vous avec, en ligne de mire, une importante augmentation du prix payé aux producteurs. La tonne de moutarde atteindra le montant inédit de 2 000 euros. La commande des industriels augmentera elle aussi pour atteindre la barre des 12 000 tonnes. Pas moins de 10 000 ha de cultures sont ainsi recherchés pour la prochaine campagne. Renseignements : Jérôme Gervais au 06 87 76 30 96.

Le mot du président Fabrice Genin : « Tout est relatif »

Le président de l'AGPMB espère bien évidemment retrouver du dynamisme au sein de la filière moutarde : « Nous avons tenté de négocier avec les industriels, du mieux que nous pouvions. Le prix de 2 000 euros la tonne de moutarde, dévoilé lors de notre assemblée, est intéressant mais il ne le sera pas peut-être tant que cela par rapport aux autres cultures, je pense notamment au colza, si celui-ci est à 900 euros la tonne l'an prochain. Tout est donc relatif. Il y a tellement de la concurrence aujourd'hui entre les productions, qu'il n'est pas toujours évident de faire son choix. Oui, nous sommes dans une conjoncture que nous n'avions jamais connue. Faut-il aussi le rappeler ici : nous signons aujourd'hui des bons de commande pour de l'azote sans connaître son prix définitif... Pour gagner en attractivité, un point est à rappeler : la moutarde est moins gourmande en intrants que le colza, ce critère peut donner de l'intérêt aux producteurs, surtout que des problèmes de disponibilité de produits et donc de prix vont vite arriver. Un autre avantage avec la moutarde est son prix fixe et connu à l'avance, 2 000 euros/t pour 2023 sera une certitude ». Fabrice Genin ajoute qu'une dérogation relative à un insecticide a été formulée à la DGAL (Direction générale de l'alimentation) : « la filière moutarde demande en effet la possibilité d'utiliser un nouveau produit en traitement de semences, le Lumiposa, jusqu'ici utilisé dans les légumes, afin de répondre à la pénurie actuelle. La problématique altises serait en mesure d'être réglée avec cette matière active nommée Cyantraniprole, nous attendons la réponse de la DGAL avant le début des moissons. Si nous l'obtenons, cette dérogation sera en matière de rassurer plus d'un producteur. Pourquoi il n'y a plus de moutarde dans les commerces ? C'est très simple, il n'y a aucune graine produite au Canada après la canicule que ce pays a connue le printemps dernier. Les industriels, qui s'approvisionnent à moitié chez nous, misaient donc sur notre production mais celle-ci n'a pas été au niveau escompté en 2021 avec tous les problèmes que nous rencontrons, notamment la limitation des moyens de protection ».

 

Témoignage « C'est encourageant »
Jean-Luc Robiot.

Témoignage « C'est encourageant »

Jean-Luc Robiot, agriculteur à Noiron-sous-Gevrey, cultive de la moutarde depuis une trentaine d'années. Ce producteur, actuel trésorier de l'AGPMB, salue l'effort financier des industriels : « J'ai déjà participé aux négociations avec l'actuel et l'ancien président. Avant, il était très difficile de gagner 10 ou 20 euros. Cette fois-ci, d'un seul coup, ils ont été capables de mettre 500 euros supplémentaires sur la table, sans presque rien demander. Grâce à l'indice du colza, nous devrions effectivement atteindre les 2 000 euros la tonne. Oui, je salue cet effort sur le prix, celui-ci est inédit pour nous. Tout cela est encourageant, j'espère que nous trouverons de nouveaux producteurs, même si les autres cultures sont elles aussi attractives avec du tournesol à 900 euros, du colza à 850 et du blé qui tutoie désormais les 420 euros la tonne. Vais-je semer davantage de moutarde lors de la prochaine campagne ? Il faudra étudier la rotation, mais pourquoi pas en faire 3 ou 4 ha supplémentaires, en plus de mes 12 ha de cette année. Concernant la récolte 2022, tout s'annonce plutôt bien : il n'y a pas eu d'attaques de méligèthes, les fongicides ont été bien positionnés, il n'y a pas de rouille, pas eu d'attaques non plus d'altises à l'automne... Malgré cet optimisme, nous ne sommes pas encore dans les moissons... Le PMG va jouer énormément et à ce jour, les plantes ont besoin d'eau ».