Production fromagère
« Une production de Chaource inégalée depuis dix ans »

Propos recueillis par Emeline Durand
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L’embellie des consommateurs autour du manger français et local profite aux appellations. Le Chaource ne fait pas exception observe Didier Lincet, président du syndicat de défense du fromage de Chaource, malgré un nombre d’éleveurs qui ne cesse de diminuer dans l’Aube et l’Yonne.

Didier Lincet
« La filière Chaource résiste malgré tout à la baisse du nombre d’éleveurs », relativise Didier Lincet (photo Emeline Durand).

Le volume de lait collecté dans la zone de l’AOP Chaource a enregistré une baisse l’an dernier. Dans le même temps, la production et la consommation augmentent. Comment l’expliquer ?
Didier Lincet : « Les 56 producteurs de la zone ont collecté plus de 35,5 millions de litres de lait l’an dernier, en diminution de 3 %, conséquence d’une baisse du nombre d’exploitations (trois en moins) mais aussi des mauvaises qualités de fourrages. Paradoxalement, près de la moitié de ce volume a été transformée (17 millions de tonnes). Les tonnages de fromages fabriqués et commercialisés ont augmenté de 4 % pour atteindre près de 2 600 tonnes en 2021, ce qui en fait la meilleure année en volume depuis dix ans. Cette croissance, importante, vient complètement annuler la baisse de production de 2020 - on avait enregistré de fortes diminutions pendant les premiers mois du confinement - et lisse l’augmentation, constante depuis 2018. On doit cette performance à la sensibilité accrue des consommateurs envers les produits du terroir et sous appellation, en recherche d’une origine certifiée, reconnue et de qualité. Cette prise de conscience, cette évolution des comportements bénéficie aux produits de l’alimentaire, en particulier de produits fromagers sous appellation comme les nôtres ».

L’assemblée générale qui s’est tenue le 24 mars, pointe un nombre d’éleveurs qui ne cesse de diminuer malgré cinq nouvelles installations. Comme endiguer cette baisse ?
DL : « L’élevage laitier n’attire plus : c’est une tendance générale même si, en zone AOP Chaource, dans l’Aube et l’Yonne, elle est moins marquée. En huit ans, le nombre d’éleveurs dans l’Aube a diminué de 34 % contre 25 % dans la zone de l’AOP Chaource avec une baisse des volumes de « seulement » 4 %. Il faut relativiser : nous avons eu une nouvelle habilitation de producteurs de lait ainsi que cinq installations de jeunes, ce qui est une très bonne chose. Les trois cessations d’activité en revanche nous inquiètent. Pour enrayer ce mouvement, le syndicat réfléchit à des partenariats permettant de développer un service de remplacement : l’une des principales difficultés c’est en effet de trouver de la main-d’œuvre de façon permanente. On pourrait aussi constituer ou se rapprocher d’un groupement d’employeurs, de mutualiser ces solutions ».

La valorisation du lait constitue elle aussi une piste pour endiguer cette diminution d’exploitations laitières…
DL : « Évidemment mieux le lait sera valorisé, plus on incitera les jeunes à s’installer. Le contexte avec la hausse des coûts n’est pas favorable. La politique de fixation du prix du lait échappe au syndicat puisqu’il est géré par les laiteries qui collectent auprès de leurs éleveurs. L’exercice est un peu difficile ».

Ne pensez-vous pas que la loi Egalim2 puisse améliorer ces prix ?
DL : « Je préfère rester prudent. C’est la première année d’application dans les négociations avec les distributeurs. Il faudra tirer les enseignements dans un an. Point positif : normalement le prix du lait n’est plus une variable d’ajustement. Le problème d’Egalim2, c’est que toute la pression de la négociation se reporte sur les autres composants d’un fromage. Dans un produit comme le nôtre, élaboré et transformé, le lait représente 40 % du prix de revient. Des charges de main-d’œuvre, de transport entraînent des coûts de production élevés ce qui fait que l’intérêt de la loi est moins évident ».

Comme l’agriculture au sens large, la filière vise aussi l’autonomie alimentaire des animaux. De quelle manière ?
DL : « L’idée est d’être de moins en moins tributaires des cours mondiaux. Le cahier des charges de la zone de l’AOP impose déjà une autonomie à 75 %, on aimerait augmenter cette proportion. L’objectif consiste ici à supprimer les rations de soja que l’on importe et de nourrir les vaches avec des produits à base de protéines végétales, d’origine nationale ou régionale, en menant ce travail collectif avec les éleveurs et des fabricants les plus proches possibles. Plusieurs pistes sont à l’essai ».

Le retour de la « Chaource week »

Ils remettront le couvert en octobre. Une cinquantaine de restaurants de la région de la zone AOP s’engagent à mettre en avant le Chaource à travers leurs cartes et recettes. Durant une semaine, ces restaurateurs volontaires, assurent ainsi la promotion du fromage local avec le soutien du syndicat. Vu le succès de la première édition, l’action devrait s’étendre au-delà des frontières de l’aire d’appellation, dans l’Aube comme dans l’Yonne.